Décision

Décision n° 2022-5769 AN du 20 janvier 2023

A.N., Seine-et-Marne 8e circ., M. Arnaud BONNET
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2022 d’une requête présentée par Me Étienne Tête, avocat au barreau de Lyon, pour M. Arnaud BONNET, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 8e circonscription de Seine-et-Marne, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5769 AN.

Au vu des textes suivants :

- la Constitution, notamment son article 59 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code électoral ;

- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le 14 septembre 2022 ;

- les mémoires en défense présentés pour M. Hadrien GHOMI, député, par Me Jérôme Léron, avocat au barreau de Versailles, enregistrés les 18 octobre 2022 et 25 novembre 2022 ;

- le mémoire en réplique présenté pour M. BONNET, enregistré le 3 novembre 2022 ;

- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. GHOMI ;

- les pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu les parties et leurs conseils ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. En premier lieu, M. BONNET soutient qu’un tract particulièrement injurieux et diffamatoire a été distribué le vendredi précédant le second tour de scrutin. Il résulte toutefois de l’instruction que ce tract, qui a d’ailleurs circulé dès le mercredi 15 juin et dont le contenu portait uniquement sur les programmes respectifs de la majorité présidentielle et de la NUPES, n’excédait nullement les limites de la polémique électorale.

2. En deuxième lieu, en soulevant un grief tiré de la différence entre le nombre des enveloppes et bulletins trouvés dans l’urne et le nombre des émargements qui apparaissent sur les procès-verbaux de recensement des votes de certains bureaux, le requérant a saisi le Conseil constitutionnel de l’ensemble des opérations de décompte des suffrages exprimés dans les bureaux de vote qui font l’objet d’une contestation. Il appartient au Conseil constitutionnel, compte tenu du très faible écart des voix, d’examiner les listes d’émargement et les procès-verbaux de ces bureaux de vote et d’opérer les redressements nécessaires.

3. Le requérant fait valoir que la différence entre le nombre des enveloppes et bulletins trouvés dans l’urne et le nombre des émargements serait de trois dans le bureau de vote n° 7 de la commune de Bussy-Saint-Georges, de un dans le bureau de vote n° 3 de la commune de Montévrain ainsi que de un dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Chanteloup-en-Brie.

4. La différence invoquée dans le bureau de la commune de Montévrain est expliquée par l’oubli d’un émargement dans le décompte effectué à l’issue du second tour et l’une des différences invoquée dans le bureau de la commune de Bussy-Saint-Georges est expliquée par la circonstance qu’au second tour, un électeur a émargé par erreur à l’emplacement correspondant au premier tour. En revanche, en raison des autres différences constatées, il y a lieu de réduire de trois voix le nombre de suffrages recueillis par M. GHOMI, candidat arrivé en tête.

5. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « nbsp ; Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même » ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement.

6. M. BONNET soutient que sept signatures figurant, pour les deux tours de scrutin, en marge du nom d’un même électeur présentent des différences établissant que le vote n’a pas été effectué par l’électeur. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement originales des bureaux de vote concernés, que les différences alléguées ne présentent pas un caractère anormal permettant de douter de l’authenticité des votes en cause. Au surplus, six des sept électeurs concernés ont reconnu formellement avoir voté en personne aux deux tours et avoir signé les listes d’émargement.

7. En quatrième lieu, M. BONNET, dans le dernier état de ses écritures, allègue que ne figurent pas sur les listes d’émargement du bureau de vote n° 1 de la commune de Chanteloup-en-Brie les mentions obligatoires en matière de vote par procuration, en particulier le nom du mandataire, apposé aux côtés du nom du mandant, comme le prévoit l’article R. 76-1 du code électoral. Toutefois, dans le premier cas invoqué, il ne résulte pas de l’instruction, et notamment de l’attestation produite par la personne qui a reçu procuration, que l’omission de l’indication du nom du mandataire aurait été à l’origine d’un vote irrégulier et, dans le second cas invoqué, l’électrice n’avait donné procuration que pour le premier tour de scrutin, ce qui prive de portée les critiques portant sur son émargement au titre du second tour.

8. En cinquième lieu, le grief tiré de l’irrégularité d’un émargement opéré par apposition d’une croix dans le bureau de vote n° 7 de la commune de Bussy-Saint-Georges n’est pas recevable, faute pour M. BONNET d’avoir soulevé, pour ce même bureau de vote, avant l’expiration du délai de recours, un grief tiré d’irrégularités dans les émargements.

9. En sixième lieu, M. GHOMI n’est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu’un bulletin comportant une déchirure en son centre a été, à tort, compté comme nul, dès lors que cette déchirure est, en l’espèce, susceptible de constituer un signe de reconnaissance.

10. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a seulement lieu de déduire trois voix tant du nombre de voix obtenues par M. GHOMI, candidat proclamé élu, que du nombre de suffrages exprimés. Ces rectifications ne modifient pas l’ordre des candidats au second tour, M. GHOMI conservant une avance d’une voix. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de M. BONNET

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. -  La requête de M. Arnaud BONNET est rejetée.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 20 janvier 2023
 

JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 43
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5769.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.16. Tracts
  • 8.3.3.16.5. Absence d'irrégularités
  • 8.3.3.16.5.1. Contenu n'excédant pas les limites de la polémique électorale

Le requérant soutient qu’un tract particulièrement injurieux et diffamatoire a été distribué le vendredi précédant le second tour de scrutin. Il résulte toutefois de l’instruction que ce tract, qui a d’ailleurs circulé dès le mercredi 15 juin et dont le contenu portait uniquement sur les programmes respectifs de la majorité présidentielle et de la NUPES, n’excédait nullement les limites de la polémique électorale.

(2022-5769 AN, 20 janvier 2023, cons. 1, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 43)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
  • 8.3.6.4.10.4. Signatures

Le requérant soutient que sept signatures figurant, pour les deux tours de scrutin, en marge du nom d’un même électeur présentent des différences établissant que le vote n’a pas été effectué par l’électeur. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement originales des bureaux de vote concernés, que les différences alléguées ne présentent pas un caractère anormal permettant de douter de l’authenticité des votes en cause. Au surplus, six des sept électeurs concernés ont reconnu formellement avoir voté en personne aux deux tours et avoir signé les listes d’émargement.

(2022-5769 AN, 20 janvier 2023, cons. 6, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 43)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.5. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne
  • 8.3.6.8.5.2. Jurisprudence faisant suite aux élections législatives de 1988

La différence invoquée dans le bureau de la commune de Montévrain est expliquée par l’oubli d’un émargement dans le décompte effectué à l’issue du second tour et l’une des différences invoquée dans le bureau de la commune de Bussy-Saint-Georges est expliquée par la circonstance qu’au second tour, un électeur a émargé par erreur à l’emplacement correspondant au premier tour. En revanche, en raison des autres différences constatées, il y a lieu de réduire de trois voix le nombre de suffrages recueillis par M. GHOMI, candidat arrivé en tête.

(2022-5769 AN, 20 janvier 2023, cons. 4, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 43)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.8. Différences de signatures entre le premier et le second tour

Le requérant soutient que sept signatures figurant, pour les deux tours de scrutin, en marge du nom d’un même électeur présentent des différences établissant que le vote n’a pas été effectué par l’électeur. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement originales des bureaux de vote concernés, que les différences alléguées ne présentent pas un caractère anormal permettant de douter de l’authenticité des votes en cause. Au surplus, six des sept électeurs concernés ont reconnu formellement avoir voté en personne aux deux tours et avoir signé les listes d’émargement.

(2022-5769 AN, 20 janvier 2023, cons. 6, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 43)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Le grief tiré de l’irrégularité d’un émargement opéré par apposition d’une croix dans le bureau de vote n° 7 de la commune de Bussy-Saint-Georges n’est pas recevable, faute pour M. BONNET d’avoir soulevé, pour ce même bureau de vote, avant l’expiration du délai de recours, un grief tiré d’irrégularités dans les émargements.

(2022-5769 AN, 20 janvier 2023, cons. 8, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 43)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Version PDF de la décision.
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