Décision

Décision n° 2023-6084 AN du 1er juin 2023

A.N., Guadeloupe, 3e circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 31 janvier 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 18 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Marie-Laure AIGLE, candidate aux élections qui se sont déroulées les 11 et 18 juin 2022, dans la 3e circonscription de la Guadeloupe, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6084 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations produites par Mme AIGLE, enregistrées le 13 février 2023 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il ressort de l’article L. 52-4 du code électoral qu’il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l’élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l’exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l’objet d’un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n’est qu’à la double condition que leur montant, tel qu’apprécié à la lumière de ces dispositions, c’est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n’auraient pas fait l’objet d’un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l’article L. 52-11 du même code.

2. Le compte de campagne de Mme AIGLE a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 18 janvier 2023 au motif que la candidate a réglé directement, après la désignation du mandataire, une part substantielle des dépenses engagées en vue de l’élection.

3. Il résulte de l’instruction que la candidate a réglé directement, après la désignation du mandataire financier, une dépense d’un montant de 9 070 euros, représentant, après retranchement de ce compte des dépenses relevant de la campagne officielle ne devant pas y figurer, 86 % du montant des dépenses du compte et 13 % du plafond légal des dépenses dans la circonscription.

4. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté, pour ce motif, le compte de campagne de Mme AIGLE.

5. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

6. Si Mme AIGLE fait valoir des difficultés rencontrées par son mandataire financier pour obtenir l'ouverture d'un compte bancaire, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance ni aucune autre circonstance particulière étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-4. Compte tenu du montant des dépenses irrégulièrement engagées, représentant 13 % du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription, et du caractère substantiel de la règle méconnue, il y a lieu de prononcer, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, une inéligibilité d'une durée d'un an.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Mme Marie-Laure AIGLE est déclarée inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mai 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 1er juin 2023.
 

JORF n°0129 du 6 juin 2023, texte n° 57
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6084.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.4. Dépenses payées directement

Inéligibilité d'un an d'un candidat qui a réglé directement, après la désignation du mandataire financier, une dépense d’un montant de 9 070 euros, représentant, après retranchement de ce compte des dépenses relevant de la campagne officielle ne devant pas y figurer, 86 % du montant des dépenses du compte et 13 % du plafond légal des dépenses dans la circonscription.

(2023-6084 AN, 01 juin 2023, cons. 3, JORF n°0129 du 6 juin 2023, texte n° 57)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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