Décision n° 2023-6188 AN du 16 juin 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 1er février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Nadine GIRONCEL DAMOUR, candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 6e circonscription de La Réunion, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6188 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations produites par Me Alain Rapady, avocat au barreau de Saint-Denis, pour Mme GIRONCEL DAMOUR, enregistrées le 3 avril 2023 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection par le candidat ou pour son compte. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l’accord de celui-ci, par les personnes physiques ainsi que par les partis et groupements politiques qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, « Les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d'un ou plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4 600 euros ».
3. L’article L. 52-11 du code électoral institue, pour les élections auxquelles l'article L. 52-4 du même code est applicable, un plafond des dépenses électorales, autres que les dépenses de propagande directement prises en charge par l'État, exposées par chaque candidat ou chaque liste de candidats, ou pour leur compte, au cours de la période mentionnée au même article. Ce plafond était fixé, pour la 6e circonscription de La Réunion, à 68 627 euros au titre des élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans cette circonscription, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale.
4. Le compte de campagne de Mme GIRONCEL DAMOUR a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 1er février 2023 au motif, d’une part, que ce compte présentait un dépassement par rapport au plafond légal des dépenses dans la circonscription, et d’autre part, que Mme GIRONCEL DAMOUR avait bénéficié de dons d’une personne physique excédant le montant maximal de 4 600 euros fixé par l’article L. 52-8 du code électoral.
5. Si la candidate conteste la valeur de la mise à disposition gratuite de trois véhicules utilitaires que lui a consentie une personne physique et soutient que cette valeur ne saurait avoir excédé 1 000 euros, elle n’apporte toutefois pas d’éléments susceptibles de remettre en cause le montant de 3 300 euros, résultant des propres énonciations de son compte et d’une attestation du propriétaire des véhicules, pour lequel ce concours en nature avait été valorisé par son mandataire financier.
6. Ainsi, il résulte de l’instruction que, d’une part le compte de campagne de Mme GIRONCEL DAMOUR, dont le montant des dépenses électorales s’établit à 71 894 euros, présente un dépassement de 3 237 euros par rapport au plafond légal des dépenses fixé à 68 627 euros dans la circonscription, soit 4,7 % de ce plafond, et que, d’autre part, cette dernière a bénéficié, de la part d’une même personne physique, de dons d’un montant total de 7 800 euros, excédant le montant maximal fixé par l’article L. 52-8 du code électoral.
7. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de la candidate.
8. L’article LO. 136-1 du code électoral dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ou dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit.
9. Eu égard au cumul des irrégularités constatées et au caractère substantiel des obligations méconnues, dont Mme GIRONCEL DAMOUR ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Mme Nadine GIRONCEL DAMOUR est déclarée inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 16 juin 2023.
JORF n°0141 du 20 juin 2023, texte n° 56
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6188.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.3. Présentation du compte
8.3.5.3.4. Compte présenté en dépassement
Le compte de campagne de la candidate a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 1er février 2023 au motif, d’une part, que ce compte présentait un dépassement par rapport au plafond légal des dépenses dans la circonscription, et d’autre part, que la candidate avait bénéficié de dons d’une personne physique excédant le montant maximal de 4 600 euros fixé par l’article L. 52-8 du code électoral. Si la candidate conteste la valeur de la mise à disposition gratuite de trois véhicules utilitaires que lui a consentie une personne physique et soutient que cette valeur ne saurait avoir excédé 1 000 euros, elle n’apporte toutefois pas d’éléments susceptibles de remettre en cause le montant de 3 300 euros, résultant des propres énonciations de son compte et d’une attestation du propriétaire des véhicules, pour lequel ce concours en nature avait été valorisé par son mandataire financier. Ainsi, il résulte de l’instruction que, d’une part le compte de campagne de la candidate, dont le montant des dépenses électorales s’établit à 71 894 euros, présente un dépassement de 3 237 euros par rapport au plafond légal des dépenses fixé à 68 627 euros dans la circonscription, soit 4,7% de ce plafond, et que, d’autre part, cette dernière a bénéficié, de la part d’une même personne physique, de dons d’un montant total de 7 800 euros, excédant le montant maximal fixé par l’article L. 52-8 du code électoral. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de la candidate. Eu égard au cumul de manquements, trois ans d'inéligibilité.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
- 8.3.5.4.4. Dons consentis à un candidat par une personne physique (article L. 52-8, alinéa 1er, du code électoral)
8.3.5.4.4.3. Montant
Le compte de campagne de la candidate a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 1er février 2023 au motif, d’une part, que ce compte présentait un dépassement par rapport au plafond légal des dépenses dans la circonscription, et d’autre part, que la candidate avait bénéficié de dons d’une personne physique excédant le montant maximal de 4 600 euros fixé par l’article L. 52-8 du code électoral. Si la candidate conteste la valeur de la mise à disposition gratuite de trois véhicules utilitaires que lui a consentie une personne physique et soutient que cette valeur ne saurait avoir excédé 1 000 euros, elle n’apporte toutefois pas d’éléments susceptibles de remettre en cause le montant de 3 300 euros, résultant des propres énonciations de son compte et d’une attestation du propriétaire des véhicules, pour lequel ce concours en nature avait été valorisé par son mandataire financier. Ainsi, il résulte de l’instruction que, d’une part le compte de campagne de la candidate, dont le montant des dépenses électorales s’établit à 71 894 euros, présente un dépassement de 3 237 euros par rapport au plafond légal des dépenses fixé à 68 627 euros dans la circonscription, soit 4,7% de ce plafond, et que, d’autre part, cette dernière a bénéficié, de la part d’une même personne physique, de dons d’un montant total de 7 800 euros, excédant le montant maximal fixé par l’article L. 52-8 du code électoral. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de la candidate. Eu égard au cumul de manquements, trois ans d'inéligibilité.