Décision

Décision n° 2024-6345/6354/6370 QPC AN du 13 décembre 2024

A.N., Yvelines (5e circ.), M. Rémi DUBOIS et autres
Rejet - non lieu à statuer [QPC]

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juillet 2024 d’une requête présentée par M. Rémi DUBOIS, inscrit sur les listes électorales de la 5e circonscription du département des Yvelines, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6345 AN.
Il a également été saisi le même jour d’une requête tendant aux mêmes fins présentée par M. Jacques MYARD, candidat à cette même élection, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6354 AN.
Il a également été saisi le même jour d’une requête tendant aux mêmes fins présentée par M. Laurent PELÉ, inscrit sur les listes électorales de la même circonscription, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6370 AN.
Il a en outre été saisi le 7 novembre 2024, à l’occasion de cette dernière requête, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. PELÉ. Cette question est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 71 à L. 78 du code électoral.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • les décisions du Conseil constitutionnel n° 2024-6370 DR AN/QPC du 24 septembre 2024 et n° 2024-6370 AN/QPC du 27 septembre 2024 ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les mémoires en défense présentés pour Mme Yaël BRAUN-PIVET, députée, par Me Emmanuel Vital-Durand, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 27 septembre, les 2 et 3 octobre et le 25 novembre 2024 ;
  • les observations présentées par le ministre de l’intérieur, enregistrées le 3 octobre 2024 ;
  • le mémoire en réplique présenté par M. MYARD, enregistré le 14 octobre 2024 ;
  • le mémoire en réplique présenté par M. PELÉ, enregistré le 7 novembre 2024 ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 24 octobre 2024, approuvant le compte de campagne de Mme BRAUN-PIVET ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les requêtes mentionnées ci-dessus sont dirigées contre la même élection. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.

- Sur les griefs relatifs au dépôt des candidatures :

2. En premier lieu, si M. PELÉ critique la brièveté des délais de dépôt des candidatures pour le scrutin contesté, qui l’aurait empêché de se porter candidat et méconnaîtrait l’article L. 157 du code électoral, ces délais résultent de l’application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 12 de la Constitution, qui prévalent nécessairement, en ce qui concerne les délais assignés au dépôt des candidatures, sur les dispositions législatives du code électoral.

3. En second lieu, si ce même requérant soutient que Mme BRAUN-PIVET se serait livrée à des manœuvres pour l’empêcher de présenter sa candidature, il n’apporte aucun élément au soutien de ces allégations.

- Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :

4. En premier lieu, si M. DUBOIS allègue que la diffusion, au cours du mois de juin 2024, du journal municipal du Vésinet aurait méconnu les dispositions des articles L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral, il résulte de l’instruction que ce document, dont la publication est habituelle, se bornait à exposer les actions entreprises ou les projets envisagés par la commune sans faire référence ni à la campagne électorale en général ni à la candidature de Mme BRAUN-PIVET en particulier. Dans ces conditions, sa diffusion ne saurait être assimilée ni à une campagne de promotion publicitaire d’une collectivité ni à un don prohibé d’une personne morale. Elle n’a, dans les circonstances de l’espèce, pas davantage porté atteinte à la sincérité du scrutin.

5. En deuxième lieu, s’il est soutenu que Mme BRAUN-PIVET aurait utilisé à des fins de propagande électorale un compte à abonnement payant sur un réseau social, en méconnaissance des articles L. 48-1 et L. 52-1 du code électoral, de tels faits n’ont pas, en l’espèce, eu égard au nombre réduit de messages émis par la candidate par ce biais, constitué une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

6. En troisième lieu, d’une part, si M. MYARD fait valoir que, en violation de l’article L. 49 du code électoral, Mme BRAUN-PIVET a diffusé sur un réseau social, le jour du second tour du scrutin, une photographie de sa personne en train de voter, cette circonstance n’est pas, eu égard à l’écart de voix constaté, susceptible d’avoir eu une incidence sur les résultats du scrutin.

7. D’autre part, si ce même requérant fait valoir que le secrétaire général du parti « Renaissance » aurait diffusé, la veille du scrutin, un message appelant à voter contre les candidats du parti « Rassemblement national » et contre « ceux qui s’y sont ralliés », il ne résulte pas de l’instruction que ce message a été envoyé pendant la période d’interdiction prévue par l’article L. 49. En tout état de cause, ce message ne comportait aucun élément nouveau susceptible d’avoir altéré la sincérité du scrutin.

8. En quatrième lieu, si Mme BRAUN-PIVET a participé, en raison de sa notoriété personnelle liée aux fonctions qu’elle occupait avant la dissolution de l’Assemblée nationale, à de nombreuses émissions diffusées durant la campagne électorale par des chaînes de télévision et de radiodiffusion nationales sans que ses adversaires aient toujours été mis en mesure de s’y exprimer, une telle circonstance n’est pas de nature, eu égard aux écarts de voix constatés entre les candidats tant au premier qu’au second tour, à avoir entraîné une rupture d’égalité entre les candidats ayant altéré la sincérité des résultats du scrutin ni, en tout état de cause, à porter atteinte au principe du pluralisme des courants d’idées et d’opinions.

9. En dernier lieu, s’il est soutenu qu’une affiche électorale a été accolée sur la vitrine de la permanence électorale de Mme BRAUN-PIVET en méconnaissance des dispositions de l’article L. 51 du code électoral, cette seule circonstance n’est pas de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin.

- Sur les griefs relatifs aux dépenses électorales :

10. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, les seules circonstances que Mme BRAUN-PIVET ait, d’une part, distribué des tracts dans une gare et, d’autre part, été prise en photographie avec des militants au sein d’un restaurant ne sont pas de nature à établir qu’elle aurait ce faisant bénéficié d’une aide présentant le caractère d’un concours en nature d’une personne morale prohibé par l’article L. 52-8 du code électoral.

11. En deuxième lieu, eu égard à leur nature et à leur objet, les frais liés à la protection policière dont Mme BRAUN-PIVET bénéficiait en raison de ses fonctions et des menaces pesant sur elle ne sauraient, dès lors qu’ils sont sans lien avec sa qualité de candidate, être assimilés à un don ou avantage consenti par une personne morale, au sens de l’article L. 52-8 du code électoral, ni à des dépenses électorales, au sens de l’article L. 52-12 du même code.

12. En troisième lieu, il résulte de l’instruction que les dépenses liées à l’usage du véhicule de fonction dont disposait Mme BRAUN-PIVET durant la campagne électorale ont été prises en charge par le parti « Renaissance » conformément à l’état de frais arrêté par les services du ministère de l’intérieur, puis intégrées dans son compte de campagne. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance des articles L. 52-8 et L. 52-8-1 du code électoral doit être écarté.

13. En quatrième lieu, contrairement à ce qui est soutenu par M. PELÉ, le discours prononcé par le Président de la République à l’occasion de la Fête de la Musique ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme méconnaissant l’article L. 52-8.

14. En dernier lieu, si M. MYARD conteste au surplus l’exhaustivité du compte de campagne de Mme BRAUN-PIVET, ce grief n’est toutefois pas assorti des précisions et justifications permettant au juge de l’élection d’en apprécier la portée, alors que, au demeurant, la Commission nationale des comptes de campagne a approuvé le compte de campagne de l’intéressée.

- Sur le grief relatif aux opérations de vote :

15. Le grief tiré de l’irrégularité de certaines procurations, invoqué pour la première fois par M. PELÉ dans le mémoire en réplique enregistré le 7 novembre 2024, n’a été présenté que postérieurement à l’expiration du délai de dix jours prévu à l’article 33 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus. Il est, dès lors, irrecevable.

16. Il n’y a, par conséquent, pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à nouveau par M. PELÉ à l’appui de sa protestation qui porte sur les dispositions des articles L. 71 à L. 78 du code électoral relatives au vote par procuration.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’ordonner les mesures d’instruction sollicitées, les requêtes doivent être rejetées.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Il n’y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. Laurent PELÉ.
 
Article 2. - Les requêtes de MM. Rémi DUBOIS, Jacques MYARD et Laurent PELÉ sont rejetées.
 
Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 décembre 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 13 décembre 2024.
 

JORF n°0295 du 14 décembre 2024, texte n° 78
ECLI : FR : CC : 2024 : 2024.6345.AN

À voir aussi sur le site : Voir décision 2024-6370 AN QPC, Voir décision 2024-6370 DR QPC AN, Version PDF de la décision.
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