Décision n° 2022-5877 AN du 7 juillet 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 25 novembre 2022 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 21 novembre 2022), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Abdallah BENBETKA, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 9e circonscription du département du Val-de-Marne, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5877 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées par M. BENBETKA, enregistrées le 19 décembre 2022 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6.
2. Le compte de campagne de M. BENBETKA a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 21 novembre 2022 au motif qu’il n’était accompagné que de pièces disparates ne permettant pas d’attester de la réalité et de la régularité des opérations réalisées.
3. Ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne.
4. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12.
5. Si M. BENBETKA invoque des difficultés relatives notamment à sa situation de santé et aux conditions dans lesquelles sa mandataire a ouvert un compte bancaire, il ne résulte pas de l’instruction que ces circonstances étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12. Par ailleurs, s’il fournit à l’appui de ses observations devant le Conseil constitutionnel un nouveau compte de campagne, les deux comptes déposés successivement diffèrent toutefois, tant en recettes qu’en dépenses. Par suite, M. BENBETKA ne peut être regardé comme ayant régularisé devant le Conseil constitutionnel le manquement aux dispositions de l’article L. 52-12 constaté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
6. Dès lors, compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. BENBETKA à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - M. Abdallah BENBETKA est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 juillet 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 7 juillet 2023.
JORF n°0159 du 11 juillet 2023, texte n° 69
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5877.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
- 8.3.5.2.4. Conditions du dépôt
8.3.5.2.4.5. Absence de pièces justificatives : inéligibilité
Compte de campagne incomplet. Le compte de campagne du candidat a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 21 novembre 2022 au motif qu’il n’était accompagné que de pièces disparates ne permettant pas d’attester de la réalité et de la régularité des opérations réalisées. Ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. Si le candidat invoque des difficultés relatives notamment à sa situation de santé et aux conditions dans lesquelles sa mandataire a ouvert un compte bancaire, il ne résulte pas de l’instruction que ces circonstances étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12. Par ailleurs, s’il fournit à l’appui de ses observations devant le Conseil constitutionnel un nouveau compte de campagne, les deux comptes déposés successivement diffèrent toutefois, tant en recettes qu’en dépenses. Par suite, le candidat ne peut être regardé comme ayant régularisé devant le Conseil constitutionnel le manquement aux dispositions de l’article L. 52-12 constaté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Dès lors, compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision.