Décision

Décision n° 2022-5792 AN du 27 janvier 2023

A.N., Paris (7ème circ.), Mme Caroline MECARY
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par Mme Caroline MECARY, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 7ème circonscription de Paris, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5792 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les mémoires en défense présentés pour M. Clément BEAUNE, député, par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 18 septembre et 20 novembre 2022 ;
  • le mémoire en réplique présenté pour Mme MECARY, par Me Xavier Sauvignet, avocat au barreau de Paris, et enregistré le 1er novembre 2022 ;
  • le mémoire en réplique présenté pour Mme MECARY par Me Sauvignet, enregistré le 5 décembre 2022, qui, en application du quatrième alinéa de l'article 9 du règlement mentionné ci-dessus, n'a pas été communiqué ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. BEAUNE ;
  • les pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. En premier lieu, Mme MECARY soutient que M. BEAUNE a irrégulièrement fait figurer certaines mentions sur sa page personnelle sur le réseau social « Twitter » et, en particulier, qu’a été utilisée jusqu’au 6 juin 2022, dans le cadre de la campagne électorale, une bannière constituée d’une photographie comportant deux drapeaux tricolores bleu, blanc, rouge.

2. D’une part, aux termes du premier alinéa de l’article R. 27 du code électoral : « Sont interdites, sur les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral, l’utilisation de l’emblème national ainsi que la juxtaposition des trois couleurs : bleu, blanc et rouge dès lors qu’elle est de nature à entretenir la confusion avec l’emblème national, à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique ».

3. Ces dispositions prohibent l’usage des couleurs officielles sur les affiches de campagne apposées sur les panneaux officiels réservés à cet effet, ainsi que sur les professions de foi adressées par voie postale aux électeurs. Cette interdiction ne s’étend cependant pas aux pages d’un réseau social utilisé dans le cadre de la campagne électorale. En outre, l’utilisation de l’emblème national par M. BEAUNE n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, été de nature à exercer une influence sur les résultats du scrutin.

4. D’autre part, la mention « officiel du gouvernement » figurant sur la page de M. BEAUNE, ajoutée à l’initiative du réseau social « Twitter » s’agissant d’une personnalité exerçant des fonctions officielles de représentation du gouvernement, alors même qu’il s’agit de la page personnelle du candidat, ne peut être regardée comme manifestant le soutien officiel du gouvernement à la candidature de M. BEAUNE, et n’a pu, dans les circonstances de l’espèce, semer la confusion dans l’esprit des électeurs sur la nature du compte utilisé par M. BEAUNE, qui, à la date du scrutin, était ministre délégué en charge de l’Europe.

5. En deuxième lieu, l’utilisation par M. BEAUNE, sur certains de ses documents de propagande, de la mention « Ensemble ! » ou « Ensemble ! Majorité présidentielle » n’a pu induire les électeurs en erreur, comme le soutient la requérante, sur la réalité de l’investiture de l’intéressé par le parti « Ensemble ! », qui regroupait les candidats désignés pour représenter la majorité présidentielle lors des opérations électorales des 12 et 19 juin 2022. En particulier, ces mentions n’ont pu faire croire aux électeurs que M. BEAUNE était un candidat de la « NUPES » soutenu par l’association « Ensemble, mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire », créée en 2014.

6. En troisième lieu, la requérante soutient que la couverture médiatique dont a bénéficié M. BEAUNE l’a avantagé.

7. Toutefois, d’une part, la presse écrite est, en tout état de cause, libre de rendre compte, comme elle l’entend, de la campagne des différents candidats. D’autre part, si M. BEAUNE, en raison de sa notoriété, est intervenu à plusieurs reprises, entre le 12 et le 17 juin 2022, dans les émissions des services de communication audiovisuelle, il résulte de l’instruction que ses interventions ont essentiellement porté sur la situation politique nationale et internationale et, lorsque sa candidature dans la 7ème circonscription de Paris était abordée, qu’elles ne comportaient pas d’éléments nouveaux de polémique électorale. En outre, Mme MECARY, qui avait été invitée à débattre avec M. BEAUNE lors de l’une ces émissions, a également pu s’exprimer sur la campagne électorale à travers les mêmes services de communication audiovisuelle. Il ne résulte ainsi pas de l’instruction une rupture de l’égalité entre les deux candidats devant les moyens de communication audiovisuelle, ni un traitement discriminatoire de Mme MECARY par les émissions de télévision et de radiodiffusion contestées de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin.

8. En quatrième lieu, Mme MECARY soutient qu’elle a fait l’objet, pendant la campagne électorale, de plusieurs propos diffamatoires, notamment des accusations d’antisémitisme et d’escroquerie.

9. Il résulte toutefois de l’instruction que Mme MECARY a disposé du temps nécessaire pour répondre aux « tweets » du 13 mai 2022 par lesquels deux journalistes réagissaient aux propos de l’intéressée sur « le crime d’apartheid commis par l’État d’Israël dans les territoires occupés ». Le nouveau « tweet » d’un de ces journalistes, le 18 juin, sur le même sujet, n’a pas apporté d’éléments nouveaux à la polémique électorale. Mme MECARY a également été en mesure de répondre au tract diffusé, le 16 juin, et aux messages apposés sur ses affiches électorales qui la mettaient en cause. En tout état de cause, l’ampleur de la diffusion du tract litigieux et des messages contestés n’est pas établie. Enfin, ni les propos tenus par M. BEAUNE dans certaines émissions radiodiffusées ni les messages qu’il a publiés sur le réseau social « Twitter » n’ont excédé les limites de la polémique électorale. Le grief soulevé, tiré de l’atteinte à la sincérité du scrutin, doit dès lors être écarté.

10. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 49 du code électoral : « À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : 1 ° Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ; … 4 ° Tenir une réunion électorale ».

11. Il ne résulte pas de l’instruction que M. BEAUNE aurait, le 19 juin 2022, devant les bureaux de vote de la 7ème circonscription de Paris, poursuivi sa campagne électorale en méconnaissance des dispositions de l’article L. 49 du code électoral.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme MECARY doit être rejetée.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. -  La requête de Mme Caroline MECARY est rejetée.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président,  Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. 
 
Rendu public le 27 janvier 2023.
 

JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 102
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5792.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.7. Internet
  • 8.3.3.7.3. Réseaux sociaux

D’une part, aux termes du premier alinéa de l’article R. 27 du code électoral : « Sont interdites, sur les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral, l’utilisation de l’emblème national ainsi que la juxtaposition des trois couleurs : bleu, blanc et rouge dès lors qu’elle est de nature à entretenir la confusion avec l’emblème national, à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique ». Ces dispositions prohibent l’usage des couleurs officielles sur les affiches de campagne apposées sur les panneaux officiels réservés à cet effet, ainsi que sur les professions de foi adressées par voie postale aux électeurs. Cette interdiction ne s’étend cependant pas aux pages d’un réseau social utilisé dans le cadre de la campagne électorale. En outre, l’utilisation de l’emblème national par le candidat élu n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, été de nature à exercer une influence sur les résultats du scrutin. D’autre part, la mention « officiel du gouvernement » figurant sur la page du candidat élu, ajoutée à l’initiative du réseau social « Twitter » s’agissant d’une personnalité exerçant des fonctions officielles de représentation du gouvernement, alors même qu’il s’agit de la page personnelle du candidat, ne peut être regardée comme manifestant le soutien officiel du gouvernement à la candidature de l'intéressé, et n’a pu, dans les circonstances de l’espèce, semer la confusion dans l’esprit des électeurs sur la nature du compte utilisé par ce candidat, qui, à la date du scrutin, était ministre délégué en charge de l’Europe.

(2022-5792 AN, 27 janvier 2023, cons. 2, 3, 4, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 102)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.9. Presse
  • 8.3.3.9.1. Prises de positions politiques de la presse écrite

La requérante soutient que la couverture médiatique dont a bénéficié le candidat élu l’a avantagé. Toutefois, d’une part, la presse écrite est, en tout état de cause, libre de rendre compte, comme elle l’entend, de la campagne des différents candidats. D’autre part, si l'intéressé, en raison de sa notoriété, est intervenu à plusieurs reprises, entre le 12 et le 17 juin 2022, dans les émissions des services de communication audiovisuelle, il résulte de l’instruction que ses interventions ont essentiellement porté sur la situation politique nationale et internationale et, lorsque sa candidature dans la 7ème circonscription de Paris était abordée, qu’elles ne comportaient pas d’éléments nouveaux de polémique électorale. En outre, la requérante, qui avait été invitée à débattre avec ce candidat lors de l’une ces émissions, a également pu s’exprimer sur la campagne électorale à travers les mêmes services de communication audiovisuelle. Il ne résulte ainsi pas de l’instruction une rupture de l’égalité entre les deux candidats devant les moyens de communication audiovisuelle, ni un traitement discriminatoire de la requérante par les émissions de télévision et de radiodiffusion contestées de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin.

(2022-5792 AN, 27 janvier 2023, cons. 6, 7, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 102)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.1. Nature des pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.1.8. Pressions par intimidation ou corruption
  • 8.3.4.1.8.3. Imputations de nature à discréditer un candidat

La requérante soutient qu’elle a fait l’objet, pendant la campagne électorale, de plusieurs propos diffamatoires, notamment des accusations d’antisémitisme et d’escroquerie. Il résulte toutefois de l’instruction qu'elle a disposé du temps nécessaire pour répondre aux « tweets » du 13 mai 2022 par lesquels deux journalistes réagissaient aux propos de l’intéressée sur « le crime d’apartheid commis par l’État d’Israël dans les territoires occupés ». Le nouveau « tweet » d’un de ces journalistes, le 18 juin, sur le même sujet, n’a pas apporté d’éléments nouveaux à la polémique électorale. La requérante a également été en mesure de répondre au tract diffusé, le 16 juin, et aux messages apposés sur ses affiches électorales qui la mettaient en cause. En tout état de cause, l’ampleur de la diffusion du tract litigieux et des messages contestés n’est pas établie. Enfin, ni les propos tenus par le candidat élu dans certaines émissions radiodiffusées ni les messages qu’il a publiés sur le réseau social « Twitter » n’ont excédé les limites de la polémique électorale. Le grief soulevé, tiré de l’atteinte à la sincérité du scrutin, doit dès lors être écarté.

(2022-5792 AN, 27 janvier 2023, cons. 8, 9, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 102)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.2. Manœuvres ou interventions relatives à la situation politique des candidats
  • 8.3.4.2.1. Appartenance ou " étiquette " politique

L’utilisation par le candidat élu, sur certains de ses documents de propagande, de la mention « Ensemble ! » ou « Ensemble ! Majorité présidentielle » n’a pu induire les électeurs en erreur, comme le soutient la requérante, sur la réalité de l’investiture de l’intéressé par le parti « Ensemble ! », qui regroupait les candidats désignés pour représenter la majorité présidentielle lors des opérations électorales des 12 et 19 juin 2022. En particulier, ces mentions n’ont pu faire croire aux électeurs que l'intéressé était un candidat de la « NUPES » soutenu par l’association « Ensemble, mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire », créée en 2014.

(2022-5792 AN, 27 janvier 2023, cons. 5, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 102)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.6. Griefs manquant en fait

Il ne résulte pas de l’instruction que le candidat élu aurait, le 19 juin 2022, devant les bureaux de vote de la 7ème circonscription de Paris, poursuivi sa campagne électorale en méconnaissance des dispositions de l’article L. 49 du code électoral.

(2022-5792 AN, 27 janvier 2023, cons. 11, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 102)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Version PDF de la décision.
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