Décision

Décision n° 2022-1001 QPC du 1er juillet 2022

Société Lorraine services [Amende fiscale contre les tiers déclarants II]
Non lieu à statuer

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 avril 2022 par le Conseil d'État (décision n° 458429 du 25 avril 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Lorraine services par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-1001 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1 du paragraphe I de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code général des impôts ;
  • la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ;
  • la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-267 QPC du 20 juillet 2012 ;
  • les décisions du Conseil constitutionnel nos 2016-554 QPC du 22 juillet 2016, 2016-618 QPC du 16 mars 2017, 2017-667 QPC du 27 octobre 2017 et 2021-908 QPC du 26 mai 2021 ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les premières observations présentées pour la société requérante par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 18 mai 2022 ;
  • les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations présentées pour la société requérante par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 1er juin 2022 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 14 juin 2022 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Le 1 du paragraphe I de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2005 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite ».

2. La société requérante soutient que, si ces dispositions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 20 juillet 2012 mentionnée ci-dessus, il résulterait des décisions du 22 juillet 2016, du 16 mars 2017, du 27 octobre 2017 et du 26 mai 2021 mentionnées ci-dessus un changement des circonstances justifiant leur réexamen. En effet, selon elle, dans ces décisions, le Conseil constitutionnel aurait modifié sa jurisprudence relative au principe de proportionnalité des peines en matière de sanctions fiscales dont le montant procède de l'application d'un taux à une assiette.

3. Sur le fond, la société requérante reproche à ces dispositions de méconnaître le principe de proportionnalité des peines dès lors qu'elles répriment le seul fait pour une personne d'avoir manqué à son obligation de déclarer certaines sommes versées à des contribuables d'une amende dont le montant, non plafonné, est fixé à 50 % des sommes non déclarées, quand bien même un tel manquement ne serait pas intentionnel et les sommes versées n'auraient pas été soustraites frauduleusement à l'impôt. Selon elle, ces dispositions méconnaîtraient également les principes d'égalité devant la loi et devant la justice dans la mesure où elles permettraient à l'administration de choisir discrétionnairement les déclarants auxquels elle peut demander de réparer leur omission.

4. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qu'il a déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement des circonstances.

5. Dans sa décision du 20 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné le 1 du paragraphe I de l'article 1736 du code général des impôts, dans la rédaction contestée par la société requérante. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision.

6. Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines, le Conseil constitutionnel a notamment jugé que ces dispositions visent à permettre à l'administration fiscale de procéder aux recoupements nécessaires au contrôle du respect, par les bénéficiaires de versements, de leurs obligations fiscales. Il a également considéré que le législateur avait proportionné la sanction en fonction de la gravité des manquements réprimés et que le taux retenu n'était pas manifestement disproportionné.

7. Il ne résulte pas des décisions rendues postérieurement par le Conseil constitutionnel une modification de la portée du principe de proportionnalité des peines lorsqu'il s'applique à une sanction fiscale dont le montant procède de l'application d'un taux à une assiette.

8. Dès lors, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le 1 du paragraphe I de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juin 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.

Rendu public le 1er juillet 2022.

JORF n°0152 du 2 juillet 2022, texte n° 66
ECLI : FR : CC : 2022 : 2022.1001.QPC

Les abstracts

  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.5. Sens et portée de la décision
  • 11.6.5.1. Non-lieu à statuer

Dans sa décision n° 2012-267 QPC du 20 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné le 1 du paragraphe I de l'article 1736 du code général des impôts, dans la rédaction contestée par la société requérante. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision. Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines, le Conseil constitutionnel a notamment jugé que ces dispositions visent à permettre à l'administration fiscale de procéder aux recoupements nécessaires au contrôle du respect, par les bénéficiaires de versements, de leurs obligations fiscales. Il a également considéré que le législateur avait proportionné la sanction en fonction de la gravité des manquements réprimés et que le taux retenu n'était pas manifestement disproportionné. Il ne résulte pas des décisions rendues postérieurement par le Conseil constitutionnel une modification de la portée du principe de proportionnalité des peines lorsqu'il s'applique à une sanction fiscale dont le montant procède de l'application d'un taux à une assiette. Dès lors, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

(2022-1001 QPC, 01 juillet 2022, cons. 5, 6, 7, 8, JORF n°0152 du 2 juillet 2022, texte n° 66)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.7. Autorité des décisions du Conseil constitutionnel
  • 11.8.7.1. Hypothèses où la chose jugée est opposée
  • 11.8.7.1.1. Contentieux des normes
  • 11.8.7.1.1.4. Contentieux de l'article 61-1 (contrôle a posteriori)
  • 11.8.7.1.1.4.1. Refus de reconnaître un changement des circonstances

Dans sa décision n° 2012-267 QPC du 20 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné le 1 du paragraphe I de l'article 1736 du code général des impôts, dans la rédaction contestée par la société requérante. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision. Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines, le Conseil constitutionnel a notamment jugé que ces dispositions visent à permettre à l'administration fiscale de procéder aux recoupements nécessaires au contrôle du respect, par les bénéficiaires de versements, de leurs obligations fiscales. Il a également considéré que le législateur avait proportionné la sanction en fonction de la gravité des manquements réprimés et que le taux retenu n'était pas manifestement disproportionné. Il ne résulte pas des décisions rendues postérieurement par le Conseil constitutionnel une modification de la portée du principe de proportionnalité des peines lorsqu'il s'applique à une sanction fiscale dont le montant procède de l'application d'un taux à une assiette. Dès lors, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

(2022-1001 QPC, 01 juillet 2022, cons. 5, 6, 7, 8, JORF n°0152 du 2 juillet 2022, texte n° 66)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi CE, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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