Décision

Décision n° 2023-1043 QPC du 13 avril 2023

Société Établissements Bocahut [Taxe générale sur les activités polluantes à raison de l’émission de poussières]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 février 2023 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 255 du 15 février 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Établissements Bocahut par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1043 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2 de l’article 266 septies du code des douanes, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code des douanes ;
  • la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour la société requérante par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, enregistrées le 2 mars 2023 ;
  • les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le 3 mars 2023 ;
  • les observations en intervention présentées pour l’Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction par Me Stéphane Chasseloup, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 10 mars 2023 ;
  • les secondes observations présentées pour la société requérante par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, enregistrées le 22 mars 2023 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Mathieu Stoclet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour la société requérante, Me Chasseloup, pour cette dernière et pour le syndicat intervenant, et M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 4 avril 2023 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Le 2 de l’article 266 septies du code des douanes, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2012 mentionnée ci-dessus, prévoit que le fait générateur de la taxe générale sur les activités polluantes est : « L’émission dans l’atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l’article 266 sexies, d’oxydes de soufre et autres composés soufrés, d’oxydes d’azote et autres composés oxygénés de l’azote, d’acide chlorhydrique, d’hydrocarbures non méthaniques, solvants, de benzène et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et autres composés organiques volatils, d’arsenic, de mercure, de sélénium ainsi que de poussières totales en suspension ; ». 

2. La société requérante, rejointe par le syndicat intervenant, reproche à ces dispositions de ne pas définir avec une précision suffisante la notion de « poussières totales en suspension » dont le poids sert à déterminer l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes. Ce faisant, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa propre compétence dans des conditions affectant le droit de propriété, le droit à un recours juridictionnel effectif et le principe d’égalité devant les charges publiques.

3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « poussières totales en suspension » figurant au 2 de l’article 266 septies du code des douanes.

4. En application des articles 266 sexies et 266 octies du code des douanes, la taxe générale sur les activités polluantes est assise sur le poids de diverses substances émises dans l’atmosphère mentionnées au 2 de l’article 266 septies. Les dispositions contestées prévoient que, parmi ces substances, figurent les « poussières totales en suspension ».

5. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

6. Aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... ».

7. La méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence dans la détermination de l’assiette ou du taux d’une imposition n’affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. Par suite, le grief tiré de ce que le législateur n’aurait pas suffisamment défini les « poussières totales en suspension », dont le poids entre dans l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes, ne peut qu’être écarté.

8. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Les mots « poussières totales en suspension » figurant au 2 de l’article 266 septies du code des douanes, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, sont conformes à la Constitution.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 avril 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 13 avril 2023.
 

JORF n°0088 du 14 avril 2023, texte n° 43
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.1043.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.4. Constitution du 4 octobre 1958
  • 4.1.4.3. Article 34

La méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence dans la détermination de l’assiette ou du taux d’une imposition n’affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. Par suite, le grief tiré de ce que le législateur n’aurait pas suffisamment défini les « poussières totales en suspension », dont le poids entre dans l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes, ne peut qu’être écarté.

(2023-1043 QPC, 13 avril 2023, cons. 7, JORF n°0088 du 14 avril 2023, texte n° 43)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition renvoyée.

(2023-1043 QPC, 13 avril 2023, cons. 3, JORF n°0088 du 14 avril 2023, texte n° 43)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi Cass., Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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