Décision

Décision n° 2023-6078 AN du 9 juin 2023

A.N., Seine-Saint-Denis, 5e circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 janvier 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 18 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Raynald ROUECHE, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 5e circonscription du département de Seine-Saint-Denis, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6078 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par M. ROUECHE, enregistrées le 7 avril 2023 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection.

2. Le compte de campagne de M. ROUECHE a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 18 janvier 2023 aux motifs qu’il avait omis d’y faire figurer une dépense de 1 800 euros correspondant à la création de documents de propagande et que l’absence de paiement de cette dépense au prestataire était constitutive d’un don de personne morale prohibé.

3. Dans ses observations, M. ROUECHE soutient que la Commission nationale des comptes de campagne et de financement politique n’aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure, faute d’avoir reçu les courriers visés dans la décision rejetant son compte, et fait valoir qu’il n’est pas redevable de la facture litigieuse, dont il conteste la sincérité et qui ne correspond selon lui à aucun engagement contractuel accepté ni à une prestation effectivement réalisée.

4. Toutefois, d’une part, il résulte de l’instruction que, dans le cadre de la procédure contradictoire, la Commission nationale des comptes de campagne et de financement politique a invité le candidat à lui faire connaître ses observations par plusieurs courriers envoyés à l’adresse qu’il avait mentionnée dans sa déclaration de candidature déposée en préfecture. Dès lors, M. ROUECHE, qui n’a pas informé en temps utile la Commission de son changement d’adresse, n’est pas fondé à soutenir que cette dernière n’aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure.

5. D’autre part, si M. ROUECHE a indiqué au Conseil constitutionnel avoir décidé de ne pas poursuivre les échanges avec le prestataire sur l’élaboration de son tract politique après avoir constaté la qualité insuffisante des premières prestations effectuées, il résulte des pièces portées à la connaissance du Conseil qu’il était bien engagé dans une relation commerciale avec le prestataire. Cette dépense effectivement engagée en vue de l’élection devait par suite être retracée dans son compte de campagne. Par suite, même si la dépense litigieuse a été qualifiée à tort de don prohibé, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. ROUECHE.

6. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit.

7. Dès lors, compte tenu de ce manquement, il y a lieu de déclarer M. ROUECHE inéligible à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la date de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - M. Raynald ROUECHE est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 9 juin 2023.
 

JORF n°0135 du 13 juin 2023, texte n° 62
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6078.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.3. Présentation du compte
  • 8.3.5.3.2. Totalité des opérations financières

Le compte de campagne a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques aux motifs qu’il avait omis d’y faire figurer une dépense de 1 800 euros correspondant à la création de documents de propagande et que l’absence de paiement de cette dépense au prestataire était constitutive d’un don de personne morale prohibé. Si le candidat a indiqué au Conseil constitutionnel avoir décidé de ne pas poursuivre les échanges avec le prestataire sur l’élaboration de son tract politique après avoir constaté la qualité insuffisante des premières prestations effectuées, il résulte des pièces portées à la connaissance du Conseil qu’il était bien engagé dans une relation commerciale avec le prestataire. Cette dépense effectivement engagée en vue de l’élection devait par suite être retracée dans son compte de campagne. Par suite, même si la dépense litigieuse a été qualifiée à tort de don prohibé, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne. Un an d'inéligibilité.

(2023-6078 AN, 09 juin 2023, cons. 2, 5, JORF n°0135 du 13 juin 2023, texte n° 62)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.2. Dépenses devant figurer dans le compte
  • 8.3.5.5.2.2. Affiches, tracts, lettre circulaire

Si le candidat a indiqué au Conseil constitutionnel avoir décidé de ne pas poursuivre les échanges avec le prestataire sur l’élaboration de son tract politique après avoir constaté la qualité insuffisante des premières prestations effectuées, il résulte des pièces portées à la connaissance du Conseil qu’il était bien engagé dans une relation commerciale avec le prestataire. Cette dépense effectivement engagée en vue de l’élection devait par suite être retracée dans son compte de campagne.

(2023-6078 AN, 09 juin 2023, cons. 5, JORF n°0135 du 13 juin 2023, texte n° 62)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.7. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
  • 8.3.5.7.3. Procédure

Le compte de campagne a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques aux motifs qu’il avait omis d’y faire figurer une dépense de 1 800 euros correspondant à la création de documents de propagande et que l’absence de paiement de cette dépense au prestataire était constitutive d’un don de personne morale prohibé. Dans ses observations, le candidat soutient que la Commission nationale des comptes de campagne et de financement politique n’aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure, faute d’avoir reçu les courriers visés dans la décision rejetant son compte. Toutefois, il résulte de l’instruction que, dans le cadre de la procédure contradictoire, la Commission nationale des comptes de campagne et de financement politique a invité le candidat à lui faire connaître ses observations par plusieurs courriers envoyés à l’adresse qu’il avait mentionnée dans sa déclaration de candidature déposée en préfecture. Dès lors, le candidat, qui n’a pas informé en temps utile la Commission de son changement d’adresse, n’est pas fondé à soutenir que cette dernière n’aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure.

(2023-6078 AN, 09 juin 2023, cons. 2, 3, 4, JORF n°0135 du 13 juin 2023, texte n° 62)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
Toutes les décisions