Décision

Décision n° 2023-5986 AN du 7 avril 2023

A.N., Alpes de Haute-Provence, 2e circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 janvier 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 5 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Aurélie ABEILLE, candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 2e circonscription du département des Alpes de Haute-Provence, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-5986 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour Mme ABEILLE par Me Frédéric Pierre Vos, enregistrées le 8 février 2023 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6.

2. Le compte de campagne de Mme ABEILLE a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision précitée du 5 janvier 2023 au motif que la candidate a reçu deux dons émanant d’une société civile immobilière, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral.

3. Ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a considéré que le compte de campagne de Mme ABEILLE n’avait pas été présenté dans les conditions prévues par l’article L. 52-12 du code électoral.

4. L’article L.O. 136-1 du code électoral dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit.

5. Il résulte de l’instruction que Mme ABEILLE a bénéficié de la part d’une personne morale de droit privé autre qu’un parti ou groupement politique, d’un avantage prohibé par les dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral pour un montant de 15 000 euros qui représente plus de 20 % du plafond des dépenses.

6. Dès lors, compte tenu de la particulière gravité de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de Mme ABEILLE à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Mme Aurélie ABEILLE est déclarée inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 avril 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. 
 
Rendu public le 7 avril 2023.
 

JORF n°0085 du 9 avril 2023, texte n° 85
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.5986.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.5. Bénéfice d'un don ou d'un avantage entraînant le rejet du compte

Le compte de campagne de la candidate a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif que la candidate a reçu deux dons émanant d’une société civile immobilière, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral. Ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a considéré que le compte de campagne de la candidate n’avait pas été présenté dans les conditions prévues par l’article L. 52-12 du code électoral. Il résulte de l’instruction que la candidate a bénéficié de la part d’une personne morale de droit privé autre qu’un parti ou groupement politique, d’un avantage prohibé par les dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral pour un montant de 15 000 euros qui représente plus de 20% du plafond des dépenses. Un an d'inéligibilité.

(2023-5986 AN, 07 avril 2023, cons. 2, 3, 5, JORF n°0085 du 9 avril 2023, texte n° 85)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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