Décision n° 2022-5783 AN du 20 janvier 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par M. Valentin MANENT, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 5e circonscription du Loiret, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5783 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense, présenté pour M. Anthony BROSSE, député, par Me Philippe Rainaud, avocat au barreau d’Orléans, enregistré le 16 septembre 2022 ;
- le mémoire en réplique présenté par M. MANENT, enregistré le 12 octobre 2022 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. BROSSE ;
- les pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. En premier lieu, aux termes de l’article L. 65 du code électoral : « … Si une enveloppe contient plusieurs bulletins, le vote est nul quand les bulletins portent des listes et des noms différents. Les bulletins multiples ne comptent que pour un seul quand ils désignent la même liste, le même binôme de candidats ou le même candidat » et aux termes de l’article L. 66 du même code : « Les bulletins ne contenant pas une désignation suffisante … sont annexés au procès-verbal … et contresignés par les membres du bureau. Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l’annexion ». Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de ces dispositions, non plus que d’aucune autre disposition législative ou réglementaire, que les bulletins portant des noms différents trouvés dans une même enveloppe lors du dépouillement devraient être agrafés à cette enveloppe. En revanche, il résulte de l’instruction que, dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Yèvre-la-Ville, une enveloppe contenant deux bulletins en faveur de M. MANENT a été regardée, à tort, comme contenant un suffrage nul. Il convient dès lors d'ajouter une voix à M. MANENT.
2. En deuxième lieu, si, dans la commune de Chanteau, il a été tenu un double de la liste électorale, il n’est pas établi que cette pratique ait été utilisée afin d'exercer des pressions sur les électeurs.
3. En troisième lieu, d’une part, si les feuilles de pointage de la commune d’Aulnay-la-Rivière mentionnent pour l’une, 104 voix en faveur de M. MANENT et 107 voix en faveur de M. BROSSE et, pour l’autre, un résultat inverse, aucune observation n’a été formulée à l’encontre des chiffres portés sur le procès-verbal lui-même, qui est revêtu de la signature de la présidente du bureau de vote et des trois assesseurs. Il y a donc lieu de retenir les chiffres, portés sur le procès-verbal, de 104 voix en faveur de M. MANENT et 107 voix en faveur de M. BROSSE. D’autre part, si l’une des feuilles de pointage de la commune de Montigny comporte une erreur matérielle, il résulte des pièces du dossier qu’il y a lieu de retenir les chiffres, portés sur le procès-verbal, de 96 votants et 92 suffrages exprimés, dont 53 en faveur de M. MANENT et 39 en faveur de M. BROSSE.
4. En quatrième lieu, il résulte des mentions portées sur le procès-verbal du bureau de vote n° 2 de la commune de Dadonville qu’un bulletin en faveur de M. BROSSE, « légèrement déchiré », a été regardé comme un suffrage valablement exprimé. Il n’y a pas lieu, en l’espèce, de remettre en cause l’appréciation portée par les membres du bureau de vote sur la validité de ce suffrage dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que ce bulletin de vote aurait dû être regardé, en raison de cette déchirure, comme portant un signe de reconnaissance.
5. En cinquième lieu, il résulte de l’instruction que les tâches d’encre figurant sur un bulletin en faveur de M. MANENT invalidé par le bureau de vote dans la commune d’Estouy doivent être regardées comme d’origine purement accidentelle et non comme constituant un signe de reconnaissance. Il y a donc lieu de valider ce suffrage émis pour M. MANENT.
6. En sixième lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « nbsp ; Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même » ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement.
7. Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote contestés que, dans onze cas, les différences de signature alléguées, ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours ou à la circonstance que l’électeur a utilisé successivement un paraphe et sa signature ou encore, pour les femmes mariées, le nom patronymique ou le nom d’usage. En revanche, six votes, correspondant à des différences de signature significatives et inexpliquées, doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés. Dès lors, il y a lieu de retirer six voix à M. BROSSE.
8. En dernier lieu, les autres griefs concernant des bureaux de vote des communes d’Audeville, Ascoux, Boesses, Briarres-sur-Essonne, Chilleurs-aux-Bois, Fleury-les-Aubrais, Nancray-sur-Rimard, Neuville-aux-Bois, Ondreville-sur-Essonne, Pithiviers, Sully-la-Chapelle et Vennecy, soit ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour permettre d’en apprécier le bien-fondé, soit ne sont pas établis, soit ne sont pas de nature, à les supposer même fondés, à avoir altéré la sincérité du scrutin ou eu une influence sur ses résultats.
9. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu, d’une part, d’ajouter deux voix au nombre de suffrages recueillis par M. MANENT et au nombre total de suffrages exprimés et, d’autre part, de déduire six voix tant du nombre de suffrages obtenus par M. BROSSE, candidat proclamé élu, que du nombre total de suffrages exprimés. Ces rectifications ne modifient pas l’ordre des candidats au second tour, M. BROSSE conservant une avance sur M. MANENT de trois suffrages. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de M. MANENT.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de M. Valentin MANENT est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 20 janvier 2023.
JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 44
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5783.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
- 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
8.3.6.4.10.4. Signatures
Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote contestés que, dans onze cas, les différences de signature alléguées, ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours ou à la circonstance que l’électeur a utilisé successivement un paraphe et sa signature ou encore, pour les femmes mariées, le nom patronymique ou le nom d’usage. En revanche, six votes, correspondant à des différences de signature significatives et inexpliquées, doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés. Dès lors, il y a lieu de retirer six voix à M. BROSSE.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
- 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
8.3.6.8.3.4. Marques
Il résulte des mentions portées sur le procès-verbal du bureau de vote n° 2 de la commune de Dadonville qu’un bulletin en faveur de M. BROSSE, « légèrement déchiré », a été regardé comme un suffrage valablement exprimé. Il n’y a pas lieu, en l’espèce, de remettre en cause l’appréciation portée par les membres du bureau de vote sur la validité de ce suffrage dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que ce bulletin de vote aurait dû être regardé, en raison de cette déchirure, comme portant un signe de reconnaissance.
Il résulte de l’instruction que les tâches d’encre figurant sur un bulletin en faveur de M. MANENT invalidé par le bureau de vote dans la commune d’Estouy doivent être regardées comme d’origine purement accidentelle et non comme constituant un signe de reconnaissance. Il y a donc lieu de valider ce suffrage émis pour M. MANENT.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
- 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
8.3.6.8.3.8. Bulletins annulés suite à des erreurs de dépouillement
Il résulte de l’instruction que, dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Yèvre-la-Ville, une enveloppe contenant deux bulletins en faveur de M. MANENT a été regardée, à tort, comme contenant un suffrage nul. Il convient dès lors d'ajouter une voix à M. MANENT.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
8.3.6.8.8. Différences de signatures entre le premier et le second tour
Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote contestés que, dans onze cas, les différences de signature alléguées, ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours ou à la circonstance que l’électeur a utilisé successivement un paraphe et sa signature ou encore, pour les femmes mariées, le nom patronymique ou le nom d’usage. En revanche, six votes, correspondant à des différences de signature significatives et inexpliquées, doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés. Dès lors, il y a lieu de retirer six voix à M. BROSSE.