Décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, sous le n° 2023-851 DC, le 22 mai 2023, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ÉTIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Elise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Pascale MARTIN, Elisa MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER, Léo WALTER, René PILATO, Mmes Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, M. Julien BAYOU, Mme Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEÏKH, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Julie LAERNOES, M. Benjamin LUCAS, Mme Francesca PASQUINI, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, M. Aurélien TACHÉ, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN et M. Nicolas THIERRY, députés.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de la défense ;
- le code de l’énergie ;
- le code de l’environnement ;
- le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de l’urbanisme ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ;
- l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire ;
- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 12 juin 2023 ;
Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la saisine ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
2. Ils contestent sa procédure d’adoption et la place dans la loi des articles 1er et 3, de certaines dispositions de l’article 7, ainsi que des articles 24 et 26. Ils contestent également la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 12, 14, 15 et 26 ainsi que de certaines dispositions de ses articles 7, 8, 9 et 13. Enfin, ils contestent la conformité à la Constitution du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement qui serait, selon eux, indissociable de l’article 20.
- Sur la procédure d’adoption de la loi :
3. Selon les députés requérants, les conditions d’adoption de la loi déférée auraient méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
4. À l’appui de ce grief, ils soutiennent qu’ils n’ont pu disposer des informations nécessaires afin d’apprécier la portée effective des dérogations prévues par la loi déférée pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires. Ils font valoir en particulier qu’ils n’ont pu ni examiner auparavant le projet de loi de programmation relative à l’énergie et au climat, dont l’adoption est pourtant prescrite avant le 1er juillet 2023, ni tirer les enseignements de certaines consultations organisées concomitamment par la Commission nationale du débat public.
5. Ils soutiennent en outre que, lors des débats parlementaires, le Gouvernement les aurait induits en erreur sur le caractère programmatique de certaines dispositions introduites au cours de l’examen du projet de loi.
6. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ». Ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
7. En premier lieu, d’une part, le Conseil constitutionnel se prononce sur la régularité de la procédure législative au regard des règles que la Constitution a elle-même fixées ou auxquelles elle a expressément renvoyé. Or, il ne résulte d’aucune exigence constitutionnelle ou organique que le dépôt du projet de loi à l’origine du texte déféré puis son examen par le Parlement soient subordonnés à l’achèvement de consultations du public ou à l’adoption de la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique, prévue par l’article L. 100-1-A du code de l’énergie.
8. D’autre part, les assemblées ont disposé, comme l’attestent tant les rapports des commissions saisies au fond ou pour avis que le compte rendu des débats, d’éléments d’information suffisants sur les dispositions du projet de loi en discussion.
9. En second lieu, contrairement aux affirmations des députés requérants, le Gouvernement s’est borné à réaffirmer lors des débats son souhait que ne figurent pas dans le texte adopté par le Parlement des dispositions de nature programmatique.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 1er :
11. L’article 1er modifie certaines dispositions du code de l’énergie relatives à la contribution, dans la production électrique française, de l’énergie nucléaire, et prévoit des modalités de révision simplifiée de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
12. Les députés requérants soutiennent que l’article 1er, qui n’aurait qu’une portée programmatique, n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Ils estiment en outre que cet article méconnaîtrait l’article 7 de la Charte de l’environnement, faute qu’ait préalablement été organisée la participation du public sur les choix de politique énergétique que traduisent ces dispositions.
13. En premier lieu, aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions introduites en méconnaissance de cette règle de procédure.
14. La loi déférée a pour origine le projet de loi déposé le 2 novembre 2022 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Ce projet comportait onze articles répartis en trois titres.
15. Son titre Ier rassemblait les mesures destinées à accélérer les procédures liées à des projets de construction de nouvelles installations nucléaires à proximité ou au sein d’une installation existante. Pour permettre la réalisation de ces projets, ce titre comportait des mesures permettant d’adapter la qualification de projet d’intérêt général et la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme, de simplifier les régimes d’autorisation de ces projets, d’autoriser la réalisation anticipée de certains travaux liés à ces projets dès la réception de l’autorisation environnementale, d’apporter certaines dérogations aux règles relatives à l’aménagement et la protection du littoral, de modifier le régime de concession d’utilisation du domaine public maritime, et d’appliquer la procédure de prise de possession immédiate de certains immeubles liés à ces projets. Le titre II, relatif au fonctionnement des installations nucléaires existantes, modifiait les modalités de réalisation des réexamens périodiques des réacteurs et la procédure de mise à l’arrêt des installations nucléaires de base. Le titre III comportait une disposition ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016 mentionnée ci-dessus.
16. Les 1 ° et 3 ° du paragraphe I de l’article 1er de la loi déférée abrogent les dispositions de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui assignent à la politique énergétique nationale l’objectif « De réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 », et procèdent à plusieurs coordinations. Le 2 ° du même paragraphe I abroge l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie interdisant qu’une autorisation administrative d’exploiter une nouvelle installation de production d’électricité soit délivrée lorsqu’elle aurait pour effet de porter la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts. Le paragraphe II du même article 1er prévoit que la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 du code de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée pour tenir compte des dispositions de la loi dans un délai d’un an à compter de sa promulgation.
17. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles du titre Ier du projet de loi initial qui avaient pour objet de simplifier les procédures administratives liées à la construction de réacteurs électronucléaires. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
18. En second lieu, aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de mise en œuvre de ces dispositions.
19. Une disposition législative ne constitue pas une décision publique au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Le grief tiré de l’absence de procédure de participation du public à l’élaboration d’une telle disposition ne peut dès lors qu’être écarté.
20. Par conséquent, l’article 1er de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 7 :
21. L’article 7 détermine le champ d’application des mesures spécifiques, prévues par le titre II de la loi déférée, visant à accélérer les procédures liées à la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires à proximité de sites nucléaires existants.
22. Les députés requérants reprochent à ces dispositions, d’une part, de prévoir que ces mesures pourront s’appliquer à la réalisation des réacteurs électronucléaires pour lesquels une demande d’autorisation de création aura été déposée dans les vingt ans qui suivent la promulgation de la loi déférée et, d’autre part, de ne pas déterminer le nombre maximal de réacteurs susceptibles d’être autorisés durant cette période. Selon eux, le législateur aurait ainsi retenu une durée d’application manifestement inadéquate au regard de l’objectif d’accélération de la transition énergétique et n’aurait pas préservé la faculté pour les générations futures de modifier les conditions de production de l’électricité décarbonée. Il en résulterait une méconnaissance des exigences découlant des articles 1er et 6 de la Charte de l’environnement.
23. Les députés requérants reprochent par ailleurs au législateur d’avoir méconnu l’étendue de sa compétence en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de préciser la notion de « proximité immédiate » d’une installation nucléaire de base existante.
24. Ils soutiennent en outre que le paragraphe IV de l’article 7 n’aurait pas sa place dans la loi déférée au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
. En ce qui concerne les paragraphes II et VI de l’article 7 :
25. En premier lieu, l’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Les limitations apportées par le législateur à l’exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.
26. L’article L. 593-1 du code de l’environnement prévoit que les installations nucléaires de base sont soumises au régime légal défini par les dispositions des chapitres III et VI du titre IX du livre V de ce code. Parmi ces installations figurent, en application des 1 ° à 3 ° de l’article L. 593-2 du même code, les réacteurs nucléaires, les installations de préparation, d’enrichissement, de fabrication, de traitement ou d’entreposage de combustibles nucléaires ou de traitement, d’entreposage ou de stockage de déchets radioactifs, et les installations contenant des substances radioactives ou fissiles. L’article L. 593-7 de ce même code soumet à autorisation la création de telles installations.
27. Selon le paragraphe II de l’article 7 de la loi déférée, les mesures spécifiques prévues par le titre II de cette loi s’appliquent à la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante mentionnée aux 1 ° à 3 ° de l’article L. 593-2 du code de l’environnement et pour lesquels la demande d’autorisation de création est déposée au cours des vingt ans qui suivent la promulgation de la loi. Le paragraphe VI de l’article 7 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise la notion de « proximité immédiate ».
28. D’une part, il résulte des travaux préparatoires que, en adoptant des mesures propres à accélérer la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires, le législateur a entendu créer les conditions qui permettraient d’augmenter les capacités de production d’énergie nucléaire afin notamment de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas, en l’état des connaissances scientifiques et techniques, manifestement inappropriées à ces objectifs.
29. D’autre part, les dispositions contestées, qui se bornent à déterminer le champ d’application des mesures spécifiques prévues par le titre II de la loi déférée, n’ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les projets de réalisation de réacteurs électronucléaires auxquels ces mesures s’appliqueront du respect des dispositions du code de l’environnement instituant le régime légal applicable aux installations nucléaires de base en raison des risques ou inconvénients qu’elles peuvent présenter pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement.
30. Par ailleurs, au regard des objectifs qu’il a poursuivis et compte tenu du délai nécessaire à la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires, le législateur, qui n’était pas tenu de fixer un nombre maximal de réacteurs susceptibles d’être construits durant cette période, a pu prévoir que les mesures spécifiques prévues par le titre II de la loi déférée s’appliqueront à la réalisation des réacteurs pour lesquels la demande d’autorisation de création sera déposée au cours des vingt ans qui suivront la promulgation de la loi.
31. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement doit donc être écarté.
32. En second lieu, il résulte des termes mêmes des paragraphes II et VI de l’article 7 de la loi déférée que la notion de « proximité immédiate » désigne la zone située à l’extérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et que cette zone ne peut excéder le périmètre initial du plan particulier d’intervention existant, mentionné à l’article L. 741‑6 du code de la sécurité intérieure, lorsque l’installation nucléaire de base existante dispose d’un tel plan.
33. Dès lors, en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de préciser la notion de « proximité immédiate », qui n’est ni imprécise ni ambiguë, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence.
34. Il résulte de ce qui précède que les paragraphes II et VI de l’article 7, qui ne méconnaissent pas non plus l’article 6 de la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne la place du paragraphe IV de l’article 7 dans la loi déférée :
35. Le paragraphe IV de l’article 7 prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la faisabilité et l’opportunité d’étendre l’application des mesures prévues au titre II de la loi déférée à d’autres types de réacteurs nucléaires et à d’autres conditions d’implantation géographique, ainsi qu’à un autre type d’énergie. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles, précitées, du titre Ier du projet de loi initial. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
- Sur certaines dispositions de l’article 8 :
36. Le paragraphe II de l’article 8 autorise l’autorité administrative compétente de l’État à engager la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme locaux pour permettre la réalisation d’un réacteur électronucléaire.
37. Les députés requérants reprochent à ces dispositions d’autoriser l’État à procéder directement à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme, sans prévoir la possibilité pour les collectivités territoriales compétentes en matière d’urbanisme d’y procéder elles-mêmes. Il en résulterait une méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales.
38. Selon le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus « dans les conditions prévues par la loi ». L’article 34 de la Constitution prévoit que la loi détermine les principes fondamentaux « de leurs compétences ». Ces dispositions impliquent que toute collectivité territoriale doit disposer d’une assemblée délibérante élue dotée par la loi d’attributions effectives, qu’il est loisible au législateur d’énumérer limitativement.
39. Les communes et leurs groupements sont compétents pour élaborer, modifier ou réviser la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le schéma de cohérence territoriale.
40. Les dispositions contestées de l’article 8 prévoient que, lorsque l’autorité administrative compétente de l’État considère que l’un de ces documents d’urbanisme ne permet pas la réalisation d’un réacteur électronucléaire, elle engage sans délai sa mise en compatibilité.
41. En premier lieu, ces dispositions ne s’appliquent que dans le cas où la réalisation d’un réacteur électronucléaire est qualifiée de projet d’intérêt général par un décret en Conseil d’État ou à la suite d’une déclaration d’utilité publique qui emporte cette qualification.
42. En deuxième lieu, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme ne peut porter que sur les dispositions des documents d’urbanisme dont la modification est nécessaire pour permettre la réalisation d’un réacteur électronucléaire qui, en application de l’article 7 de la loi déférée, ne peut être implanté qu’à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante.
43. En dernier lieu, ces dispositions prévoient que l’autorité administrative compétente de l’État informe la commune de la nécessité de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme, de ses motifs, ainsi que des modifications qu’elle estime nécessaires. La commune peut alors présenter des observations sur les modifications envisagées. Le projet de mise en compatibilité arrêté par l’autorité administrative est ensuite examiné conjointement par l’État et la commune.
44. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales doit être écarté.
45. Par conséquent, le paragraphe II de l’article 8 de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 9 :
46. Le paragraphe I de l’article 9 prévoit notamment que la conformité de la réalisation d’un réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme est vérifiée dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur, dans des conditions fixées par décret, et dispense de toute formalité au titre du code de l’urbanisme les constructions, aménagements, installations et travaux liés à cette réalisation.
47. Les députés requérants soutiennent que, en renvoyant à un décret la fixation des conditions dans lesquelles l’autorité administrative vérifie la conformité de la réalisation d’un réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme, ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative. Ils font également valoir que, en ne limitant pas dans le temps et en ne réservant pas à certaines situations la dispense de toute formalité au titre du code de l’urbanisme prévue pour cette réalisation, elles méconnaîtraient les exigences résultant des articles 1er, 3 et 6 de la Charte de l’environnement et l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Enfin, selon eux, eu égard aux conséquences qu’elles auraient sur la possibilité d’exercer certains recours, ces dispositions méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif.
. En ce qui concerne le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 9 :
48. En vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « de la préservation de l’environnement » et « du régime de la propriété ».
49. Le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 9 de la loi déférée prévoit que l’autorité administrative vérifie la conformité de l’ensemble du projet de réalisation d’un réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création d’un réacteur.
50. Le législateur, qui a prévu que tout projet de réalisation d’un réacteur électronucléaire doit être conforme aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, à la destination, à la nature, à l’architecture, aux dimensions et à l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords, a pu, sans méconnaître l’étendue de sa compétence, renvoyer à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions dans lesquelles l’autorité administrative compétente procède à cette vérification.
51. Dès lors, le grief tiré de l’incompétence négative du législateur doit être écarté.
52. Par conséquent, le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 9 de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne le troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 :
53. Le troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 prévoit notamment que les constructions, les aménagements, les installations et les travaux liés à la réalisation d’un réacteur électronucléaire sont dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme.
54. En premier lieu, si ces dispositions dispensent le porteur d’un tel projet de solliciter les autorisations prévues par le code de l’urbanisme, telles que les déclarations préalables, les permis de démolir et de construire, elles n’ont ni pour objet ni pour effet de le dispenser de présenter une demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création d’un réacteur électronucléaire, à l’occasion de laquelle la conformité de cette réalisation aux règles d’urbanisme applicables sera appréciée par l’autorité administrative compétente.
55. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement doit être écarté.
56. En second lieu, les dispositions contestées, qui n’ont ni pour objet ni pour effet de priver les justiciables de la possibilité de contester devant le juge administratif les autorisations délivrées dans ce cadre, ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif.
57. Par conséquent, le troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus les articles 3 et 6 de la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 12 :
58. L’article 12 prévoit que la réalisation d’un réacteur électronucléaire satisfaisant à certaines conditions est constitutive d’une raison impérative d’intérêt public majeur de nature à justifier la délivrance d’une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu’à leurs habitats.
59. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions instaureraient une présomption irréfragable que certains projets répondent à une raison impérative d’intérêt public majeur, ce qui empêcherait de rapporter la preuve contraire et favoriserait la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires au détriment de l’environnement, de la santé et du développement des énergies renouvelables. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que des exigences découlant des articles 1er, 2, 5 et 6 de la Charte de l’environnement.
60. L’article L. 411-1 du code de l’environnement interdit toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation d’habitats naturels ou des habitats de ces espèces, lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient leur conservation. En application du c du 4 ° du paragraphe I de l’article L. 411-2 du même code, des dérogations à ces interdictions peuvent être délivrées, sous certaines conditions, dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impérieuses d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique.
61. Les dispositions contestées prévoient que la réalisation de certains réacteurs électronucléaires est constitutive d’une raison d’intérêt public majeur.
62. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 28, mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
63. En second lieu, la présomption instituée par les dispositions contestées ne dispense pas les projets de réalisation de réacteurs électronucléaires auxquels elle s’applique du respect des autres conditions prévues pour la délivrance d’une dérogation aux interdictions prévues par l’article L. 411-1 du code de l’environnement. À cet égard, l’autorité administrative compétente s’assure, sous le contrôle du juge, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
64. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas l’article 1er de la Charte de l’environnement.
65. Par conséquent, l’article 12 de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus les articles 2, 5 et 6 de la Charte de l’environnement, ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 13 :
66. Le paragraphe I de l’article 13 prévoit que la réalisation d’un réacteur électronucléaire n’est pas soumise aux dispositions relatives à l’aménagement et à la protection du littoral prévues par le code de l’urbanisme.
67. Les députés requérants critiquent l’ampleur de la dérogation introduite par ces dispositions au motif qu’elle permettrait de faire obstacle à l’application de l’ensemble des règles d’aménagement et de protection du littoral pour la réalisation d’un réacteur électronucléaire. Ils reprochent, en outre, à ces dispositions de ne pas conditionner cette dérogation à la prise en compte des risques pour l’environnement pouvant résulter de la présence de réacteurs électronucléaires sur des sites soumis à des aléas météorologiques, des risques naturels ou au recul du trait de côte. Il en résulterait une méconnaissance des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement.
68. S’il est loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement.
69. Les limitations apportées par le législateur à l’exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.
70. Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme comporte les dispositions relatives à l’aménagement et à la protection du littoral. Les dispositions contestées de l’article 13 de la loi déférée prévoient que la réalisation d’un réacteur électronucléaire ainsi que les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à son exploitation ne sont pas soumis à ces règles.
71. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 28, mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
72. En deuxième lieu, conformément au paragraphe II de l’article 7, les dispositions contestées ne s’appliquent qu’aux projets de réalisation d’un réacteur électronucléaire dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et pour lesquels une demande d’autorisation est déposée au cours des vingt ans qui suivent la promulgation de la loi.
73. En dernier lieu, ces dispositions ne font pas obstacle à l’application du régime légal relatif aux installations nucléaires prévu aux chapitres III et VI du titre IX du livre V du code de l’environnement, en vertu duquel il revient à l’exploitant de démontrer que, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir ou limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients que l’installation présente pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement.
74. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement doit être écarté.
75. Par conséquent, le paragraphe I de l’article 13 de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus l’article 2 de la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 14 :
76. L’article 14 de la loi déférée détermine les conditions dans lesquelles est délivrée une concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la réalisation d’un réacteur électronucléaire.
77. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître le principe de participation du public garanti par l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ils font également valoir que la réalisation d’un réacteur électronucléaire étant de nature à affecter de manière grave et irréversible l’environnement, ces dispositions méconnaîtraient les exigences résultant des articles 1er, 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement ainsi que son Préambule et l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Enfin, ils font valoir que ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative au motif qu’elles ne déterminent pas les engagements de l’exploitant de la concession.
78. En premier lieu, l’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que, en dehors des zones portuaires et industrialo-portuaires, et sauf pour l’exécution de certaines opérations qu’il énumère, il ne peut être porté atteinte à l’état naturel du rivage de la mer sauf pour des ouvrages ou installations liés à l’exercice d’un service public ou l’exécution d’un travail public dont la localisation au bord de mer s’impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives et qui ont donné lieu à une déclaration d’utilité publique.
79. Par dérogation à ces dispositions, l’article 14 de la loi déférée prévoit que la concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la réalisation d’un réacteur électronucléaire ne donne pas lieu à une déclaration d’utilité publique mais est délivrée à l’issue d’une enquête publique et approuvée par décret en Conseil d’État.
80. Il résulte des termes mêmes du dernier alinéa de l’article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques auquel renvoient les dispositions contestées que cette enquête publique est réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement.
81. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement doit être écarté.
82. En deuxième lieu, en ne définissant pas lui-même le contenu du cahier des charges de la concession d’utilisation du domaine public, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence.
83. En dernier lieu, ces dispositions, qui se bornent à prévoir les conditions de délivrance d’une concession d’utilisation du domaine public maritime, n’ont ni pour objet ni pour effet de déterminer les règles de réalisation ou d’exploitation d’un réacteur électronucléaire. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement ne peut qu’être écarté.
84. Il résulte de ce qui précède que l’article 14, qui ne méconnaît pas non plus les articles 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 15 :
85. L’article 15 de la loi déférée autorise le recours à une procédure spéciale d’expropriation avec prise de possession immédiate des biens dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation d’un réacteur électronucléaire.
86. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions priveraient les propriétaires de leurs biens sans prévoir le versement d’une juste et préalable indemnité, en méconnaissance des articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789.
87. Aux termes de l’article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d’une opération dont l’utilité publique a été légalement constatée. La prise de possession par l’expropriant doit être subordonnée au versement préalable d’une indemnité. Pour être juste, l’indemnisation doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation. En cas de désaccord sur la fixation du montant de l’indemnité, l’exproprié doit disposer d’une voie de recours appropriée.
88. Toutefois, l’octroi par la collectivité expropriante d’une provision représentative de l’indemnité due n’est pas incompatible avec le respect de ces exigences si un tel mécanisme répond à des motifs impérieux d’intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés.
89. En application de l’article L. 220-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le transfert de propriété des immeubles faisant l’objet d’une procédure d’expropriation doit en principe être opéré, à défaut de cession amiable, par voie d’ordonnance du juge de l’expropriation. Cette ordonnance envoie alors l’expropriant en possession, sous réserve qu’il ait procédé au paiement de l’indemnité. Les articles L. 522-1 à L. 522-4 du même code instituent une procédure spéciale d’expropriation applicable à certains travaux pour l’exécution desquels la prise de possession des biens peut être autorisée par décret après le paiement d’une provision.
90. Les dispositions contestées de l’article 15 de la loi déférée rendent cette procédure applicable à la réalisation d’un réacteur électronucléaire et fixent le délai maximal dans lequel doit intervenir le décret autorisant la prise de possession.
91. En premier lieu, en vue de mettre en œuvre les exigences constitutionnelles mentionnées au paragraphe 28, ces dispositions permettent la prise de possession d’immeubles, bâtis ou non bâtis, nécessaires à la réalisation d’un réacteur électronucléaire dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique. La procédure spéciale d’expropriation à laquelle il peut ainsi être recouru ne peut être mise en œuvre que lorsque l’exécution des travaux risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession.
92. En second lieu, d’une part, la prise de possession ne peut avoir lieu qu’après le paiement provisionnel au propriétaire ou, en cas d’obstacle au paiement, à la consignation d’une somme égale à l’évaluation de l’autorité administrative compétente pour l’effectuer ou à l’offre de l’autorité expropriante, si celle-ci est supérieure.
93. D’autre part, cette prise de possession ne peut légalement intervenir qu’après avoir été autorisée par décret pris sur l’avis conforme du Conseil d’État, que l’exproprié peut contester devant le juge administratif, y compris en référé, au même titre que les actes de la phase administrative de la procédure d’expropriation.
94. En outre, il revient en tout état de cause au juge de l’expropriation, qui peut être saisi à l’initiative du propriétaire, de fixer le montant de l’indemnité définitive et d’attribuer, le cas échéant, une indemnité spéciale tenant compte du préjudice causé par la rapidité de la procédure.
95. Dès lors, le tempérament apporté à la règle du caractère préalable de l’indemnisation répond à des motifs impérieux d’intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 17 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté.
96. L’article 15, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur le paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement :
97. Le paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement prévoit que la création d’une installation nucléaire de base est soumise à une autorisation.
98. Les députés requérants soutiennent que l’article 20 de la loi déférée serait indissociable de ces dispositions dont il tirerait les conséquences nécessaires. Ils demandent par conséquent au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité à la Constitution du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement auquel ils reprochent de méconnaître les articles 1er, 2 et 3 de la Charte de l’environnement.
99. La conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.
100. Les dispositions de l’article 20 de la loi déférée se bornent à modifier les dispositions de l’article L. 593-19 du code de l’environnement fixant les conditions dans lesquelles il est procédé au réexamen d’une installation nucléaire de base au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur électronucléaire.
101. Elles ne modifient pas les dispositions déjà promulguées du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement qui est relatif aux conditions dans lesquelles est délivrée une autorisation de création et de mise en service d’une installation nucléaire de base. Elles ne les complètent pas davantage, ni n’en affectent le domaine d’application. Les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions peut être utilement contestée ne sont donc pas réunies.
- Sur l’article 26 :
102. L’article 26 de la loi déférée modifie les articles L. 1333‑13‑12 à L. 1333‑13‑15 et L. 1333‑13‑18 du code de la défense afin d’aggraver le quantum des peines réprimant certaines atteintes aux règles relatives à la protection des installations nucléaires contre les intrusions.
103. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions, de nature pénale, n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’elles auraient été introduites en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Ils estiment en outre que cet article méconnaîtrait le principe de nécessité des peines et instituerait des sanctions manifestement disproportionnées au regard de la gravité des faits réprimés.
104. Introduit en première lecture, cet article ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions de l’article 9 du projet de loi initial, relatif au réexamen périodique de certaines installations nucléaires, ni avec celles de son article 10, relatif à leurs conditions d’arrêt. Il ne présente pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les autres dispositions dont la place dans la loi déférée est contestée :
. En ce qui concerne l’article 3 :
105. L’article 3 modifie plusieurs dispositions du code de l’énergie afin de prendre en compte l’hydrogène bas-carbone dans les objectifs de la politique énergétique nationale et dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.
106. Les députés requérants soutiennent que cet article n’a pas sa place dans la loi déférée au motif qu’il aurait été adopté selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
107. Introduit en première lecture, cet article, qui modifie des dispositions programmatiques pour y inclure des objectifs relatifs à l’hydrogène bas-carbone, ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial. Il ne présente pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de leur conformité aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, ces dispositions lui sont donc contraires.
. En ce qui concerne l’article 24 :
108. L’article 24 de la loi déférée modifie l’article L. 592-12 du code de l’environnement afin de permettre à l’Autorité de sûreté nucléaire d’employer certains fonctionnaires et de recruter des agents contractuels de droit public et de droit privé.
109. Les députés requérants soutiennent que cet article n’a pas sa place dans la loi déférée au motif qu’il aurait été adopté selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
110. Introduit en première lecture, cet article ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial. Il ne présente pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de leur conformité aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, ces dispositions lui sont donc contraires.
- Sur d’autres dispositions de la loi déférée :
111. L’article 17 prévoit que le Gouvernement doit présenter certaines informations sur l’implantation de réacteurs électronucléaires.
112. La séparation des pouvoirs résulte de l’article 16 de la Déclaration de 1789. Aux termes du premier alinéa de l’article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Le principe de la séparation des pouvoirs s’applique à l’égard du Gouvernement.
113. L’article 17 impose au Gouvernement d’établir, avant le dépôt du projet de loi prévu en application du paragraphe I de l’article L. 100‑1 A du code de l’énergie, une carte et une liste des sites potentiels d’installation de petits réacteurs modulaires d’une puissance installée supérieure à 150 mégawatts. Dans ce cadre, le Gouvernement doit présenter un bilan des avantages et des inconvénients de chacun des sites concernés et s’appuyer sur une consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements volontaires.
114. Il est loisible au législateur de prévoir des dispositions assurant l’information du Parlement afin de lui permettre, conformément à l’article 24 de la Constitution, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques. Toutefois, en subordonnant le dépôt d’un projet de loi à l’établissement de certains documents par le Gouvernement, le législateur a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et l’article 20 de la Constitution. Dès lors, l’article 17 est contraire à la Constitution.
- Sur la place d’autres dispositions dans la loi déférée :
115. L’article 4 modifie le contenu de la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique, prévue par l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, et procède à une coordination à l’article L. 311-5-7 du même code. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial.
116. Le paragraphe III de l’article 9 prévoit que, avant le 1er janvier 2024, une loi détermine les modalités dérogatoires de la prise en compte, au sein des documents de planification et d’urbanisme, au titre des obligations prévues par la loi du 22 août 2021 mentionnée ci-dessus, de l’artificialisation des sols et de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers résultant des grands projets d’envergure nationale. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 3 du projet de loi initial, relatif à la simplification des régimes d’autorisation pour les projets de réacteurs électronucléaires et leurs équipements, ni avec celles de son article 5, prévoyant une dérogation aux règles d’aménagement et de protection du littoral pour la réalisation de ces projets.
117. L’article 19 de la loi déférée prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux besoins humains et financiers de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial.
118. L’article 25 de la loi déférée modifie les règles de parité applicables à la composition du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial.
119. L’article 27 de la loi déférée prévoit que le rapport annuel établi par l’Autorité de sûreté nucléaire comporte un compte rendu de l’activité de la commission des sanctions de cette autorité. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial.
120. L’article 29 de la loi déférée prévoit que, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les recettes fiscales liées aux réacteurs électronucléaires qui sont perçues par les collectivités territoriales. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles du paragraphe II de l’article 3 du projet de loi initial, qui visaient à assurer que les exploitants des réacteurs électronucléaires ayant bénéficié d’une dispense d’autorisation d’urbanisme en application de cet article demeurent redevables de la taxe d’aménagement.
121. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
122. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les autres dispositions :
123. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes :
- les articles 3 et 4 ;
- le paragraphe III de l’article 9 ;
- les articles 17, 19, 24 à 27 et 29.
Article 2. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi :- l’article 1er ;
- les paragraphes II et VI de l’article 7 ;
- le paragraphe II de l’article 8 ;
- les deuxième et troisième alinéas du paragraphe I de l’article 9 ;
- l’article 12 ;
- le paragraphe I de l’article 13 ;
- les articles 14 et 15.
Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 21 juin 2023.
JORF n°0144 du 23 juin 2023, texte n° 2
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.851.DC
Les abstracts
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
- 3.3.4. Incompétence négative
- 3.3.4.2. Absence d'incompétence négative
3.3.4.2.2. Renvoi au règlement d'application
Il résulte des termes mêmes des paragraphes II et VI de l’article 7 de la loi déférée que la notion de « proximité immédiate » désigne la zone située à l’extérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et que cette zone ne peut excéder le périmètre initial du plan particulier d’intervention existant, mentionné à l’article L. 741‑6 du code de la sécurité intérieure, lorsque l’installation nucléaire de base existante dispose d’un tel plan. Dès lors, en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de préciser la notion de « proximité immédiate », qui n’est ni imprécise ni ambiguë, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
- 4.2.2. Garantie des droits
- 4.2.2.3. Droit au recours
4.2.2.3.2. Procédure administrative
Le troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 prévoit notamment que les constructions, les aménagements, les installations et les travaux liés à la réalisation d’un réacteur électronucléaire sont dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. Ces dispositions, qui n’ont ni pour objet ni pour effet de priver les justiciables de la possibilité de contester devant le juge administratif les autorisations délivrées dans ce cadre, ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
- 4.2.2. Garantie des droits
4.2.2.6. Séparation des pouvoirs
Le Conseil est saisi de dispositions prévoyant que le Gouvernement doit présenter certaines informations sur l’implantation de réacteurs électronucléaires. L’article 17 impose au Gouvernement d’établir, avant le dépôt du projet de loi prévu en application du paragraphe I de l’article L. 100‑1 A du code de l’énergie, une carte et une liste des sites potentiels d’installation de petits réacteurs modulaires d’une puissance installée supérieure à 150 mégawatts. Dans ce cadre, le Gouvernement doit présenter un bilan des avantages et des inconvénients de chacun des sites concernés et s’appuyer sur une consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements volontaires. Il est loisible au législateur de prévoir des dispositions assurant l’information du Parlement afin de lui permettre, conformément à l’article 24 de la Constitution, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques. Toutefois, en subordonnant le dépôt d’un projet de loi à l’établissement de certains documents par le Gouvernement, le législateur a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et l’article 20 de la Constitution. Dès lors, l’article 17 est contraire à la Constitution.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.7. DROIT DE PROPRIÉTÉ
- 4.7.4. Protection contre la privation de propriété
- 4.7.4.3. Allocation d'une juste et préalable indemnité
4.7.4.3.1. Principe
Aux termes de l’article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d’une opération dont l’utilité publique a été légalement constatée. La prise de possession par l’expropriant doit être subordonnée au versement préalable d’une indemnité. Pour être juste, l’indemnisation doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation. En cas de désaccord sur la fixation du montant de l’indemnité, l’exproprié doit disposer d’une voie de recours appropriée.
Toutefois, l’octroi par la collectivité expropriante d’une provision représentative de l’indemnité due n’est pas incompatible avec le respect de ces exigences si un tel mécanisme répond à des motifs impérieux d’intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.7. DROIT DE PROPRIÉTÉ
- 4.7.4. Protection contre la privation de propriété
- 4.7.4.3. Allocation d'une juste et préalable indemnité
4.7.4.3.2. Applications
Le Conseil constitutionnel est saisi de l’article 15 de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. En application de l’article L. 220-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le transfert de propriété des immeubles faisant l’objet d’une procédure d’expropriation doit en principe être opéré, à défaut de cession amiable, par voie d’ordonnance du juge de l’expropriation. Cette ordonnance envoie alors l’expropriant en possession, sous réserve qu’il ait procédé au paiement de l’indemnité. Les articles L. 522-1 à L. 522-4 du même code instituent une procédure spéciale d’expropriation applicable à certains travaux pour l’exécution desquels la prise de possession des biens peut être autorisée par décret après le paiement d’une provision. Les dispositions contestées rendent cette procédure applicable à la réalisation d’un réacteur électronucléaire et fixent le délai maximal dans lequel doit intervenir le décret autorisant la prise de possession.
En premier lieu, en vue de mettre en œuvre certaines exigences constitutionnelles (exigences inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuite de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement), ces dispositions permettent la prise de possession d’immeubles, bâtis ou non bâtis, nécessaires à la réalisation d’un réacteur électronucléaire dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique. La procédure spéciale d’expropriation à laquelle il peut ainsi être recouru ne peut être mise en œuvre que lorsque l’exécution des travaux risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession. En second lieu, d’une part, la prise de possession ne peut avoir lieu qu’après le paiement provisionnel au propriétaire ou, en cas d’obstacle au paiement, à la consignation d’une somme égale à l’évaluation de l’autorité administrative compétente pour l’effectuer ou à l’offre de l’autorité expropriante, si celle-ci est supérieure. D’autre part, cette prise de possession ne peut légalement intervenir qu’après avoir été autorisée par décret pris sur l’avis conforme du Conseil d’État, que l’exproprié peut contester devant le juge administratif, y compris en référé, au même titre que les actes de la phase administrative de la procédure d’expropriation. En outre, il revient en tout état de cause au juge de l’expropriation, qui peut être saisi à l’initiative du propriétaire, de fixer le montant de l’indemnité définitive et d’attribuer, le cas échéant, une indemnité spéciale tenant compte du préjudice causé par la rapidité de la procédure. Dès lors, le tempérament apporté à la règle du caractère préalable de l’indemnisation répond à des motifs impérieux d’intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés. Rejet du grief tiré de la méconnaissance de l’article 17 de la Déclaration de 1789.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.11. ENVIRONNEMENT
4.11.1. Droit de vivre dans un environnement sain et vigilance environnementale
Le Conseil est saisi de dispositions prévoyant que la réalisation d’un réacteur électronucléaire n’est pas soumise aux dispositions relatives à l’aménagement et à la protection du littoral prévues par le code de l’urbanisme. Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme comporte les dispositions relatives à l’aménagement et à la protection du littoral. Les dispositions contestées de l’article 13 de la loi déférée prévoient que la réalisation d’un réacteur électronucléaire ainsi que les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à son exploitation ne sont pas soumis à ces règles. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 28, mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. En deuxième lieu, conformément au paragraphe II de l’article 7, les dispositions contestées ne s’appliquent qu’aux projets de réalisation d’un réacteur électronucléaire dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et pour lesquels une demande d’autorisation est déposée au cours des vingt ans qui suivent la promulgation de la loi. En dernier lieu, ces dispositions ne font pas obstacle à l’application du régime légal relatif aux installations nucléaires prévu aux chapitres III et VI du titre IX du livre V du code de l’environnement, en vertu duquel il revient à l’exploitant de démontrer que, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir ou limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients que l’installation présente pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement doit être écarté.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.11. ENVIRONNEMENT
- 4.11.6. Principes d'information et de participation
4.11.6.2. Champ d'application du principe
Une disposition législative ne constitue pas une décision publique au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Le grief tiré de l’absence de procédure de participation du public à l’élaboration d’une telle disposition ne peut dès lors qu’être écarté.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.11. ENVIRONNEMENT
- 4.11.6. Principes d'information et de participation
4.11.6.4. Absence de méconnaissance du principe
L’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que, en dehors des zones portuaires et industrialo-portuaires, et sauf pour l’exécution de certaines opérations qu’il énumère, il ne peut être porté atteinte à l’état naturel du rivage de la mer sauf pour des ouvrages ou installations liés à l’exercice d’un service public ou l’exécution d’un travail public dont la localisation au bord de mer s’impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives et qui ont donné lieu à une déclaration d’utilité publique. Par dérogation à ces dispositions, l’article 14 de la loi déférée prévoit que la concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la réalisation d’un réacteur électronucléaire ne donne pas lieu à une déclaration d’utilité publique mais est délivrée à l’issue d’une enquête publique et approuvée par décret en Conseil d’État. Il résulte des termes mêmes du dernier alinéa de l’article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques auquel renvoient les dispositions contestées que cette enquête publique est réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement. Rejet du grief.
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.5. Droit d'amendement
- 10.3.5.2. Recevabilité
- 10.3.5.2.5. Recevabilité en première lecture
10.3.5.2.5.2. Existence d'un lien indirect avec le texte en discussion
La loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes a pour origine le projet de loi déposé le 2 novembre 2022 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Ce projet comportait onze articles répartis en trois titres. Son titre Ier rassemblait les mesures destinées à accélérer les procédures liées à des projets de construction de nouvelles installations nucléaires à proximité ou au sein d’une installation existante. Pour permettre la réalisation de ces projets, ce titre comportait des mesures permettant d’adapter la qualification de projet d’intérêt général et la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme, de simplifier les régimes d’autorisation de ces projets, d’autoriser la réalisation anticipée de certains travaux liés à ces projets dès la réception de l’autorisation environnementale, d’apporter certaines dérogations aux règles relatives à l’aménagement et la protection du littoral, de modifier le régime de concession d’utilisation du domaine public maritime, et d’appliquer la procédure de prise de possession immédiate de certains immeubles liés à ces projets. Le titre II, relatif au fonctionnement des installations nucléaires existantes, modifiait les modalités de réalisation des réexamens périodiques des réacteurs et la procédure de mise à l’arrêt des installations nucléaires de base. Le titre III comportait une disposition ratifiant l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016. Les 1° et 3° du paragraphe I de l’article 1er de la loi déférée abrogent les dispositions de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui assignent à la politique énergétique nationale l’objectif « De réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 », et procèdent à plusieurs coordinations. Le 2° du même paragraphe I abroge l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie interdisant qu’une autorisation administrative d’exploiter une nouvelle installation de production d’électricité soit délivrée lorsqu’elle aurait pour effet de porter la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts. Le paragraphe II du même article 1er prévoit que la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 du code de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée pour tenir compte des dispositions de la loi dans un délai d’un an à compter de sa promulgation. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles du titre Ier du projet de loi initial qui avaient pour objet de simplifier les procédures administratives liées à la construction de réacteurs électronucléaires. Rejet du grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution.
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.5. Droit d'amendement
- 10.3.5.2. Recevabilité
- 10.3.5.2.5. Recevabilité en première lecture
10.3.5.2.5.4. Absence de lien indirect
Saisi d'un grief contestant la place au sein de la loi déférée de son article 3, qui modifie plusieurs dispositions du code de l’énergie afin de prendre en compte l’hydrogène bas-carbone dans les objectifs de la politique énergétique nationale et dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, le Conseil constitutionnel juge que, introduit en première lecture, cet article, qui modifie des dispositions programmatiques pour y inclure des objectifs relatifs à l’hydrogène bas-carbone, ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial. Il ne présente pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de leur conformité aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, ces dispositions lui sont donc contraires.
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.10. Qualité de la loi
10.3.10.2. Principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires
En réponse aux griefs des députés requérants, qui soutenaient que les conditions d’adoption de la loi déférée auraient méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire aux motifs, notamment, qu'ils n’auraient pu disposer des informations nécessaires afin d’apprécier la portée effective des dérogations prévues par cette loi pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires (ils faisaient valoir en particulier qu’ils n’ont pu ni examiner auparavant le projet de loi de programmation relative à l’énergie et au climat, dont l’adoption est pourtant prescrite avant le 1er juillet 2023, ni tirer les enseignements de certaines consultations organisées concomitamment par la Commission nationale du débat public), le Conseil constitutionnel rappelle en premier lieu, d'une part, qu'il se prononce sur la régularité de la procédure législative au regard des règles que la Constitution a elle-même fixées ou auxquelles elle a expressément renvoyé. Or, il ne résulte d’aucune exigence constitutionnelle ou organique que le dépôt du projet de loi à l’origine du texte déféré puis son examen par le Parlement soient subordonnés à l’achèvement de consultations du public ou à l’adoption de la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique, prévue par l’article L. 100-1-A du code de l’énergie. D’autre part, les assemblées ont disposé, comme l’attestent tant les rapports des commissions saisies au fond ou pour avis que le compte rendu des débats, d’éléments d’information suffisants sur les dispositions du projet de loi en discussion. En second lieu, contrairement aux affirmations des députés requérants, le Gouvernement s’est borné à réaffirmer lors des débats son souhait que ne figurent pas dans le texte adopté par le Parlement des dispositions de nature programmatique. Il résulte de tout ce qui précède que la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.5. GRIEFS (contrôle a priori des lois - article 61 de la Constitution)
- 11.5.2. Griefs inopérants, manquant en fait, surabondants ou mal dirigés
11.5.2.1. Griefs inopérants (exemples)
Une disposition législative ne constitue pas une décision publique au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Le grief tiré de l’absence de procédure de participation du public à l’élaboration d’une telle disposition ne peut dès lors qu’être écarté.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.5. GRIEFS (contrôle a priori des lois - article 61 de la Constitution)
- 11.5.3. Cas des lois promulguées
11.5.3.1. Principe : rejet du contrôle
Le paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement prévoit que la création d’une installation nucléaire de base est soumise à une autorisation. Les députés requérants soutiennent que l’article 20 de la loi déférée serait indissociable de ces dispositions dont il tirerait les conséquences nécessaires. Ils demandent par conséquent au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité à la Constitution du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement auquel ils reprochent de méconnaître les articles 1er, 2 et 3 de la Charte de l’environnement. Les dispositions de l’article 20 de la loi déférée se bornent à modifier les dispositions de l’article L. 593-19 du code de l’environnement fixant les conditions dans lesquelles il est procédé au réexamen d’une installation nucléaire de base au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur électronucléaire. Elles ne modifient pas les dispositions déjà promulguées du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement qui est relatif aux conditions dans lesquelles est délivrée une autorisation de création et de mise en service d’une installation nucléaire de base. Elles ne les complètent pas davantage, ni n’en affectent le domaine d’application. Les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions peut être utilement contestée ne sont donc pas réunies.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.7. EXAMEN DE LA CONSTITUTIONNALITÉ
- 11.7.3. Étendue du contrôle
- 11.7.3.2. Limites reconnues au pouvoir discrétionnaire du législateur
11.7.3.2.2. État des connaissances et des techniques
Il résulte des travaux préparatoires que, en adoptant des mesures propres à accélérer la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires, le législateur a entendu créer les conditions qui permettraient d’augmenter les capacités de production d’énergie nucléaire afin notamment de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas, en l’état des connaissances scientifiques et techniques, manifestement inappropriées à ces objectifs.
- 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
- 14.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
- 14.1.3. Libre administration des collectivités territoriales
14.1.3.2. Absence de violation du principe
Le Conseil constitutionnel est saisi de dispositions autorisant l’autorité administrative compétente de l’État à engager la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme locaux pour permettre la réalisation d’un réacteur électronucléaire. Les communes et leurs groupements sont compétents pour élaborer, modifier ou réviser la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le schéma de cohérence territoriale. Les dispositions contestées de l’article 8 prévoient que, lorsque l’autorité administrative compétente de l’État considère que l’un de ces documents d’urbanisme ne permet pas la réalisation d’un réacteur électronucléaire, elle engage sans délai sa mise en compatibilité. En premier lieu, ces dispositions ne s’appliquent que dans le cas où la réalisation d’un réacteur électronucléaire est qualifiée de projet d’intérêt général par un décret en Conseil d’État ou à la suite d’une déclaration d’utilité publique qui emporte cette qualification. En deuxième lieu, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme ne peut porter que sur les dispositions des documents d’urbanisme dont la modification est nécessaire pour permettre la réalisation d’un réacteur électronucléaire qui, en application de l’article 7 de la loi déférée, ne peut être implanté qu’à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante. En dernier lieu, ces dispositions prévoient que l’autorité administrative compétente de l’État informe la commune de la nécessité de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme, de ses motifs, ainsi que des modifications qu’elle estime nécessaires. La commune peut alors présenter des observations sur les modifications envisagées. Le projet de mise en compatibilité arrêté par l’autorité administrative est ensuite examiné conjointement par l’État et la commune. Rejet du grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales.