Décision

Décision n° 2022-5775 AN du 27 janvier 2023

A.N., Pas-de-Calais (3e circ.), M. Bruno CLAVET
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2022 d’une requête présentée par Me Thomas Laval, avocat au barreau de Paris, pour M. Bruno CLAVET, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 3ème circonscription du département du Pas-de-Calais, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5775 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les mémoires en défense présentés pour M. Jean-Marc TELLIER, député, par Me Jean-Louis Peru, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 18 octobre et 28 novembre 2022 ;
  • le mémoire en réplique présenté pour M. CLAVET par Me Laval, enregistré le 14 novembre 2022 ;
  • le mémoire en réplique présenté pour M. CLAVET par Me Laval, enregistré le 30 novembre 2022, qui, en application du quatrième alinéa de l'article 9 du règlement mentionné ci-dessus, n'a pas été communiqué ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 13 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. TELLIER ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

- Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :

1. Aux termes de l’article L. 51 du code électoral : « Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l’élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l’emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu’en dehors des panneaux d’affichage d’expression libre lorsqu’il en existe. / En cas d’affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d’office des affiches ».

2. L’utilisation par M. TELLIER, candidat élu, d’un véhicule comportant un affichage électoral, ainsi que l’apposition d’affiches électorales sur des locaux utilisés pour sa campagne électorale, dénoncées par le requérant, sont constitutives d’une irrégularité. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que cette irrégularité aurait revêtu un caractère massif, prolongé ou répété. Elle ne peut dès lors avoir altéré la sincérité du scrutin.

3. Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

4. Contrairement à ce que soutient le requérant, la page Facebook au nom de « Jean-Marc Tellier », utilisée à titre personnel par M. TELLIER en sa qualité de maire de la commune d’Avion, ne constitue pas la page officielle de cette commune sur ce réseau social, quand bien même un lien vers le site internet de la commune et un numéro de téléphone de la commune figurent parmi les informations renseignées par M. TELLIER sur cette page. Il ne résulte en outre pas de l’instruction que cette page personnelle de M. TELLIER aurait été administrée par des agents de la commune d’Avion agissant en cette qualité. Les griefs tirés de ce que les publications figurant sur cette page Facebook constitueraient une participation de la commune d’Avion au financement de la campagne de M. TELLIER, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 52-1 du code électoral, et un manquement des agents de la commune à leur devoir de neutralité ne peuvent donc qu’être écartés.

- Sur le grief relatif aux opérations de vote :

5. Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : »l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement.

6. Le requérant soutient que cent quatre-vingt-huit suffrages ont été irrégulièrement exprimés, aux motifs que des signatures sur les listes d’émargement présentent des différences significatives entre les deux tours de scrutin, que des signatures lors du second tour de scrutin sont identiques entre deux ou plusieurs électeurs et enfin que des électeurs ont apposé une croix dans la liste d’émargement sans que ne figure la mention « l’électeur ne peut signer lui-même ».

7. Il résulte toutefois de l’instruction, et notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que seules quatre signatures, respectivement dans les bureaux de vote n° 5 de la commune de Billy-Montigny et nos 1, 4 et 6 de la commune de Sallaumines, comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. En revanche, les autres signatures contestées par le requérant soit ne comportent pas les irrégularités alléguées, soit ont été justifiées par les électeurs concernés, qui ont attesté avoir pris personnellement part au scrutin et avoir signé la liste d’émargement.

8. Par ailleurs, la circonstance que le nombre des émargements reporté sur le procès-verbal des opérations de vote du bureau de vote n° 3 de la commune d’Avion et le nombre des procurations indiqué sur le procès-verbal du bureau centralisateur de cette commune seraient erronés et que le nombre des émargements n’a pas été reporté sur le procès-verbal du bureau de vote n° 5 de la commune de Lens n’est pas de nature, par elle-même, à entraîner l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans ces bureaux de vote et dans ces communes. Les griefs ainsi soulevés par M. CLAVET, qui ne soutient pas que des suffrages n’auraient à tort pas été pris en compte pour le calcul des voix obtenues par chaque candidat, ne peuvent qu’être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. CLAVET doit être rejetée.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. -  La requête de M. Bruno CLAVET est rejetée.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. 
 
Rendu public le 27 janvier 2023.
 

JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 98
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5775.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.1. Affiches
  • 8.3.3.1.4. Emplacement des affiches

L’utilisation par le candidat élu d’un véhicule comportant un affichage électoral, ainsi que l’apposition d’affiches électorales sur des locaux utilisés pour sa campagne électorale, dénoncées par le requérant, sont constitutives d’une irrégularité. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que cette irrégularité aurait revêtu un caractère massif, prolongé ou répété. Elle ne peut dès lors avoir altéré la sincérité du scrutin. (rejet du grief)

(2022-5775 AN, 27 janvier 2023, cons. 2, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 98)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.7. Internet
  • 8.3.3.7.3. Réseaux sociaux

Contrairement à ce que soutient le requérant, la page Facebook utilisée à titre personnel par le candidat élu en sa qualité de maire de la commune ne constitue pas la page officielle de cette commune sur ce réseau social, quand bien même un lien vers le site internet de la commune et un numéro de téléphone de la commune figurent parmi les informations renseignées sur cette page. Il ne résulte en outre pas de l’instruction que cette page personnelle du candidat élu aurait été administrée par des agents de la commune agissant en cette qualité. Les griefs tirés de ce que les publications figurant sur cette page Facebook constitueraient une participation de la commune au financement de la campagne du candidat, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 52-1 du code électoral, et un manquement des agents de la commune à leur devoir de neutralité ne peuvent donc qu’être écartés.

(2022-5775 AN, 27 janvier 2023, cons. 4, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 98)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
  • 8.3.6.4.10.4. Signatures

Il résulte de l’instruction, et notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que seules quatre signatures comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. En revanche, les autres signatures contestées par le requérant soit ne comportent pas les irrégularités alléguées, soit ont été justifiées par les électeurs concernés, qui ont attesté avoir pris personnellement part au scrutin et avoir signé la liste d’émargement. Par ailleurs, la circonstance que le nombre des émargements reporté sur le procès-verbal des opérations de vote d'un bureau d'une commune et le nombre des procurations indiqué sur le procès-verbal du bureau centralisateur de cette commune seraient erronés et que le nombre des émargements n’a pas été reporté sur le procès-verbal d'un bureau de vote d'une autre commune n’est pas de nature, par elle-même, à entraîner l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans ces bureaux de vote et dans ces communes. Les griefs ainsi soulevés par le requérant, qui ne soutient pas que des suffrages n’auraient à tort pas été pris en compte pour le calcul des voix obtenues par chaque candidat, ne peuvent qu’être écartés.

(2022-5775 AN, 27 janvier 2023, cons. 7, 8, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 98)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Version PDF de la décision.
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