Décision

Décision n° 2021-927 QPC du 14 septembre 2021

Ligue des droits de l'homme [Transmission de rapports particuliers par les procureurs à leur autorité hiérarchique]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 juin 2021 par le Conseil d'État (décision n° 450789 du 9 juin 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association Ligue des droits de l'homme par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-927 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale et du deuxième alinéa de l'article 39-1 du même code.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
  • le code de procédure pénale ;
  • la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations en intervention présentées pour M. Thierry M. par la SCP Spinosi, enregistrées le 18 juin 2021 ;
  • les observations en intervention présentées pour M. Thierry S. par la SCP Spinosi, enregistrées le 28 juin 2021 ;
  • les observations en intervention présentées pour M. Christian T. par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ;
  • les observations présentées pour l'association requérante par la SCP Spinosi, enregistrées le 29 juin 2021 ;
  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 30 juin 2021 ;
  • les observations en intervention présentées pour l'association des avocats pénalistes par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ;
  • les observations en intervention présentées pour le Conseil national des barreaux par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;
  • les observations en intervention présentées pour le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations présentées pour l'association requérante par la SCP Spinosi, enregistrées le 15 juillet 2021 ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour M. Thierry M. par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour M. Thierry S. par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour M. Christian T. par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, enregistrées le même jour ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Marie-Alix Canu-Bernard, avocate au barreau de Paris, pour l'association requérante et M. Thierry M., Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association requérante, M. Thierry M. et l'association des avocats pénalistes, Me Kiril Bougartchev, avocat au barreau de Paris, pour M. Christian T., Me Jean Reinhart, avocat au barreau de Paris, pour M. Thierry S., Me Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le Conseil national des barreaux, le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 7 septembre 2021 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale et du deuxième alinéa de l'article 39-1 du même code dans leur rédaction résultant de la loi du 25 juillet 2013 mentionnée ci-dessus.

2. Le troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit :
« Outre les rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande du ministre de la justice, le procureur général adresse à ce dernier un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ainsi qu'un rapport annuel sur l'activité et la gestion des parquets de son ressort ».

3. Le deuxième alinéa de l'article 39-1 du même code, dans cette rédaction, prévoit :
« Outre les rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande du procureur général, le procureur de la République adresse à ce dernier un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ainsi qu'un rapport annuel sur l'activité et la gestion de son parquet ».

4. L'association requérante, rejointe par les parties intervenantes, reproche à ces dispositions de permettre la communication au ministre de la justice de rapports particuliers portant sur des procédures judiciaires en cours. Faute d'encadrer ces transmissions d'informations, ces dispositions lui permettraient d'intervenir dans le déroulement de ces procédures et d'exercer une pression sur les magistrats du parquet, à l'égard desquels il détient un pouvoir de nomination et de sanction. Il en résulterait une méconnaissance des principes d'indépendance de l'autorité judiciaire et de la séparation des pouvoirs, en raison notamment de l'atteinte ainsi portée au libre exercice de l'action publique par les magistrats du parquet.

5. L'association requérante et certaines parties intervenantes soutiennent en outre qu'en permettant la transmission d'informations au ministre de la justice dans certaines affaires, ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la justice.

6. Enfin, l'association requérante et les parties intervenantes estiment que le législateur aurait méconnu, pour les mêmes motifs, l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences précitées.

7. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « outre les rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande » figurant au troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale.

- Sur les normes de référence :

8. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

9. En vertu de l'article 20 de la Constitution, le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation, notamment en ce qui concerne les domaines d'action du ministère public.

10. Aux termes du premier alinéa de l'article 64 de la Constitution : « Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire ». Il découle de l'indépendance de l'autorité judiciaire, à laquelle appartiennent les magistrats du parquet, un principe selon lequel le ministère public exerce librement, en recherchant la protection des intérêts de la société, son action devant les juridictions.

11. Aux termes du quatrième alinéa de l'article 64 de la Constitution : « Les magistrats du siège sont inamovibles ».

12. Selon les quatrième à septième alinéas de l'article 65 de la Constitution : « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège »

13. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la Constitution consacre l'indépendance des magistrats du parquet, dont découle le libre exercice de leur action devant les juridictions, que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du Gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège.

- Sur la constitutionnalité des dispositions contestées :

14. En application des dispositions contestées, le ministre de la justice peut être rendu destinataire de rapports particuliers par lesquels les procureurs généraux, à sa demande ou à l'initiative de ces derniers, lui communiquent des informations pouvant porter sur certaines procédures judiciaires en cours dans les juridictions de leur ressort.

15. Toutefois, d'une part, il résulte des travaux parlementaires que ces dispositions ont pour seul objet de permettre au ministre de la justice, chargé de conduire la politique pénale déterminée par le Gouvernement, de disposer d'une information fiable et complète sur le fonctionnement de la justice au regard, notamment, de la nécessité d'assurer sur tout le territoire de la République l'égalité des citoyens devant la loi. Ce faisant, elles mettent en œuvre les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution.

16. D'autre part, le troisième alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale dispose que le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des affaires individuelles. Cette interdiction s'applique y compris lorsque celui-ci sollicite ou se voit transmettre des rapports particuliers.

17. Au surplus, en vertu de l'article 31 du même code, le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi, dans le respect du principe d'impartialité auquel il est tenu. En application de l'article 33, il développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice. Il résulte en outre des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 mentionnée ci-dessus que, devant toute juridiction, la parole des magistrats du parquet à l'audience est libre. L'article 39-3 du code de procédure pénale confie au procureur de la République la mission de veiller à ce que les investigations de police judiciaire tendent à la manifestation de la vérité et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. Enfin, conformément à l'article 40-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République décide librement de l'opportunité d'engager des poursuites.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées assurent une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution. Elles ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs. Pour les mêmes motifs, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence doit être écarté.

19. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité devant la justice, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Les mots « outre les rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande » figurant au troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique, sont conformes à la Constitution.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 septembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 14 septembre 2021.

JORF n°0216 du 16 septembre 2021, texte n° 75
ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.927.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.6. Séparation des pouvoirs

Il résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789, ainsi que de l'article 20, des premier et quatrième alinéa de l'article 64 et des quatrième à septième alinéas de l'article 65 de la Constitution que cette dernière consacre l'indépendance des magistrats du parquet, dont découle le libre exercice de leur action devant les juridictions, que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du Gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège.
En application des dispositions contestées du troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale, le ministre de la justice peut être rendu destinataire de rapports particuliers par lesquels les procureurs généraux, à sa demande ou à l'initiative de ces derniers, lui communiquent des informations pouvant porter sur certaines procédures judiciaires en cours dans les juridictions de leur ressort.
Toutefois, d'une part, il résulte des travaux parlementaires que ces dispositions ont pour seul objet de permettre au ministre de la justice, chargé de conduire la politique pénale déterminée par le Gouvernement, de disposer d'une information fiable et complète sur le fonctionnement de la justice au regard, notamment, de la nécessité d'assurer sur tout le territoire de la République l'égalité des citoyens devant la loi. Ce faisant, elles mettent en œuvre les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution.
D'autre part, le troisième alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale dispose que le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des affaires individuelles. Cette interdiction s'applique y compris lorsque celui-ci sollicite ou se voit transmettre des rapports particuliers.
Au surplus, en vertu de l'article 31 du même code, le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi, dans le respect du principe d'impartialité auquel il est tenu. En application de l'article 33, il développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice. Il résulte en outre des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 mentionnée ci-dessus que, devant toute juridiction, la parole des magistrats du parquet à l'audience est libre. L'article 39-3 du code de procédure pénale confie au procureur de la République la mission de veiller à ce que les investigations de police judiciaire tendent à la manifestation de la vérité et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. Enfin, conformément à l'article 40-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République décide librement de l'opportunité d'engager des poursuites.
Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées assurent une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution. Elles ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs. Pour les mêmes motifs, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence doit être écarté.

(2021-927 QPC, 14 septembre 2021, cons. 14, 15, 16, 17, 18, JORF n°0216 du 16 septembre 2021, texte n° 75)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition renvoyée.

(2021-927 QPC, 14 septembre 2021, cons. 7, JORF n°0216 du 16 septembre 2021, texte n° 75)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.2. Détermination de la version de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La rédaction de la disposition renvoyée n'ayant pas été déterminée, le Conseil constitutionnel y procède en déterminant la rédaction applicable au litige.

(2021-927 QPC, 14 septembre 2021, cons. 1, JORF n°0216 du 16 septembre 2021, texte n° 75)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.7. EXAMEN DE LA CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.7.2. Conditions de prise en compte d'éléments extrinsèques au texte de la loi
  • 11.7.2.2. Référence aux travaux préparatoires
  • 11.7.2.2.3. Référence aux travaux préparatoires de la loi déférée

Il résulte des travaux parlementaires que les dispositions contestées du troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale, en application desquelles le ministre de la justice peut être rendu destinataire de rapports particuliers par lesquels les procureurs généraux, à sa demande ou à l'initiative de ces derniers, lui communiquent des informations pouvant porter sur certaines procédures judiciaires en cours dans les juridictions de leur ressort, ont pour seul objet de permettre au ministre de la justice, chargé de conduire la politique pénale déterminée par le Gouvernement, de disposer d'une information fiable et complète sur le fonctionnement de la justice au regard, notamment, de la nécessité d'assurer sur tout le territoire de la République l'égalité des citoyens devant la loi. Ce faisant, elles mettent en œuvre les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution.

(2021-927 QPC, 14 septembre 2021, cons. 15, JORF n°0216 du 16 septembre 2021, texte n° 75)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.2. STATUTS DES JUGES ET DES MAGISTRATS
  • 12.2.1. Principes constitutionnels relatifs aux statuts
  • 12.2.1.1. Indépendance statutaire

Il résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789, ainsi que de l'article 20, des premier et quatrième alinéas de l'article 64 et des quatrième à septième alinéas de l'article 65 de la Constitution que cette dernière consacre l'indépendance des magistrats du parquet, dont découle le libre exercice de leur action devant les juridictions, que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du Gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège.
En application des dispositions contestées du troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale, le ministre de la justice peut être rendu destinataire de rapports particuliers par lesquels les procureurs généraux, à sa demande ou à l'initiative de ces derniers, lui communiquent des informations pouvant porter sur certaines procédures judiciaires en cours dans les juridictions de leur ressort.
Toutefois, d'une part, il résulte des travaux parlementaires que ces dispositions ont pour seul objet de permettre au ministre de la justice, chargé de conduire la politique pénale déterminée par le Gouvernement, de disposer d'une information fiable et complète sur le fonctionnement de la justice au regard, notamment, de la nécessité d'assurer sur tout le territoire de la République l'égalité des citoyens devant la loi. Ce faisant, elles mettent en œuvre les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution.
D'autre part, le troisième alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale dispose que le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des affaires individuelles. Cette interdiction s'applique y compris lorsque celui-ci sollicite ou se voit transmettre des rapports particuliers.
Au surplus, en vertu de l'article 31 du même code, le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi, dans le respect du principe d'impartialité auquel il est tenu. En application de l'article 33, il développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice. Il résulte en outre des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 mentionnée ci-dessus que, devant toute juridiction, la parole des magistrats du parquet à l'audience est libre. L'article 39-3 du code de procédure pénale confie au procureur de la République la mission de veiller à ce que les investigations de police judiciaire tendent à la manifestation de la vérité et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. Enfin, conformément à l'article 40-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République décide librement de l'opportunité d'engager des poursuites.
Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées assurent une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution. Elles ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs. Pour les mêmes motifs, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence doit être écarté.

(2021-927 QPC, 14 septembre 2021, cons. 14, 15, 16, 17, 18, JORF n°0216 du 16 septembre 2021, texte n° 75)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.3. ORGANISATION DES JURIDICTIONS
  • 12.3.1. Composition
  • 12.3.1.1. Juridictions de droit commun
  • 12.3.1.1.1. Ministère public

Il résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789, ainsi que de l'article 20, des premier et quatrième alinéas de l'article 64 et des quatrième à septième alinéas de l'article 65 de la Constitution que cette dernière consacre l'indépendance des magistrats du parquet, dont découle le libre exercice de leur action devant les juridictions, que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du Gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège.
En application des dispositions contestées du troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale, le ministre de la justice peut être rendu destinataire de rapports particuliers par lesquels les procureurs généraux, à sa demande ou à l'initiative de ces derniers, lui communiquent des informations pouvant porter sur certaines procédures judiciaires en cours dans les juridictions de leur ressort.
Toutefois, d'une part, il résulte des travaux parlementaires que ces dispositions ont pour seul objet de permettre au ministre de la justice, chargé de conduire la politique pénale déterminée par le Gouvernement, de disposer d'une information fiable et complète sur le fonctionnement de la justice au regard, notamment, de la nécessité d'assurer sur tout le territoire de la République l'égalité des citoyens devant la loi. Ce faisant, elles mettent en œuvre les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution.
D'autre part, le troisième alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale dispose que le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des affaires individuelles. Cette interdiction s'applique y compris lorsque celui-ci sollicite ou se voit transmettre des rapports particuliers.
Au surplus, en vertu de l'article 31 du même code, le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi, dans le respect du principe d'impartialité auquel il est tenu. En application de l'article 33, il développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice. Il résulte en outre des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 mentionnée ci-dessus que, devant toute juridiction, la parole des magistrats du parquet à l'audience est libre. L'article 39-3 du code de procédure pénale confie au procureur de la République la mission de veiller à ce que les investigations de police judiciaire tendent à la manifestation de la vérité et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. Enfin, conformément à l'article 40-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République décide librement de l'opportunité d'engager des poursuites.
Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées assurent une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution. Elles ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs. Pour les mêmes motifs, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence doit être écarté.

(2021-927 QPC, 14 septembre 2021, cons. 14, 15, 16, 17, 18, JORF n°0216 du 16 septembre 2021, texte n° 75)
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