Décision n° 2023-6094 AN du 1er juin 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 1er février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 16 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Isabelle MONFORT, candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 3e circonscription du département du Var, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6094 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations produites pour Mme MONFORT par Me Michel Gravé, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 22 février 2023 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Il ressort de l’article L. 52-4 du code électoral qu’il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l’élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l’exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l’objet d’un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n’est qu’à la double condition que leur montant, tel qu’apprécié à la lumière de ces dispositions, c’est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n’auraient pas fait l’objet d’un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l’article L. 52-11 du même code.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne ».
3. Le compte de campagne de Mme MONFORT a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif que la candidate avait, postérieurement à la désignation de son mandataire financier, réglé directement un total de 10 712 euros de dépenses engagées en vue de l’élection, composées de frais d’impression et de publication ne relevant pas de la campagne officielle d’un montant de 6 395 euros, de frais postaux et de distribution d’un montant de 3 429 euros, et de « menues dépenses » d’un montant de 888 euros.
4. S’il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes du courrier adressé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à la candidate, que le grief notifié et fondé sur le règlement irrégulier de certaines dépenses directement par la candidate ne portait pas sur la somme de 888 euros mentionnée pour la première fois par la Commission dans sa décision du 16 janvier 2023, il résulte toutefois de l’instruction que les dépenses de 6 395 euros et 3 429 euros, sur lesquelles a régulièrement porté la procédure contradictoire devant la Commission et a été également fondé le rejet du compte, ont été payées par la candidate postérieurement à la désignation de son mandataire financier, en méconnaissance de l’article L. 52-4 du code électoral. Ces dernières dépenses représentent 26 % des dépenses du compte et 13,5 % du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription.
5. Par suite, l’irrégularité afférente au règlement de ces dépenses suffit à justifier le rejet du compte de Mme MONFORT par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
6. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
7. Si Mme MONFORT fait valoir son investiture tardive, les difficultés rencontrées par son mandataire financier pour obtenir l'ouverture d'un compte bancaire et la mise à disposition de moyens de paiement, et la nécessité d’exposer sans attendre certaines dépenses pour lancer sa campagne à l'approche du premier tour de scrutin, et s’il résulte de l’instruction que les dépenses irrégulièrement payées par elle lui ont été ultérieurement remboursées par le mandataire, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances ni aucune autre circonstance particulière étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-4.
8. Compte tenu du montant des dépenses irrégulièrement engagées, pour un montant de 9 824 euros représentant 13,5 % du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription, et du caractère substantiel de la règle méconnue, il y a lieu de prononcer, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, l’inéligibilité de Mme MONFORT à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Mme Isabelle MONFORT est déclarée inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mai 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 1er juin 2023.
JORF n°0129 du 6 juin 2023, texte n° 58
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6094.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
8.3.5.5.4. Dépenses payées directement
Inéligibilité d'un an d'un candidat qui, postérieurement à la désignation de son mandataire financier, a payé directement 6 395 euros et 3 429 euros représentent 26 % des dépenses du compte et 13,5 % du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription.