Décision n° 2022-5825 AN du 20 janvier 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 juin 2022 d’une requête présentée par M. Etuato MULIKIHAAMEA, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la circonscription des îles de Wallis et Futuna, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5825 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense présenté pour M. Mikaele SEO, député, par Me Cyrille Rollin, avocat au barreau de Paris, enregistré le 19 octobre 2022 ;
- les observations présentées par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le même jour ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. SEO ;
- les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
Après avoir entendu le conseil de M. SEO ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :
1. En premier lieu, M. MULIKIHAAMEA soutient que M. SEO s’est prévalu pendant la campagne de son appartenance au parti politique LREM et du soutien de la coalition Ensemble, alors qu’il n’est pas membre de ce parti et qu’aucune investiture ne lui a été accordée par ce mouvement.
2. S’il appartient au juge de l’élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l’investiture des candidats par les partis politiques, il ne lui appartient pas de vérifier la régularité de cette investiture au regard des statuts et des règles de fonctionnement des partis politiques.
3. En l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction que M. SEO se serait expressément prévalu d’une investiture officielle du parti LREM et de la coalition Ensemble ni qu’il aurait soutenu être membre du parti LREM. Par suite, le grief doit être écarté.
4. En deuxième lieu, M. MULIKIHAAMEA soutient que M. SEO se serait de manière trompeuse prévalu, lors d’une interview télévisée diffusée le 17 juin 2022, du soutien de M. Lafaele TUKUMULI, conseiller territorial de Futuna. Toutefois, il résulte de l’instruction, notamment d’une attestation de celui-ci, que M. TUKUMULI avait apporté son soutien à M. SEO. Par suite, le grief ne peut qu’être écarté.
5. En troisième lieu, le requérant soutient que M. SEO a, en sa qualité de membre puis de président de la commission permanente de l’assemblée territoriale, aurait fait attribuer à des associations et des particuliers des subventions présentant le caractère de dons en argent en vue d’influencer le choix des électeurs.
6. Toutefois, il résulte de l’instruction que ces aides ont été décidées par la commission permanente, par délibérations collégiales, à une date à laquelle M. SEO n’était pas président de cette commission. Il ne résulte de l’instruction, ni que M. SEO aurait joué un rôle prépondérant dans l’attribution de ces subventions, ni qu’il s’en serait prévalu dans le cadre de la campagne. Par suite, le grief ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.
7. En quatrième lieu, le requérant soutient que M. SEO a pris part, alors qu’il n’est pas membre des commissions concernées, à un déplacement à Futuna du 9 au 11 mai 2022 de certaines commissions de l’assemblée territoriale, au cours duquel il aurait entamé sa campagne par des visites coutumières dont les cadeaux ont été financés par le budget territorial.
8. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment d’une attestation du président de l’assemblée territoriale, que la participation de M. SEO à ce déplacement était alors justifiée par ses fonctions de président de la commission permanente de cette assemblée, et a eu pour objet de constater l’avancement de divers chantiers de construction, de rénovation ou d’aménagement d’infrastructures publiques. Il ne résulte pas de l’instruction que la candidature de M. SEO aux élections législatives, qui n’avait au demeurant à ces dates pas encore été déclarée, aurait été évoquée à cette occasion. Par suite, la participation à ce déplacement au cours duquel des cadeaux coutumiers ont été remis n’a constitué, ni une manœuvre ayant altéré la sincérité du scrutin, ni l’octroi d’un financement public à la campagne de M. SEO.
- Sur les griefs relatifs aux opérations de vote :
. En ce qui concerne le contrôle d’identité des électeurs :
9. S’il est soutenu que les électeurs ont été admis au vote sans qu’il soit exigé d’eux la production d’un titré d’identité, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 60 du code électoral, les dispositions de cet article ne sont pas applicables pour l’élection du député dans les îles de Wallis et Futuna, en vertu de l’article R. 204 du même code. Il ne résulte pas de l’instruction que des électeurs admis à voter auraient voté sous une fausse identité. Le grief doit donc être écarté.
. En ce qui concerne les listes d’émargement :
10. Aux termes de l’article L. 62-1 du code électoral : « nbsp ; Pendant toute la durée des opérations électorales, une copie de la liste électorale certifiée par le maire et comportant les mentions prescrites par les articles L. 18 et L. 19 ainsi que le numéro d’ordre attribué à chaque électeur, reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau. / Cette copie constitue la liste d’émargement. / Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même » ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, d’une part, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement, et d’autre part, que les formalités prévues par l’article L. 64, ayant pour but d’assurer l’authentification du suffrage de l’électeur se trouvant dans l’impossibilité de signer lui-même la liste d’émargement, tout en laissant à celui-ci une pleine liberté de choix quant à la désignation de l’électeur devant la signer à sa place, présentent un caractère substantiel. Ces dispositions sont applicables à l’élection du député dans les îles de Wallis et Futuna.
11. Le requérant soutient en premier lieu que l’absence, sur les listes électorales de Futuna, de numéro d’ordre par électeur, a méconnu les dispositions citées au paragraphe précédent. Toutefois, dès lors que cette irrégularité n’a pas donné lieu à des observations ou incidents signalés au procès-verbal et qu’il n’est pas établi que cette irrégularité aurait empêché un électeur de voter, permis à des personnes sans qualité de voter ou favorisé les fraudes, la seule absence de numéro d’ordre sur les listes électorales de Futuna est demeurée sans incidence sur la sincérité du scrutin.
12. Si le requérant soutient en deuxième lieu que l’utilisation, à Wallis, de listes d’émargement distinctes au premier et au second tours a rendu plus difficile les comparaisons de signature entre les deux tours, l’utilisation d’une liste d’émargement distincte pour chacun des deux tours n’est interdite par aucune disposition législative ou réglementaire et ne révèle par elle-même aucune irrégularité.
13. Le requérant soutient en troisième lieu que, pour 93 votes, les signatures figurant sur les listes d’émargement présentent des différences significatives entre les deux tours, qui établissent que le vote n’a pas été émis par l’électeur.
14. Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote contestés, que, dans la plupart des cas, les différences de signature alléguées ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours, ou à la circonstance que l’électeur a utilisé successivement ses initiales, un paraphe ou sa signature, ou encore résultent d’erreurs matérielles commises par des électeurs ayant signé dans une mauvaise case, ou bien enfin sont le fait d’électeurs ayant reconnu formellement avoir voté et signé en personne lors des deux tours. En revanche, deux votes, qui correspondent à des différences de signature significatives, doivent être tenus comme irrégulièrement exprimés.
15. Le requérant soutient en quatrième lieu que 104 votes n’ont donné lieu sur les listes d’émargement qu’à l’apposition de croix ou de simples marques ne présentant pas le caractère de signatures, sans que la mention « l’électeur ne peut voter lui-même » ait été apposée et qu’un autre ait signé à sa place.
16. Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement, que pour 98 de ces votes, le grief manque en fait. Par ailleurs, deux électeurs et un mandataire ayant émargé par des croix au second tour, ont déclaré formellement avoir voté lors du scrutin. En revanche, trois votes, qui n’ont pas fait l’objet de telles déclarations, ont donné lieu à l’apposition sur les listes d’émargement de croix ou d’un simple trait ne présentant pas le caractère d’une signature, sans que les formalités prévues à l’article L. 64 du code électoral aient été respectées. Eu égard au nombre très faible des votes concernés, il ne saurait être soutenu que les personnes se trouvant dans l’impossibilité de signer ne pouvaient pas désigner un électeur en mesure d’attester de cette impossibilité en émargeant à leur place conformément aux dispositions de l’article L. 64 du code électoral. Ces trois votes doivent, dès lors, être tenus pour irréguliers.
17. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’il y a lieu de déduire cinq voix, tant du nombre de voix obtenues par M. SEO, candidat élu, que du nombre de suffrages exprimés. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit, après cette déduction, à onze voix.
- Sur les griefs relatifs aux listes électorales et aux votes par procuration :
18. En premier lieu, la proportion importante de procurations établies dans la circonscription des îles de Wallis et Futuna ne saurait, par elle-même, faire présumer, et moins encore établir une fraude. Le requérant ne justifie dès lors pas, par sa seule invocation du nombre de procurations dans cette circonscription, la nécessité de diligenter l’enquête qu’il demande au sujet de la régularité de l’ensemble de ces procurations.
19. En second lieu, le requérant soutient que de nombreux électeurs étaient inscrits à la fois sur les listes électorales de Wallis-et-Futuna et de Nouvelle-Calédonie, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 10 du code électoral en vertu duquel « nul ne peut être inscrit sur plusieurs listes électorales », et que soixante-dix-sept d’entre eux ont fait établir, au titre de leur inscription sur la liste électorale des îles de Wallis et Futuna, des procurations qui ont été utilisées. Il soutient plus généralement que d’importants dysfonctionnements dans la tenue et la mise à jour des listes électorales à Wallis-et-Futuna, notamment l’absence de radiation d’électeurs ne remplissant plus les conditions pour figurer sur ces listes, ont altéré la sincérité du scrutin dans son ensemble.
20. Il n’appartient pas au juge de l’élection de se prononcer sur la régularité des inscriptions électorales au regard des conditions posées pour être inscrit sur la liste, sauf dans le cas où il y a eu manœuvre susceptible de porter atteinte à la sincérité du scrutin.
21. D’une part, il résulte de l’instruction, notamment des listes d’émargement des îles de Wallis et Futuna et de Nouvelle-Calédonie, que soixante-dix-sept électeurs étaient inscrits simultanément sur les listes électorales à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie et ont fait établir des procurations au titre de leur inscription sur les listes électorales dans les îles de Wallis et Futuna.
22. Si la seule circonstance que ces électeurs ont fait établir des procurations alors qu’ils étaient simultanément inscrits sur la liste électorale de Nouvelle-Calédonie ne suffit pas à établir l’existence, de leur part, d’une manœuvre, il résulte de l’instruction que cinq de ces électeurs ont voté au second tour à la fois personnellement en Nouvelle-Calédonie et par procuration à Wallis-et-Futuna. Ces cinq suffrages doivent, dès lors, être regardés comme irréguliers et soustraits, par suite, tant du nombre des voix obtenues par M. SEO que du nombre total des suffrages exprimés au second tour.
23. D’autre part, le requérant invoque des dysfonctionnements structurels dans la tenue et la mise à jour des listes électorales de Wallis-et- Futuna dont il résulterait, selon lui, une atteinte à la sincérité du scrutin dans son ensemble. Il se prévaut notamment, au soutien de ce grief, de ce que le nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales de Wallis-et-Futuna est supérieur à celui des habitants majeurs de ces territoires.
24. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer admet que le caractère manuel des radiations, à l’occasion de mises à jour périodiques des listes électorales de Wallis-et-Futuna, des électeurs inscrits sur ces listes ayant obtenu leur inscription sur les listes électorales de Nouvelle-Calédonie, a pu conduire aux quelques cas limités de doubles inscriptions évoqués aux paragraphes 21 et 22. Toutefois, pour regrettable que soit cette situation, le requérant n’apporte pas d’éléments de nature à établir, au-delà de la situation des soixante-dix-sept électeurs évoqués à ces paragraphes dont les conséquences sont demeurées limitées à cinq doubles votes, que les carences dans la mise à jour des listes électorales de Wallis-et-Futuna qu’il allègue auraient présenté une ampleur telle qu’elles auraient, compte tenu de l’écart des voix, entaché d’insincérité l’organisation du scrutin en favorisant l’établissement de fausses procurations, en facilitant les manœuvres et en permettant de nombreux doubles votes.
25. Compte tenu de l’ensemble des retranchements de suffrages irréguliers effectués, l’écart des voix entre les deux candidats au second tour s’établit à six voix.
26. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. MULIKIHAAMEA doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de M. Etuato MULIKIHAAMEA est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 20 janvier 2023.JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 47
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5825.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.1. Nature des pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.1.8. Pressions par intimidation ou corruption
8.3.4.1.8.6. Distribution ou promesses d'argent, cadeaux, avantages divers
Le requérant soutient que le candidat élu a, en sa qualité de membre puis de président de la commission permanente de l’assemblée territoriale, aurait fait attribuer à des associations et des particuliers des subventions présentant le caractère de dons en argent en vue d’influencer le choix des électeurs.
Toutefois, il résulte de l’instruction que ces aides ont été décidées par la commission permanente, par délibérations collégiales, à une date à laquelle le candidat élu n’était pas président de cette commission. Il ne résulte de l’instruction, ni que le candidat élu aurait joué un rôle prépondérant dans l’attribution de ces subventions, ni qu’il s’en serait prévalu dans le cadre de la campagne. Par suite, le grief ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.2. Manœuvres ou interventions relatives à la situation politique des candidats
8.3.4.2.1. Appartenance ou " étiquette " politique
Le requérant soutient que le candidat élu s’est prévalu pendant la campagne de son appartenance au parti politique LREM et du soutien de la coalition Ensemble, alors qu’il n’est pas membre de ce parti et qu’aucune investiture ne lui a été accordée par ce mouvement.
S’il appartient au juge de l’élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l’investiture des candidats par les partis politiques, il ne lui appartient pas de vérifier la régularité de cette investiture au regard des statuts et des règles de fonctionnement des partis politiques.
En l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction que le candidat élu se serait expressément prévalu d’une investiture officielle du parti LREM et de la coalition Ensemble ni qu’il aurait soutenu être membre du parti LREM. Par suite, le grief doit être écarté.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.2. Manœuvres ou interventions relatives à la situation politique des candidats
8.3.4.2.3. Soutiens
Le requérant soutient que le candidat élu se serait de manière trompeuse prévalu, lors d’une interview télévisée diffusée le 17 juin 2022, du soutien d'un conseiller territorial de Futuna. Toutefois, il résulte de l’instruction, notamment d’une attestation de celui-ci, que ce conseiller avait apporté son soutien au candidat élu. Par suite, le grief ne peut qu’être écarté.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
- 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
8.3.5.4.5.3. Absence de don ou d'avantage
Le requérant soutient que le candidat élu aurait pris part, alors qu’il n’est pas membre des commissions concernées, à un déplacement à Futuna du 9 au 11 mai 2022 de certaines commissions de l’assemblée territoriale, au cours duquel il aurait entamé sa campagne par des visites coutumières dont les cadeaux ont été financés par le budget territorial. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment d’une attestation du président de l’assemblée territoriale, que la participation du candidat élu à ce déplacement était alors justifiée par ses fonctions de président de la commission permanente de cette assemblée, et a eu pour objet de constater l’avancement de divers chantiers de construction, de rénovation ou d’aménagement d’infrastructures publiques. Il ne résulte pas de l’instruction que la candidature du candidat élu aux élections législatives, qui n’avait au demeurant à ces dates pas encore été déclarée, aurait été évoquée à cette occasion. Par suite, la participation à ce déplacement au cours duquel des cadeaux coutumiers ont été remis n’a constitué, ni une manœuvre ayant altéré la sincérité du scrutin, ni l’octroi d’un financement public à la campagne du candidat élu.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
8.3.6.4.9. Contrôle de l'identité des électeurs
S’il est soutenu que les électeurs ont été admis au vote sans qu’il soit exigé d’eux la production d’un titré d’identité, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 60 du code électoral, les dispositions de cet article ne sont pas applicables pour l’élection du député dans les îles de Wallis et Futuna, en vertu de l’article R. 204 du même code. Il ne résulte pas de l’instruction que des électeurs admis à voter auraient voté sous une fausse identité. Le grief doit donc être écarté.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
- 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
8.3.6.4.10.1. Absence d'irrégularités
Si le requérant soutient que l’utilisation, à Wallis, de listes d’émargement distinctes au premier et au second tours a rendu plus difficile les comparaisons de signature entre les deux tours, l’utilisation d’une liste d’émargement distincte pour chacun des deux tours n’est interdite par aucune disposition législative ou réglementaire et ne révèle par elle-même aucune irrégularité.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
- 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
8.3.6.4.10.2. Irrégularités vénielles ou sans influence sur le scrutin
Le requérant soutient que l’absence, sur les listes électorales de Futuna, de numéro d’ordre par électeur, a méconnu les dispositions citées au paragraphe précédent. Toutefois, dès lors que cette irrégularité n’a pas donné lieu à des observations ou incidents signalés au procès-verbal et qu’il n’est pas établi que cette irrégularité aurait empêché un électeur de voter, permis à des personnes sans qualité de voter ou favorisé les fraudes, la seule absence de numéro d’ordre sur les listes électorales de Futuna est demeurée sans incidence sur la sincérité du scrutin.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
- 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
8.3.6.4.10.4. Signatures
Le requérant soutient que, pour 93 votes, les signatures figurant sur les listes d’émargement présentent des différences significatives entre les deux tours, qui établissent que le vote n’a pas été émis par l’électeur.
14. Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote contestés, que, dans la plupart des cas, les différences de signature alléguées ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours, ou à la circonstance que l’électeur a utilisé successivement ses initiales, un paraphe ou sa signature, ou encore résultent d’erreurs matérielles commises par des électeurs ayant signé dans une mauvaise case, ou bien enfin sont le fait d’électeurs ayant reconnu formellement avoir voté et signé en personne lors des deux tours. En revanche, deux votes, qui correspondent à des différences de signature significatives, doivent être tenus comme irrégulièrement exprimés.
Le requérant soutient par ailleurs que 104 votes n’ont donné lieu sur les listes d’émargement qu’à l’apposition de croix ou de simples marques ne présentant pas le caractère de signatures, sans que la mention « l’électeur ne peut voter lui-même » ait été apposée et qu’un autre ait signé à sa place.
Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement, que pour 98 de ces votes, le grief manque en fait. Par ailleurs, deux électeurs et un mandataire ayant émargé par des croix au second tour, ont déclaré formellement avoir voté lors du scrutin. En revanche, trois votes, qui n’ont pas fait l’objet de telles déclarations, ont donné lieu à l’apposition sur les listes d’émargement de croix ou d’un simple trait ne présentant pas le caractère d’une signature, sans que les formalités prévues à l’article L. 64 du code électoral aient été respectées. Eu égard au nombre très faible des votes concernés, il ne saurait être soutenu que les personnes se trouvant dans l’impossibilité de signer ne pouvaient pas désigner un électeur en mesure d’attester de cette impossibilité en émargeant à leur place conformément aux dispositions de l’article L. 64 du code électoral. Ces trois votes doivent, dès lors, être tenus pour irréguliers.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
8.3.6.5. Vote par procuration
En premier lieu, la proportion importante de procurations établies dans la circonscription des îles de Wallis et Futuna ne saurait, par elle-même, faire présumer, et moins encore établir une fraude. Le requérant ne justifie dès lors pas, par sa seule invocation du nombre de procurations dans cette circonscription, la nécessité de diligenter l’enquête qu’il demande au sujet de la régularité de l’ensemble de ces procurations.
En second lieu, le requérant soutient que de nombreux électeurs étaient inscrits à la fois sur les listes électorales de Wallis-et-Futuna et de Nouvelle-Calédonie, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 10 du code électoral en vertu duquel « nul ne peut être inscrit sur plusieurs listes électorales », et que soixante-dix-sept d’entre eux ont fait établir, au titre de leur inscription sur la liste électorale des îles de Wallis et Futuna, des procurations qui ont été utilisées. Il soutient plus généralement que d’importants dysfonctionnements dans la tenue et la mise à jour des listes électorales à Wallis-et-Futuna, notamment l’absence de radiation d’électeurs ne remplissant plus les conditions pour figurer sur ces listes, ont altéré la sincérité du scrutin dans son ensemble.
Il n’appartient pas au juge de l’élection de se prononcer sur la régularité des inscriptions électorales au regard des conditions posées pour être inscrit sur la liste, sauf dans le cas où il y a eu manœuvre susceptible de porter atteinte à la sincérité du scrutin.
D’une part, il résulte de l’instruction, notamment des listes d’émargement des îles de Wallis et Futuna et de Nouvelle-Calédonie, que soixante-dix-sept électeurs étaient inscrits simultanément sur les listes électorales à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie et ont fait établir des procurations au titre de leur inscription sur les listes électorales dans les îles de Wallis et Futuna.
Si la seule circonstance que ces électeurs ont fait établir des procurations alors qu’ils étaient simultanément inscrits sur la liste électorale de Nouvelle-Calédonie ne suffit pas à établir l’existence, de leur part, d’une manœuvre, il résulte de l’instruction que cinq de ces électeurs ont voté au second tour à la fois personnellement en Nouvelle-Calédonie et par procuration à Wallis-et-Futuna. Ces cinq suffrages doivent, dès lors, être regardés comme irréguliers et soustraits, par suite, tant du nombre des voix obtenues par M. SEO que du nombre total des suffrages exprimés au second tour.
D’autre part, le requérant invoque des dysfonctionnements structurels dans la tenue et la mise à jour des listes électorales de Wallis-et- Futuna dont il résulterait, selon lui, une atteinte à la sincérité du scrutin dans son ensemble. Il se prévaut notamment, au soutien de ce grief, de ce que le nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales de Wallis-et-Futuna est supérieur à celui des habitants majeurs de ces territoires.
Le ministre de l’intérieur et des outre-mer admet que le caractère manuel des radiations, à l’occasion de mises à jour périodiques des listes électorales de Wallis-et-Futuna, des électeurs inscrits sur ces listes ayant obtenu leur inscription sur les listes électorales de Nouvelle-Calédonie, a pu conduire aux quelques cas limités de doubles inscriptions évoqués aux paragraphes 21 et 22. Toutefois, pour regrettable que soit cette situation, le requérant n’apporte pas d’éléments de nature à établir, au-delà de la situation des soixante-dix-sept électeurs évoqués à ces paragraphes dont les conséquences sont demeurées limitées à cinq doubles votes, que les carences dans la mise à jour des listes électorales de Wallis-et-Futuna qu’il allègue auraient présenté une ampleur telle qu’elles auraient, compte tenu de l’écart des voix, entaché d’insincérité l’organisation du scrutin en favorisant l’établissement de fausses procurations, en facilitant les manœuvres et en permettant de nombreux doubles votes.