Décision n° 2022-5768 AN du 2 décembre 2022
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 juin 2022 d'une requête présentée par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, pour Mme Laure MILLER, candidate à l'élection qui s'est déroulée dans la 2ème circonscription du département de la Marne, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5768 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les mémoires complémentaire et en réplique présentés pour Mme MILLER par Me Azouaou, enregistrés le 19 août, le 14 octobre et le 14 novembre 2022 ;
- les mémoires en défense présentés pour Mme Anne-Sophie FRIGOUT, députée, par Me Maxime Thiébaut, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 17 septembre et le 2 novembre 2022 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 13 octobre 2022 approuvant après réformation le compte de campagne de Mme FRIGOUT ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu les parties et leurs conseils ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme FRIGOUT :
1. En apposant sa signature sur le mémoire complémentaire présenté par son avocat, Mme MILLER a régularisé sa requête. Elle a donné un mandat écrit à son conseil pour qu'il produise les mémoires ultérieurs de la procédure. Ainsi elle n'a pas méconnu les prescriptions de l'article 3 du règlement susvisé applicable à la procédure devant le Conseil constitutionnel.
- Sur la demande d'annulation des opérations électorales :
2. En vertu de l'article L. 52-3 du code électoral, les bulletins de vote ne peuvent pas comporter d'autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels. L'article R. 66-2 du même code dispose que sont nuls et n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement les bulletins non conformes aux dispositions de l'article L. 52-3.
3. La méconnaissance de ces dispositions justifie l'annulation des bulletins lorsque l'adjonction d'un ou plusieurs noms à ceux limitativement énumérés par ce texte a été susceptible d'entraîner une confusion dans l'esprit des électeurs et présente ainsi le caractère d'une manœuvre destinée à abuser le corps électoral.
4. Il ressort des pièces du dossier que les bulletins au nom de Mme MILLER pour le premier tour de scrutin envoyés aux électeurs après validation par la commission de propagande comportaient, sous la mention de son nom, la mention « LA CANDIDATE OFFICIELLE D'EMMANUEL MACRON », en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-3 du code électoral. Si Mme MILLER a ultérieurement adressé directement aux bureaux de vote de la circonscription une nouvelle version de son bulletin de vote expurgée de la mention litigieuse, laquelle a été mise à disposition des électeurs dans les bureaux de vote, 965 bulletins comportant la mention irrégulière, utilisés par des électeurs, ont été comptabilisés comme nuls pour ce motif par la commission de recensement à l'issue du scrutin du 12 juin 2022. Par suite, c'est à bon droit que cette dernière a écarté les bulletins litigieux.
5. Toutefois, en l'absence de doute sur l'intention des électeurs qui les ont utilisés et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation des bulletins litigieux ait résulté d'une manœuvre, le vote de ces électeurs a été privé de portée utile.
6. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du faible écart de voix entre les trois candidats arrivés en tête, l'absence de prise en compte des bulletins irréguliers du décompte des voix a eu pour effet de modifier l'identité des candidats qualifiés pour le second tour de scrutin, altérant ainsi la sincérité du scrutin.
7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler les opérations électorales contestées.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 2ème circonscription du département de la Marne les 12 et 19 juin 2022 sont annulées.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 2 décembre 2022.
JORF n°0282 du 6 décembre 2022, texte n° 93
ECLI : FR : CC : 2022 : 2022.5768.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.3.3.2. Bulletins
8.3.3.2.3. Contenu et format des bulletins
En vertu de l'article L. 52-3 du code électoral, les bulletins de vote ne peuvent pas comporter d'autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels. L'article R. 66-2 du même code dispose que sont nuls et n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement les bulletins non conformes aux dispositions de l'article L. 52-3. La méconnaissance de ces dispositions justifie l'annulation des bulletins lorsque l'adjonction d'un ou plusieurs noms à ceux limitativement énumérés par ce texte a été susceptible d'entraîner une confusion dans l'esprit des électeurs et présente ainsi le caractère d'une manœuvre destinée à abuser le corps électoral.
Il ressort des pièces du dossier que les bulletins au nom de Mme MILLER pour le premier tour de scrutin envoyés aux électeurs après validation par la commission de propagande comportaient, sous la mention de son nom, la mention « LA CANDIDATE OFFICIELLE D'EMMANUEL MACRON », en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-3 du code électoral. Si Mme MILLER a ultérieurement adressé directement aux bureaux de vote de la circonscription une nouvelle version de son bulletin de vote expurgée de la mention litigieuse, laquelle a été mise à disposition des électeurs dans les bureaux de vote, 965 bulletins comportant la mention irrégulière, utilisés par des électeurs, ont été comptabilisés comme nuls pour ce motif par la commission de recensement à l'issue du scrutin du 12 juin 2022. Par suite, c'est à bon droit que cette dernière a écarté les bulletins litigieux.
Toutefois, en l'absence de doute sur l'intention des électeurs qui les ont utilisés et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation des bulletins litigieux ait résulté d'une manœuvre, le vote de ces électeurs a été privé de portée utile. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du faible écart de voix entre les trois candidats arrivés en tête, l'absence de prise en compte des bulletins irréguliers du décompte des voix a eu pour effet de modifier l'identité des candidats qualifiés pour le second tour de scrutin, altérant ainsi la sincérité du scrutin.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.8. Contentieux - Recevabilité
- 8.3.8.1. Dépôt de la requête
- 8.3.8.1.5. Formes de la requête
8.3.8.1.5.2. Signature
En apposant sa signature sur le mémoire complémentaire présenté par son avocat, la requérante a régularisé sa requête. Elle a donné un mandat écrit à son conseil pour qu'il produise les mémoires ultérieurs de la procédure. Ainsi elle n'a pas méconnu les prescriptions de l'article 3 du règlement applicable à la procédure devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
8.3.11.3.4. Organisation du scrutin
En vertu de l'article L. 52-3 du code électoral, les bulletins de vote ne peuvent pas comporter d'autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels. L'article R. 66-2 du même code dispose que sont nuls et n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement les bulletins non conformes aux dispositions de l'article L. 52-3. La méconnaissance de ces dispositions justifie l'annulation des bulletins lorsque l'adjonction d'un ou plusieurs noms à ceux limitativement énumérés par ce texte a été susceptible d'entraîner une confusion dans l'esprit des électeurs et présente ainsi le caractère d'une manœuvre destinée à abuser le corps électoral.
Il ressort des pièces du dossier que les bulletins au nom de Mme MILLER pour le premier tour de scrutin envoyés aux électeurs après validation par la commission de propagande comportaient, sous la mention de son nom, la mention « LA CANDIDATE OFFICIELLE D'EMMANUEL MACRON », en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-3 du code électoral. Si Mme MILLER a ultérieurement adressé directement aux bureaux de vote de la circonscription une nouvelle version de son bulletin de vote expurgée de la mention litigieuse, laquelle a été mise à disposition des électeurs dans les bureaux de vote, 965 bulletins comportant la mention irrégulière, utilisés par des électeurs, ont été comptabilisés comme nuls pour ce motif par la commission de recensement à l'issue du scrutin du 12 juin 2022. Par suite, c'est à bon droit que cette dernière a écarté les bulletins litigieux.
Toutefois, en l'absence de doute sur l'intention des électeurs qui les ont utilisés et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation des bulletins litigieux ait résulté d'une manœuvre, le vote de ces électeurs a été privé de portée utile. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du faible écart de voix entre les trois candidats arrivés en tête, l'absence de prise en compte des bulletins irréguliers du décompte des voix a eu pour effet de modifier l'identité des candidats qualifiés pour le second tour de scrutin, altérant ainsi la sincérité du scrutin.