Décision

Décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022

Loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, sous le n° 2022-844 DC, le 18 novembre 2022, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ÉTIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Elise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Pascale MARTIN, Elisa MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER, Léo WALTER, Mmes Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, Delphine BATHO, M. Julien BAYOU, Mme Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEÏKH, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Julie LAERNOES, M. Benjamin LUCAS, Mmes Francesca PASQUINI, Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, M. Aurélien TACHÉ, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Nicolas THIERRY, Boris VALLAUD, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Inaki ECHANIZ, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Jérôme GUEDJ, Johnny HAJJAR, Mmes Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA-HACHI, MM. Gérard LESEUL, Philippe NAILLET, Bertrand PETIT, Mmes Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, Mmes Valérie RABAULT, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, Mmes Mélanie THOMIN, Cécile UNTERMAIER, MM. Roger VICOT, André CHASSAIGNE, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Pierre DHARRÉVILLE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Yannick MONNET, Moetai BROTHERSON, Jean-Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, Mmes Emeline K BIDI, Karine LEBON, MM. Tematai LE GAYIC, Frédéric MAILLOT, Marcellin NADEAU, Davy RIMANE, Jiovanny WILLIAM, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Nicolas SANSU, Jean-Marc TELLIER et Hubert WULFRANC, députés.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
  • le code de l'éducation ;
  • le code du travail ;
  • le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;

Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 5 décembre 2022 ;

Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la saisine ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 1er et 2, son article 4 ainsi que la procédure d'adoption de ses articles 10 et 11 et certaines de leurs dispositions.

- Sur certaines dispositions de l'article 1er :

2. L'article 1er de la loi déférée prévoit que, par dérogation aux règles de droit commun, un décret en Conseil d'État détermine les mesures d'application des dispositions législatives relatives à l'assurance chômage.

3. Les députés requérants estiment tout d'abord que, en habilitant le Gouvernement à fixer lui-même les règles relatives à l'assurance chômage sans limiter l'objet ou la portée des dispositions que pourrait contenir le décret, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence et privé de garanties légales le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence, garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

4. Ils reprochent ensuite à ces dispositions de déroger aux règles de droit commun qui confient aux partenaires sociaux la compétence pour déterminer, par des accords paritaires, les mesures d'application du régime d'assurance chômage. Il en résulterait une méconnaissance du principe de participation, garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

5. Les députés requérants estiment enfin que ces dispositions permettraient au pouvoir réglementaire de moduler les droits à indemnisation des bénéficiaires de l'assurance chômage en fonction d'indicateurs conjoncturels sur l'emploi et le fonctionnement du marché du travail. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, du « droit à ouverture de l'allocation d'assurance chômage garanti par le versement de cotisations d'assurance chômage » et du principe de fraternité.

6. L'article 34 de la Constitution place dans le domaine de la loi les principes fondamentaux du droit du travail. Aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».

7. Il est loisible au législateur, dans le cadre des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, de renvoyer au décret, pris après une concertation appropriée, ou de confier à la négociation collective le soin de préciser, en matière de détermination collective des conditions de travail, les modalités d'application des règles qu'il a fixées.

8. L'article L. 5422-20 du code du travail prévoit que les mesures d'application des dispositions législatives relatives à l'assurance chômage font l'objet d'un accord conclu entre les organisations représentatives de salariés et d'employeurs qui doit être agréé par le Premier ministre, ou, en l'absence d'accord ou d'agrément, sont déterminées par un décret en Conseil d'État.

9. Par dérogation à ces dispositions, le premier alinéa du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée prévoit que ces mesures d'application sont directement déterminées par un décret en Conseil d'État pour la période allant du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023 au plus tard.

10. En premier lieu, le législateur a pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer à un décret la détermination des mesures d'application des dispositions législatives relatives au régime d'assurance chômage.

11. En second lieu, ces dispositions prévoient que ce décret ne peut être pris qu'à la suite d'une concertation avec les organisations de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

12. Il résulte de ce qui précède que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence ni le principe de participation.

13. Par conséquent, le premier alinéa du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus le principe d'égalité devant la loi et le principe de fraternité, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 2 :

14. L'article 2 complète notamment le paragraphe I de l'article L. 5422-1 du code du travail afin de prévoir qu'un demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage lorsqu'il a refusé deux propositions de contrat à durée indéterminée.

15. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de faire peser sur les demandeurs d'emploi une contrainte excessive en méconnaissance du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ils font également valoir que ces dispositions créeraient une différence de traitement injustifiée entre les demandeurs d'emploi selon qu'ils ont reçu ou non une proposition de contrat à durée indéterminée.

16. Aux termes du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi… ». Aux termes de son onzième alinéa, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Ces exigences constitutionnelles impliquent l'existence d'un régime d'indemnisation des travailleurs privés d'emploi.

17. Les dispositions contestées prévoient qu'un demandeur d'emploi, qui a refusé à deux reprises une proposition de contrat de travail à durée indéterminée émise à l'issue d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de mission, peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage.

18. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu inciter les travailleurs privés d'emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l'embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de mission d'intérim. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.

19. En second lieu, d'une part, il résulte des dispositions contestées que le demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage uniquement lorsque, soit il a refusé à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat à durée déterminée, une proposition de contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, soit il a refusé, à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat de mission, un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail. En outre, le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage ne peut lui être refusé si, au cours de la même période de douze mois, il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

20. D'autre part, le demandeur d'emploi n'est pas privé de l'allocation d'assurance chômage si la dernière proposition de contrat à durée indéterminée qui lui a été adressée n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi préalablement établi, lequel précise la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local.

21. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées.

22. Il résulte de ce qui précède que le dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 5422-1 du code du travail, qui ne méconnaît pas le principe d'égalité ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 4 :

23. L'article 4 insère au sein du code du travail un nouvel article L. 1237-1-1 instituant une présomption de démission du salarié en cas d'abandon de poste.

24. Les députés requérants soutiennent que, en assimilant l'abandon de poste à une démission, ces dispositions priveraient du bénéfice du régime d'assurance chômage des personnes conduites à abandonner leur poste pour des motifs indépendants de leur volonté. Il en résulterait une méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

25. Ils reprochent en outre à ces dispositions d'instituer une différence de traitement, au regard du droit à indemnisation au titre de l'assurance chômage, entre les salariés en situation d'abandon de poste selon que leur employeur procède au licenciement ou se prévaut de la présomption de démission qu'elles instaurent. Elles seraient ainsi contraires au principe d'égalité devant la loi.

26. Les dispositions contestées prévoient que le salarié qui a abandonné volontairement son poste est présumé avoir démissionné s'il ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur de justifier de son absence et de reprendre son poste dans un certain délai. En application de l'article L. 5422-1 du code du travail, elles peuvent ainsi avoir pour effet de priver le salarié concerné de son droit à l'allocation d'assurance des travailleurs privés d'emploi.

27. Ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte au droit d'obtenir un emploi, garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux exigences constitutionnelles mentionnées au paragraphe 16.

28. Toutefois, en premier lieu, d'une part, les dispositions contestées ne s'appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste. Il ressort des travaux préparatoires que l'abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire si, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l'exercice du droit de grève, l'exercice du droit de retrait, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail.

29. D'autre part, le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu'après avoir été mis en demeure, par son employeur, de justifier d'un tel motif et de reprendre son poste dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d'État.

30. En second lieu, la présomption de démission instituée par les dispositions contestées est une présomption simple, qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail. Le conseil de prud'hommes saisi d'une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d'un mois à compter de sa saisine.

31. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées doit être écarté.

32. Par ailleurs, les dispositions contestées, qui n'instituent par elles-mêmes aucune différence de traitement, ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi.

33. Par conséquent, l'article L. 1237-1-1 du code du travail, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur la procédure d'adoption des articles 10 et 11 et certaines de leurs dispositions :

. En ce qui concerne la procédure d'adoption des articles 10 et 11 :

34. Les députés requérants font valoir que les modifications substantielles apportées à l'article 10, par voie d'amendement du Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale puis au Sénat, ainsi que l'introduction au Sénat de l'article 11, également par amendement du Gouvernement, auraient permis à ce dernier de contourner les exigences de présentation d'une étude d'impact, d'un examen par le Conseil d'État et d'une délibération en conseil des ministres. Ils soutiennent également que les députés auraient été privés de la possibilité de délibérer sur cet article, du fait de la convocation d'une commission mixte paritaire à l'issue de la première lecture. Les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire auraient ainsi été méconnues.

35. Il résulte de la combinaison de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du premier alinéa des articles 34 et 39 de la Constitution, ainsi que de ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1, que le droit d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées. Il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et sous réserve du respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité, notamment par la nécessité, pour un amendement, de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis.

36. D'une part, ni ces dispositions constitutionnelles ni aucune autre ne font obstacle à ce que des amendements puissent, comme en l'espèce, être déposés en première lecture devant la seconde assemblée saisie et qu'une commission mixte paritaire soit réunie à la suite de cette lecture, dès lors qu'ils respectent les règles de recevabilité mentionnées ci-dessus.

37. D'autre part, l'article 39 de la Constitution et la loi organique du 15 avril 2009 mentionnée ci-dessus n'imposent la présentation d'une étude d'impact, la consultation du Conseil d'État et une délibération en conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements. Par conséquent, est inopérant le grief selon lequel le Gouvernement aurait contourné ces exigences procédurales en exerçant le droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution.

38. Il résulte de ce qui précède que les articles 10 et 11 de la loi déférée, dont les conditions d'adoption n'ont pas méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, ont été adoptés selon une procédure conforme à la Constitution.

. . En ce qui concerne certaines dispositions des articles 10 et 11 :

39. L'article 10 procède à une réforme de la validation des acquis de l'expérience. À cette fin, il abroge notamment les articles L. 613-3 à L. 613-6 du code de l'éducation organisant la délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur au titre de la validation des acquis de l'expérience et insère notamment au sein du code du travail un nouvel article L. 6412-3 relatif au jury en charge de cette validation.

40. L'article 11 prévoit, à titre expérimental, que les contrats de professionnalisation conclus par les employeurs de droit privé peuvent comporter des actions en vue de la validation des acquis de l'expérience, afin de favoriser l'accès à la certification et à l'insertion professionnelles dans certains secteurs.

41. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République de « monopole de l'État pour la collation des grades et diplômes nationaux ». Ils font également valoir qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer la composition et les modalités de fonctionnement du jury chargé de prononcer la validation des acquis de l'expérience, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence.

42. En premier lieu, la règle invoquée ne peut être regardée, en elle-même, comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance d'un tel principe ne peut qu'être écarté.

43. En second lieu, selon l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux de l'enseignement. Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34.

44. Le nouvel article L. 6412-3 du code du travail prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe la composition et les modalités de fonctionnement du jury chargé de prononcer la validation des acquis de l'expérience.

45. En prévoyant que la validation des acquis de l'expérience est prononcée par un jury, le législateur a entendu assurer que la délivrance d'un diplôme ou d'un titre dans ce cadre soit soumise à l'appréciation d'une instance collégiale composée de personnes choisies en raison de leurs qualifications, de leurs aptitudes ou de leurs compétences dans les disciplines, matières ou professions concernées.

46. Dès lors, en renvoyant à un décret la composition et les modalités de fonctionnement du jury en charge de la validation des acquis de l'expérience, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

47. Par conséquent, l'article L. 6412-3 du code du travail, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :

  • le premier alinéa du paragraphe I de l'article 1er de la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ;
  • le dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 5422-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'article 2 de la même loi ;
  • l'article L. 1237-1-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 4 de la même loi ;
  • l'article L. 6412-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la même loi.
     
    Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
     

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 décembre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 15 décembre 2022.
 

JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2
ECLI : FR : CC : 2022 : 2022.844.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.3. PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946
  • 1.3.20. combinaison des alinéas 5 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946

Le Conseil juge que le droit à l'emploi garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et le droit à des moyens convenables d'existence garanti par le onzième alinéa de ce même Préambule impliquent l'existence d'un régime d'indemnisation des travailleurs privés d'emploi.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 16, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.4. PRINCIPES FONDAMENTAUX RECONNUS PAR LES LOIS DE LA RÉPUBLIQUE
  • 1.4.4. Principes non retenus
  • 1.4.4.15. Autres

Le "monopole de l'Etat pour la collation des grades et diplômes nationaux" ne peut être regardé, en lui-même, comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance d'un tel principe ne peut qu'être écarté.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 42, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
  • 3.3.4. Incompétence négative
  • 3.3.4.2. Absence d'incompétence négative
  • 3.3.4.2.2. Renvoi au règlement d'application

Le Conseil constitutionnel est saisi de dispositions renvoyant à un décret en Conseil d'Etat, pris après concertation avec les partenaires sociaux, la détermination temporaire des mesures d'application des dispositions législatives relatives à l'assurance chômage. L'article L. 5422-20 du code du travail prévoit que les mesures d'application des dispositions législatives relatives à l'assurance chômage font l'objet d'un accord conclu entre les organisations représentatives de salariés et d'employeurs qui doit être agréé par le Premier ministre, ou, en l'absence d'accord ou d'agrément, sont déterminées par un décret en Conseil d'État. Par dérogation à ces dispositions, le premier alinéa du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée prévoit que ces mesures d'application sont directement déterminées par un décret en Conseil d'État pour la période allant du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023 au plus tard. En premier lieu, le législateur a pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer à un décret la détermination des mesures d'application des dispositions législatives relatives au régime d'assurance chômage. En second lieu, ces dispositions prévoient que ce décret ne peut être pris qu'à la suite d'une concertation avec les organisations de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il résulte de ce qui précède que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence ni le principe de participation.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 8, 9, 10, 11, 12, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)

Les dispositions contestées prévoient qu'un décret en Conseil d'État fixe la composition et les modalités de fonctionnement du jury chargé de prononcer la validation des acquis de l'expérience. En prévoyant que la validation des acquis de l'expérience est prononcée par un jury, le législateur a entendu assurer que la délivrance d'un diplôme ou d'un titre dans ce cadre soit soumise à l'appréciation d'une instance collégiale composée de personnes choisies en raison de leurs qualifications, de leurs aptitudes ou de leurs compétences dans les disciplines, matières ou professions concernées. Dès lors, en renvoyant à un décret la composition et les modalités de fonctionnement du jury en charge de la validation des acquis de l'expérience, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 44, 45, 46, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.12. Enseignement
  • 3.7.12.2. Compétence réglementaire
  • 3.7.12.2.6. Composition d'un jury

Les dispositions contestées prévoient qu'un décret en Conseil d'État fixe la composition et les modalités de fonctionnement du jury chargé de prononcer la validation des acquis de l'expérience. En prévoyant que la validation des acquis de l'expérience est prononcée par un jury, le législateur a entendu assurer que la délivrance d'un diplôme ou d'un titre dans ce cadre soit soumise à l'appréciation d'une instance collégiale composée de personnes choisies en raison de leurs qualifications, de leurs aptitudes ou de leurs compétences dans les disciplines, matières ou professions concernées. Dès lors, en renvoyant à un décret la composition et les modalités de fonctionnement du jury en charge de la validation des acquis de l'expérience, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 44, 45, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.2. Préambule de 1946
  • 4.1.2.6. Principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail (alinéa 8)

Le Conseil constitutionnel est saisi de dispositions renvoyant à un décret en Conseil d'Etat, pris après concertation avec les partenaires sociaux, la détermination temporaire des mesures d'application des dispositions législatives relatives à l'assurance chômage. Il est loisible au législateur, dans le cadre des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, de renvoyer au décret, pris après une concertation appropriée, ou de confier à la négociation collective le soin de préciser, en matière de détermination collective des conditions de travail, les modalités d'application des règles qu'il a fixées.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 7, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.9. DROITS CONSTITUTIONNELS DES TRAVAILLEURS
  • 4.9.1. Droits collectifs des travailleurs
  • 4.9.1.2. Liberté de négociation collective (alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946)
  • 4.9.1.2.1. Détermination des modalités concrètes de mise en œuvre de la loi

Le Conseil constitutionnel est saisi de dispositions renvoyant à un décret en Conseil d'Etat, pris après concertation avec les partenaires sociaux, la détermination temporaire des mesures d'application des dispositions législatives relatives à l'assurance chômage. L'article L. 5422-20 du code du travail prévoit que les mesures d'application des dispositions législatives relatives à l'assurance chômage font l'objet d'un accord conclu entre les organisations représentatives de salariés et d'employeurs qui doit être agréé par le Premier ministre, ou, en l'absence d'accord ou d'agrément, sont déterminées par un décret en Conseil d'État. Par dérogation à ces dispositions, le premier alinéa du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée prévoit que ces mesures d'application sont directement déterminées par un décret en Conseil d'État pour la période allant du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023 au plus tard. En premier lieu, le législateur a pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer à un décret la détermination des mesures d'application des dispositions législatives relatives au régime d'assurance chômage. En second lieu, ces dispositions prévoient que ce décret ne peut être pris qu'à la suite d'une concertation avec les organisations de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il résulte de ce qui précède que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence ni le principe de participation.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 8, 9, 10, 11, 12, 13, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.9. DROITS CONSTITUTIONNELS DES TRAVAILLEURS
  • 4.9.2. Droits individuels des travailleurs
  • 4.9.2.1. Droit d'obtenir un emploi (alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946)
  • 4.9.2.1.2. Applications
  • 4.9.2.1.2.5. Divers

Saisi de dispositions qui prévoient qu'un demandeur d'emploi, qui a refusé à deux reprises une proposition de contrat de travail à durée indéterminée émise à l'issue d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de mission, peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage, le Conseil juge que les exigences des cinquième et onzième alinéas du Préambule de 1946 impliquent l'existence d'un régime d'indemnisation du chômage.
En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu inciter les travailleurs privés d'emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l'embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de mission d'intérim. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. En second lieu, d'une part, il résulte des dispositions contestées que le demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage uniquement lorsque, soit il a refusé à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat à durée déterminée, une proposition de contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, soit il a refusé, à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat de mission, un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail. En outre, le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage ne peut lui être refusé si, au cours de la même période de douze mois, il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. D'autre part, le demandeur d'emploi n'est pas privé de l'allocation d'assurance chômage si la dernière proposition de contrat à durée indéterminée qui lui a été adressée n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi préalablement établi, lequel précise la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 17, 18, 19, 20, 21, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)

Saisi de dispositions qui prévoient que le salarié qui a abandonné volontairement son poste est présumé avoir démissionné s'il ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur de justifier de son absence et de reprendre son poste dans un certain délai et qui, en application de l'article L. 5422-1 du code du travail, peuvent ainsi avoir pour effet de priver le salarié concerné de son droit à l'allocation d'assurance des travailleurs privés d'emploi, le Conseil constitutionnel juge que ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte au droit d'obtenir un emploi, garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux exigences constitutionnelles découlant des cinquième et onzième alinéas du même Préambule qui impliquent l'existence d'un régime d'indemnisation du chômage. Toutefois, en premier lieu, d'une part, les dispositions contestées ne s'appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste. Il ressort des travaux préparatoires que l'abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire si, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l'exercice du droit de grève, l'exercice du droit de retrait, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail. D'autre part, le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu'après avoir été mis en demeure, par son employeur, de justifier d'un tel motif et de reprendre son poste dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d'État. En second lieu, la présomption de démission instituée par les dispositions contestées est une présomption simple, qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail. Le conseil de prud'hommes saisi d'une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées doit être écarté.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 26, 27, 28, 29, 30, 31, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.9. DROITS CONSTITUTIONNELS DES TRAVAILLEURS
  • 4.9.2. Droits individuels des travailleurs
  • 4.9.2.2. Droit au repos et à la protection de la santé des travailleurs (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946)

Saisi de dispositions qui prévoient qu'un demandeur d'emploi, qui a refusé à deux reprises une proposition de contrat de travail à durée indéterminée émise à l'issue d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de mission, peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage, le Conseil juge que les exigences des cinquième et onzième alinéa du Préambule de 1946 impliquent l'existence d'un régime d'indemnisation du chômage.
En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu inciter les travailleurs privés d'emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l'embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de mission d'intérim. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. En second lieu, d'une part, il résulte des dispositions contestées que le demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage uniquement lorsque, soit il a refusé à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat à durée déterminée, une proposition de contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, soit il a refusé, à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat de mission, un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail. En outre, le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage ne peut lui être refusé si, au cours de la même période de douze mois, il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. D'autre part, le demandeur d'emploi n'est pas privé de l'allocation d'assurance chômage si la dernière proposition de contrat à durée indéterminée qui lui a été adressée n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi préalablement établi, lequel précise la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 17, 18, 19, 20, 21, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)

Saisi de dispositions qui prévoient que le salarié qui a abandonné volontairement son poste est présumé avoir démissionné s'il ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur de justifier de son absence et de reprendre son poste dans un certain délai et qui, en application de l'article L. 5422-1 du code du travail, peuvent ainsi avoir pour effet de priver le salarié concerné de son droit à l'allocation d'assurance des travailleurs privés d'emploi, le Conseil constitutionnel juge que ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte au droit d'obtenir un emploi, garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux exigences constitutionnelles découlant des cinquième et onzième alinéas du même Préambule qui impliquent l'existence d'un régime d'indemnisation du chômage. Toutefois, en premier lieu, d'une part, les dispositions contestées ne s'appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste. Il ressort des travaux préparatoires que l'abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire si, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l'exercice du droit de grève, l'exercice du droit de retrait, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail. D'autre part, le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu'après avoir été mis en demeure, par son employeur, de justifier d'un tel motif et de reprendre son poste dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d'État. En second lieu, la présomption de démission instituée par les dispositions contestées est une présomption simple, qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail. Le conseil de prud'hommes saisi d'une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées doit être écarté.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 26, 27, 28, 29, 30, 31, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.1. Initiative
  • 10.3.1.1. Projets de loi
  • 10.3.1.1.1. Conditions de dépôt
  • 10.3.1.1.1.1. Consultation préalable du Conseil d'État

L'article 39 de la Constitution et la loi organique du 15 avril 2009 n'imposent la présentation d'une étude d'impact, la consultation du Conseil d'État et une délibération en conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements. Par conséquent, est inopérant le grief selon lequel le Gouvernement aurait contourné ces exigences procédurales en exerçant le droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 37, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.1. Initiative
  • 10.3.1.1. Projets de loi
  • 10.3.1.1.2. Conditions d'inscription : exposé des motifs, études d'impact

L'article 39 de la Constitution et la loi organique du 15 avril 2009 n'imposent la présentation d'une étude d'impact, la consultation du Conseil d'État et une délibération en conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements. Par conséquent, est inopérant le grief selon lequel le Gouvernement aurait contourné ces exigences procédurales en exerçant le droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 37, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.1. Exercice du droit d'amendement
  • 10.3.5.1.1. Droit d'amendement du Gouvernement

Il résulte de la combinaison de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du premier alinéa des articles 34 et 39 de la Constitution, ainsi que de ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1, que le droit d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées. Il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et sous réserve du respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité, notamment par la nécessité, pour un amendement, de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. D'une part, ni ces dispositions constitutionnelles ni aucune autre ne font obstacle à ce que des amendements puissent, comme en l'espèce, être déposés en première lecture devant la seconde assemblée saisie et qu'une commission mixte paritaire soit réunie à la suite de cette lecture, dès lors qu'ils respectent les règles de recevabilité mentionnées ci-dessus. D'autre part, l'article 39 de la Constitution et la loi organique du 15 avril 2009 mentionnée ci-dessus n'imposent la présentation d'une étude d'impact, la consultation du Conseil d'État et une délibération en conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements. Par conséquent, est inopérant le grief selon lequel le Gouvernement aurait contourné ces exigences procédurales en exerçant le droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 35, 36, 37, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.10. Qualité de la loi
  • 10.3.10.2. Principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires

Saisi d'un grief de procédure à propos de dispositions nouvelles introduites lors de l'examen en première lecture du projet de loi par la seconde assemblée saisie, avant que la commission mixte paritaire ne soit saisie, le Conseil constitutionnel juge que les conditions d'adoption de ces dispositions n'ont pas méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 36, 38, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.7. EXAMEN DE LA CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.7.2. Conditions de prise en compte d'éléments extrinsèques au texte de la loi
  • 11.7.2.2. Référence aux travaux préparatoires
  • 11.7.2.2.3. Référence aux travaux préparatoires de la loi déférée

Le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées ne s'appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste. Il ressort des travaux préparatoires que l'abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire si, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l'exercice du droit de grève, l'exercice du droit de retrait, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail.

(2022-844 DC, 15 décembre 2022, cons. 28, JORF n°0296 du 22 décembre 2022, texte n° 2)
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