Décision n° 2022-5770 AN du 2 décembre 2022
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2022 d'une requête présentée par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris pour Mme Stéphanie DO, candidate à l'élection qui s'est déroulée dans la 10ème circonscription du département de Seine-et-Marne, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5770 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les mémoires en défense présentés pour M. Maxime LAISNEY, député, par Me Joris Caunes, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 18 septembre et 4 novembre 2022 ;
- le mémoire en réplique présenté pour Mme DO par Me Azouaou, enregistré le 14 octobre 2022 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 13 octobre 2022, approuvant le compte de campagne de M. LAISNEY ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. En premier lieu, la requérante dénonce l'apposition, entre le 8 et 9 juin 2022, d'autocollants de la coalition la « Nouvelle Union populaire écologique et sociale » sur le mobilier urbain aux alentours de la gare de Chelles en méconnaissance des dispositions de l'article 51 du code électoral. Toutefois, il n'est pas établi que cette violation ait revêtu un caractère massif et qu'elle a pu altérer la sincérité du scrutin.
2. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction que les dégradations et graffitis dont ont fait l'objet les affiches électorales apposées sur les panneaux qui étaient réservés à Mme DO aient présenté un caractère systématique. En outre, la requérante ne démontre pas qu'elle aurait été dans l'impossibilité de faire remplacer les affiches dégradées. Par suite, de tels agissements ne sauraient être regardés comme ayant eu une incidence sur les résultats du scrutin.
3. En troisième lieu, la requérante soutient qu'une affiche électorale de M. LAISNEY a été apposée sur des panneaux d'expression libre pendant la période de réserve, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 49 du code électoral. À supposer cette irrégularité établie, elle constitue cependant un fait isolé qui n'a pu altérer la sincérité du scrutin.
4. En quatrième lieu, la requérante soutient que des « tweets », publiés le 3 juin 2022 par l'équipe de campagne de M. LAISNEY, dénonçant l'agression de l'un de leurs colleurs d'affiches par un membre de l'équipe de campagne de la requérante présentent un caractère diffamatoire. Il résulte toutefois de l'instruction que la requérante a été en mesure d'y répondre, démentant ces allégations dès le 4 juin, et qu'ils ont été retirés le 5 juin 2022. Ces messages ne sauraient ainsi être regardés comme ayant eu une incidence sur les résultats du scrutin. Par ailleurs, le commentaire publié le 21 mai 2022 par Mme Martine STOCKER FEIST, candidate suppléante pour le « Parti animaliste », sur sa page Facebook, pour condamnable qu'il soit, ne saurait davantage, compte tenu de la date à laquelle il est intervenu et de sa suppression rapide, avoir eu une influence sur le résultat du scrutin.
5. En cinquième lieu, si la requérante soutient que la campagne électorale s'est déroulée dans un climat de violence visant à détourner les électeurs de sa candidature, elle se borne à faire état d'un incident entre un candidat du parti « Les Républicains » et un militant de la « NUPES » ainsi que d'un acte de vandalisme sur son véhicule dont l'auteur est inconnu.
6. En dernier lieu, la requérante soutient que M. Olivier DE SOUSA, candidat sous l'étiquette « Divers », se serait prévalu du soutien du parti « La République en marche » dans ses documents de propagande et ses supports de campagne, alors qu'elle seule avait reçu l'investiture de ce parti. Cette manœuvre aurait altéré la sincérité du scrutin.
7. S'il appartient au juge de l'élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l'investiture des candidats par les partis politiques, il ne lui appartient pas de vérifier la régularité de cette investiture au regard des statuts et des règles de fonctionnement des partis politiques.
8. Il résulte de l'instruction que M. DE SOUSA a fait référence sur ses affiches, dans sa profession de foi et sur son bulletin de vote, à « La majorité présidentielle », « La France qui Marche » et « Ensemble ! » et a fait figurer des photographies le représentant en présence du Président de la République. Toutefois, ces agissements n'ont pas empêché Mme DO d'accéder au second tour. En outre, la coalition « Ensemble pour la majorité présidentielle » a publié dès le 23 mai 2022 un communiqué de presse rappelant qu'elle était sa seule candidate dans la 10ème circonscription de Seine-et-Marne et attirant l'attention des électeurs sur la confusion entretenue par certains candidats. Mme DO a relayé cette information auprès des électeurs, en particulier sur sa page Facebook le 7 juin 2022. Par suite, les faits dénoncés ne sont pas susceptibles d'avoir créé dans l'esprit des électeurs une confusion telle que les résultats du scrutin en aient été affectés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme DO doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de Mme Stéphanie DO est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 2 décembre 2022.
JORF n°0282 du 6 décembre 2022, texte n° 94
ECLI : FR : CC : 2022 : 2022.5770.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.3.3.1. Affiches
8.3.3.1.4. Emplacement des affiches
La requérante dénonce l'apposition, entre le 8 et 9 juin 2022, d'autocollants de la coalition la « Nouvelle Union populaire écologique et sociale » sur le mobilier urbain aux alentours de la gare de Chelles en méconnaissance des dispositions de l'article 51 du code électoral. Toutefois, il n'est pas établi que cette violation ait revêtu un caractère massif et qu'elle a pu altérer la sincérité du scrutin.
La requérante soutient qu'une affiche électorale de la candidate élue a été apposée sur des panneaux d'expression libre pendant la période de réserve, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 49 du code électoral. À supposer cette irrégularité établie, elle constitue cependant un fait isolé qui n'a pu altérer la sincérité du scrutin.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.3.3.1. Affiches
8.3.3.1.6. Affiches recouvertes ou lacérées
Contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction que les dégradations et graffitis dont ont fait l'objet les affiches électorales apposées sur les panneaux qui étaient réservés à Mme DO aient présenté un caractère systématique. En outre, la requérante ne démontre pas qu'elle aurait été dans l'impossibilité de faire remplacer les affiches dégradées. Par suite, de tels agissements ne sauraient être regardés comme ayant eu une incidence sur les résultats du scrutin.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.3.3.7. Internet
8.3.3.7.3. Réseaux sociaux
La requérante soutient que des « tweets », publiés le 3 juin 2022 par l'équipe de campagne de la candidate élue dénonçant l'agression de l'un de leurs colleurs d'affiches par un membre de l'équipe de campagne de la requérante présentent un caractère diffamatoire. Il résulte toutefois de l'instruction que la requérante a été en mesure d'y répondre, démentant ces allégations dès le 4 juin, et qu'ils ont été retirés le 5 juin 2022. Ces messages ne sauraient ainsi être regardés comme ayant eu une incidence sur les résultats du scrutin. Par ailleurs, le commentaire publié le 21 mai 2022 par la candidate suppléante pour le « Parti animaliste », sur sa page Facebook, pour condamnable qu'il soit, ne saurait davantage, compte tenu de la date à laquelle il est intervenu et de sa suppression rapide, avoir eu une influence sur le résultat du scrutin.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.2. Manœuvres ou interventions relatives à la situation politique des candidats
8.3.4.2.3. Soutiens
La requérante soutient que M. Olivier DE SOUSA, candidat sous l'étiquette « Divers », se serait prévalu du soutien du parti « La République en marche » dans ses documents de propagande et ses supports de campagne, alors qu'elle seule avait reçu l'investiture de ce parti. Cette manœuvre aurait altéré la sincérité du scrutin. S'il appartient au juge de l'élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l'investiture des candidats par les partis politiques, il ne lui appartient pas de vérifier la régularité de cette investiture au regard des statuts et des règles de fonctionnement des partis politiques.
Il résulte de l'instruction que M. DE SOUSA a fait référence sur ses affiches, dans sa profession de foi et sur son bulletin de vote, à « La majorité présidentielle », « La France qui Marche » et « Ensemble ! » et a fait figurer des photographies le représentant en présence du Président de la République. Toutefois, ces agissements n'ont pas empêché Mme DO d'accéder au second tour. En outre, la coalition « Ensemble pour la majorité présidentielle » a publié dès le 23 mai 2022 un communiqué de presse rappelant qu'elle était sa seule candidate dans la 10ème circonscription de Seine-et-Marne et attirant l'attention des électeurs sur la confusion entretenue par certains candidats. La requérante a relayé cette information auprès des électeurs, en particulier sur sa page Facebook le 7 juin 2022. Par suite, les faits dénoncés ne sont pas susceptibles d'avoir créé dans l'esprit des électeurs une confusion telle que les résultats du scrutin en aient été affectés.