Décision n° 2023-6151 AN du 30 juin 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 6 février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Jonathan TARIHAA, candidat aux élections qui se sont déroulées les 4 et 18 juin 2022, dans la 2e circonscription de Polynésie-Française, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6151 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées par M. TARIHAA, enregistrées le 4 mars 2023 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit.
2. Le deuxième alinéa de l’article L. 52-4 du code électoral prévoit : « Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne ». Le deuxième alinéa de l’article L. 52-6 du même code prévoit : « Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Selon le troisième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Tout don de plus de 150 euros consenti à un candidat en vue de sa campagne doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire ». Selon le cinquième alinéa de ce même article : « Le montant global des dons en espèces faits au candidat ne peut excéder 20 % du montant des dépenses autorisées lorsque ce montant est égal ou supérieur à 15 000 euros en application de l'article L. 52-11 ».
3. Le compte de campagne de M. TARIHAA a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 6 février 2023 au motif, d’une part, que le candidat a bénéficié de dons en espèces, pour des montants unitaires supérieurs à 17 900 francs CFP et pour un montant total supérieur à 20 % des dépenses autorisées, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral et, d’autre part, que des dons recueillis en espèces, pour un montant total de 2 346 526 France CFP, n'ont pas été versés sur le compte bancaire du mandataire financier et ces sommes ont été utilisées pour régler directement, en espèces, des dépenses pour un montant équivalent, en violation des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral.
4. Ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. TARIHAA.
5. L’article L.O. 136-1 du code électoral dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit.
6. Eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. TARIHAA à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - M. Jonathan TARIHAA est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 30 juin 2023.
JORF n°0153 du 4 juillet 2023, texte n° 66
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6151.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.1. Mandataire financier
- 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
8.3.5.1.2.2. Perception des recettes
Le compte de campagne du candidat a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif, d’une part, que le candidat a bénéficié de dons en espèces, pour des montants unitaires supérieurs à 17 900 francs CFP et pour un montant total supérieur à 20 % des dépenses autorisées, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral et, d’autre part, que des dons recueillis en espèces, pour un montant total de 2 346 526 France CFP, n'ont pas été versés sur le compte bancaire du mandataire financier et ces sommes ont été utilisées pour régler directement, en espèces, des dépenses pour un montant équivalent, en violation des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral. Ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne du candidat. Eu égard au cumul, trois ans d'inéligibilité.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
- 8.3.5.4.4. Dons consentis à un candidat par une personne physique (article L. 52-8, alinéa 1er, du code électoral)
8.3.5.4.4.4. Modalités - Chèque - Espèces
Le compte de campagne du candidat a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif, d’une part, que le candidat a bénéficié de dons en espèces, pour des montants unitaires supérieurs à 17 900 francs CFP et pour un montant total supérieur à 20 % des dépenses autorisées, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral et, d’autre part, que des dons recueillis en espèces, pour un montant total de 2 346 526 France CFP, n'ont pas été versés sur le compte bancaire du mandataire financier et ces sommes ont été utilisées pour régler directement, en espèces, des dépenses pour un montant équivalent, en violation des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral. Ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne du candidat. Eu égard au cumul, trois ans d'inéligibilité.