Décision

Décision n° 2021-905 QPC du 7 mai 2021

Section française de l'observatoire international des prisons [Procédure d'exécution sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne d'une peine privative de liberté prononcée par une juridiction française]
Non conformité totale - effet différé

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 février 2021 par le Conseil d'État (décision n° 446531 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association Section française de l'observatoire international des prisons par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-905 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 728-10 et 728-12 à 728-22 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, et de l'article 728-11 du même code.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne ;
  • le code de procédure pénale ;
  • la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France ;
  • la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour l'association requérante par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 mars 2021 ;
  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations présentées pour l'association requérante par Me Spinosi, enregistrées le 25 mars 2021 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Spinosi pour l'association requérante et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 20 avril 2021 ;

Au vu de la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 3 mai 2021 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi, pour celle des dispositions dont la rédaction n'a pas été précisée, de l'article 728-11 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 17 août 2015 mentionnée ci-dessus.

2. L'article 728-10 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2013 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le présent chapitre détermine les règles applicables, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, à la reconnaissance et à l'exécution, dans un État membre de l'Union européenne, des condamnations pénales définitives à une peine ou à une mesure de sûreté privative de liberté prononcées par les juridictions françaises ainsi qu'à la reconnaissance et à l'exécution en France de telles condamnations prononcées par les juridictions d'un autre État membre.
« L'État sur le territoire duquel a été prononcée la décision est appelé État de condamnation. L'État auquel est demandée l'exécution de cette décision sur son territoire est appelé État d'exécution ».

3. L'article 728-11 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 août 2015, prévoit : « Une décision de condamnation prononcée par une juridiction française ou une juridiction d'un État membre peut être transmise, selon le cas, par l'autorité française compétente aux fins de reconnaissance et d'exécution dans l'État d'exécution ou à cette autorité aux fins de reconnaissance et d'exécution en France si la personne condamnée se trouve sur le territoire français ou celui de l'autre État membre et dans les cas suivants :
« 1 ° La personne condamnée est un ressortissant de l'État d'exécution et a sa résidence habituelle sur le territoire de cet État ou, lorsque la France est l'État d'exécution, est un ressortissant français ;
« 2 ° La personne condamnée est un ressortissant de l'État d'exécution ou, lorsque la France est l'État d'exécution, un ressortissant français et fait l'objet, en vertu de la décision de condamnation ou de toute autre décision judiciaire ou administrative, d'une mesure d'éloignement vers le territoire de l'État dont elle est ressortissante, applicable à sa libération ;
« 3 ° La personne condamnée, quelle que soit sa nationalité, ainsi que l'autorité compétente de l'État d'exécution ou, lorsque la France est État d'exécution, l'autorité compétente française consentent à l'exécution de la décision de la condamnation faisant l'objet de la transmission.
« Dans le cas prévu au 3 °, le consentement de la personne condamnée n'est pas requis lorsqu'elle s'est réfugiée sur le territoire de l'État d'exécution ou, lorsque la France est État d'exécution, sur le territoire français ou y est retournée en raison de sa condamnation ou des investigations et des poursuites ayant abouti à celle-ci.
« Dans le cas prévu au 3 ° et lorsque la France est État d'exécution, l'autorité compétente ne peut consentir à l'exécution de la peine sur le territoire français que lorsque la personne condamnée y réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans ».

4. L'article 728-12 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2013, prévoit : « Toute décision de condamnation transmise en application du présent chapitre aux fins de reconnaissance et d'exécution sur le territoire français ou sur celui d'un autre État membre ou toute demande de transit est accompagnée d'un certificat précisant notamment :
« 1 ° La désignation de l'État de condamnation et de la juridiction ayant rendu la décision de condamnation ;
« 2 ° L'identité de la personne à l'encontre de laquelle la décision de condamnation a été rendue, l'adresse de son ou ses derniers domiciles connus et l'indication qu'elle se trouve dans l'État de condamnation ou dans l'État d'exécution ;
« 3 ° La date de la décision de condamnation et celle à laquelle cette décision est devenue définitive ;
« 4 ° Les motifs de la transmission de la décision de condamnation au regard de l'article 728-11 ;
« 5 ° La date, le lieu et les circonstances dans lesquels la ou les infractions ont été commises ainsi que la nature, la qualification juridique et une description complète des faits ;
« 6 ° La nature de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté à exécuter, sa durée totale, la part déjà exécutée et la date prévue de fin d'exécution ;
« 7 ° L'indication, le cas échéant, du consentement de la personne condamnée à la transmission de la décision de condamnation ;
« 8 ° Les observations éventuelles de la personne condamnée sur la transmission de la décision de condamnation.
« Le certificat est signé par l'autorité compétente de l'État de condamnation, qui atteste l'exactitude des informations y étant contenues ».

5. L'article 728-13 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Le retrait du certificat vaut retrait de la demande de reconnaissance et d'exécution et fait obstacle à la mise à exécution de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté en application du présent chapitre ».

6. L'article 728-14 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « La transmission de la décision de condamnation, de la demande de transit, du certificat et de toutes les pièces relatives à l'exécution de la condamnation ainsi que tout échange relatif à celle-ci s'effectuent directement, selon le cas, avec les autorités compétentes de l'État de condamnation ou celles de l'État d'exécution, par tout moyen laissant une trace écrite et dans des conditions permettant au destinataire de vérifier l'authenticité des pièces transmises ».

7. L'article 728-15 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Le représentant du ministère public près la juridiction ayant prononcé la décision de condamnation est compétent pour transmettre à l'autorité compétente d'un autre État membre de l'Union européenne, aux fins qu'elle reconnaisse cette décision et la ramène à exécution, une copie de celle-ci et, après l'avoir établi et signé, le certificat prévu à l'article 728-12.
« Il peut procéder à cette transmission d'office ou à la demande de l'autorité compétente de l'État d'exécution ou de la personne condamnée.
« Il peut décider la transmission lorsque les conditions prévues à l'article 728-11 sont réunies et qu'il a acquis la certitude que l'exécution de la condamnation sur le territoire de l'autre État membre facilitera la réinsertion sociale de l'intéressé ».

8. L'article 728-16 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Avant de procéder à la transmission de la décision de condamnation et du certificat, le représentant du ministère public peut consulter l'autorité compétente de l'État d'exécution afin de déterminer, notamment, si l'exécution de la condamnation sur le territoire de celui-ci est de nature à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée. Une telle consultation est obligatoire dans les cas autres que ceux visés aux 1 ° et 2 ° de l'article 728-11 ».

9. L'article 728-17 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Lorsque la personne condamnée se trouve sur le territoire français, le représentant du ministère public procède ou fait procéder à son audition aux fins de recueillir ses observations orales ou écrites sur la transmission envisagée. Il recueille son consentement lorsque celui-ci est requis en application du 3 ° de l'article 728-11. Si la personne condamnée est mineure ou si elle fait l'objet d'une mesure de protection, il procède ou fait procéder, en outre, à l'audition de la personne chargée de la représenter ou de l'assister. Il est dressé procès-verbal des auditions. Le cas échéant, la personne chargée d'assister ou de représenter le mineur ou la personne faisant l'objet d'une mesure de protection peut faire part de ses observations orales ou écrites, qui sont jointes au dossier.
« Lorsque la personne condamnée ou la personne chargée de la représenter ou de l'assister en raison de sa minorité ou d'une mesure de protection se trouve sur le territoire de l'État d'exécution, le ministère public demande à l'autorité compétente de cet État de procéder aux auditions prévues au premier alinéa du présent article ».

10. L'article 728-18 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Si le représentant du ministère public décide de transmettre la décision de condamnation et le certificat à l'autorité compétente de l'État d'exécution, il en informe la personne condamnée dans une langue qu'elle comprend. Il l'informe en outre :
« 1 ° Que, en cas d'exécution de la condamnation sur le territoire de cet État, l'exécution de la peine sera régie par sa législation qui déterminera ainsi, notamment, les conditions d'une libération anticipée ou conditionnelle ;
« 2 ° Que la période de privation de liberté déjà subie au titre de la condamnation sera déduite de la peine restant à exécuter ;
« 3 ° Que l'autorité compétente de l'État d'exécution peut décider d'adapter la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté prononcée si, par sa durée ou sa nature, elle est incompatible avec la législation de cet État ;
« 4 ° Que l'adaptation de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté par l'État d'exécution ne peut avoir pour effet de l'aggraver.
« Il est dressé procès-verbal de la formalité prévue au présent article.
« Si la personne condamnée se trouve sur le territoire de l'État d'exécution, le représentant du ministère public demande à l'autorité compétente de cet État de procéder à cette formalité ».

11. L'article 728-19 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Le représentant du ministère public transmet à l'autorité compétente de l'État d'exécution une copie certifiée conforme de la décision de condamnation ainsi que l'original ou une copie du certificat mentionné à l'article 728-12 et, le cas échéant, une copie du procès-verbal d'audition de la personne condamnée et du procès-verbal d'audition de la personne chargée de la représenter ou de l'assister.
« Il transmet, en outre, à cette autorité une traduction du certificat soit dans la langue officielle ou dans une des langues officielles de l'État d'exécution, soit dans l'une des langues officielles des institutions de l'Union européenne acceptées par cet État. Sur demande de l'autorité compétente de l'État d'exécution, il fait établir et transmet la traduction, dans les mêmes conditions, de la décision de condamnation ou des parties essentielles de cette décision.
« Sur demande de l'autorité compétente de l'État d'exécution, la copie certifiée conforme de la décision de condamnation et l'original du certificat lui sont adressés dans les meilleurs délais ».

12. L'article 728-20 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Lorsque la personne condamnée se trouve sur le territoire de l'État d'exécution, le ministère public peut demander à l'autorité compétente de cet État, lors de la transmission de la décision de condamnation et du certificat, de procéder à l'arrestation provisoire de la personne condamnée ou de prendre toute mesure permettant d'assurer son maintien sur le territoire de cet État dans l'attente de la décision de reconnaissance et d'exécution.
« En cas d'urgence, si le représentant du ministère public n'est pas en mesure d'adresser le certificat à l'autorité compétente de l'État d'exécution, il lui transmet les informations mentionnées aux 1 ° à 6 ° de l'article 728-12 ».

13. L'article 728-21 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Lorsque le représentant du ministère public est consulté par l'autorité compétente de l'État d'exécution sur une reconnaissance partielle de la décision de condamnation, il examine, après avoir envisagé en lien avec cette autorité les modalités possibles d'une telle solution, si un accord peut être trouvé.
« L'exécution partielle de la décision de condamnation ne peut avoir pour conséquence d'accroître la durée de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté.
« S'il approuve les modalités d'exécution partielle envisagées, le représentant du ministère public donne son accord. Dans le cas contraire, il retire le certificat ».

14. L'article 728-22 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Tant que l'exécution de la peine n'a pas commencé, le représentant du ministère public peut, à tout moment, décider de retirer le certificat. Il indique à l'autorité compétente de l'État d'exécution le motif de ce retrait.
« Le certificat est retiré, notamment, lorsque :
« 1 ° L'autorité compétente de l'État d'exécution ayant émis, postérieurement à la transmission de la décision de condamnation, un avis motivé selon lequel l'exécution de la condamnation ne contribuerait pas à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, le représentant du ministère public estime cet avis fondé ;
« 2 ° L'autorité compétente de l'État d'exécution l'ayant informé de l'adaptation qui serait apportée à la peine prononcée, le représentant du ministère estime, au vu de cette information, ne pas devoir maintenir la demande aux fins de reconnaissance et d'exécution ;
« 3 ° L'autorité compétente de l'État d'exécution ayant communiqué, d'office ou à la demande du représentant du ministère public, les dispositions applicables dans cet État en matière de libération anticipée ou conditionnelle, celui-ci estime, au vu de cette information, ne pas devoir maintenir la demande aux fins de reconnaissance et d'exécution ».

15. L'association requérante soutient que ces dispositions méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit de mener une vie familiale normale. Au soutien de ces griefs, elle fait valoir que, au cours de la procédure tendant à faire exécuter dans un autre État de l'Union européenne une peine prononcée par une juridiction française, ni la décision du représentant du ministère public d'engager, de sa propre initiative, cette procédure, ni celle de refuser de l'engager alors que la personne condamnée le sollicite, ni enfin celle d'y mettre fin après qu'elle a été lancée, ne peuvent être contestées. L'association requérante considère que le législateur aurait méconnu, pour les mêmes motifs, l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les droits précités.

16. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « d'office ou » et « ou de la personne condamnée » figurant au deuxième alinéa de l'article 728-15 du code de procédure pénale et sur le premier alinéa de l'article 728-22 du même code.

- Sur le fond :

17. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

18. En application du premier alinéa de l'article 728-15 du code de procédure pénale, le représentant du ministère public est compétent pour transmettre à un État membre de l'Union européenne une demande tendant à ce que cet État reconnaisse et exécute sur son territoire une condamnation pénale définitive prononcée par une juridiction française. Il résulte de l'article 728-23 du même code que, lorsque l'autorité compétente de cet État accepte de reconnaître la condamnation et de la mettre à exécution sur son territoire, le représentant du ministère public prend les mesures nécessaires au transfèrement de la personne condamnée.

. En ce qui concerne l'absence de voie de recours contre la décision de demander l'exécution d'une condamnation sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne :

19. Il résulte du deuxième alinéa de l'article 728-15 du code de procédure pénale que le représentant du ministère public peut saisir d'office un État de l'Union européenne d'une demande tendant à ce que la condamnation prononcée par une juridiction française soit exécutée sur son territoire. En application du dernier alinéa de ce même article, il peut former cette demande, sans le consentement de la personne condamnée, lorsqu'il a acquis la certitude que l'exécution de la condamnation dans cet État facilitera sa réinsertion sociale, que cette personne est ressortissante de cet État et qu'elle y a sa résidence habituelle ou fait l'objet d'une mesure d'éloignement vers cet État.

20. Toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne permettent à la personne condamnée de contester devant une juridiction la décision du représentant du ministère public de former une telle demande et de procéder au transfèrement de la personne condamnée.

21. Au demeurant et en tout état de cause, si le transfèrement effectif de la personne condamnée est subordonné à l'acceptation par l'État de la demande du représentant du ministère public, l'existence éventuelle, dans cet État, d'un recours permettant à la personne condamnée de contester la décision par laquelle il accepte d'exécuter la condamnation sur son territoire ne saurait constituer une garantie du droit à un recours juridictionnel effectif à l'encontre d'une décision prise par une autorité française.

22. Au regard des conséquences qu'est susceptible d'entraîner pour la personne condamnée la décision de demander l'exécution de sa condamnation sur le territoire d'un autre État, l'absence de voie de droit permettant la remise en cause de cette décision méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

23. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les mots « d'office ou » figurant au deuxième alinéa de l'article 728-15 du code de procédure pénale doivent être déclarés contraires à la Constitution.

. En ce qui concerne l'absence de voie de recours contre la décision de refus de demander l'exécution d'une condamnation sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne et la décision de retrait d'une telle demande :

24. Il résulte du deuxième alinéa de l'article 728-15 du code de procédure pénale que la personne condamnée peut demander au représentant du ministère public de saisir un État membre de l'Union européenne d'une demande tendant à ce qu'elle exécute sa condamnation sur son territoire. Le représentant du ministère public peut décider de transmettre une telle demande lorsque les conditions énumérées au dernier alinéa de cet article sont remplies mais n'y est pas tenu.

25. Selon le premier alinéa de l'article 728-22 du même code, le représentant du ministère public peut, à tout moment, décider de retirer la demande de reconnaissance et d'exécution de la condamnation pénale tant que l'exécution de la peine n'a pas commencé dans l'autre État. En application de l'article 728-13, cette décision fait obstacle à la mise à exécution de la condamnation sur le territoire de l'autre État.

26. Toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne permettent de contester devant une juridiction tant le refus du représentant du ministère public de saisir un État membre de l'Union européenne d'une demande de reconnaissance et d'exécution que la décision de retirer une telle demande.

27. Au regard des conséquences qu'entraînent ces décisions pour la personne condamnée, l'absence de voie de droit permettant leur remise en cause méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les mots « ou de la personne condamnée » figurant au deuxième alinéa de l'article 728-15 du code de procédure pénale et le premier alinéa de l'article 728-22 du même code doivent être déclarés contraires à la Constitution.

- Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :

28. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières.

29. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2021 la date de cette abrogation. Les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Les mots « d'office ou » et « ou de la personne condamnée » figurant au deuxième alinéa de l'article 728-15 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, et le premier alinéa de l'article 728-22 du même code, dans la même rédaction, sont contraires à la Constitution.

Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 29 de cette décision.

Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mai 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 7 mai 2021.

JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72
ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.905.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.3. Droit au recours
  • 4.2.2.3.5. Procédure pénale

Les dispositions contestées prévoient que le représentant du ministère public peut saisir d'office un État de l'Union européenne d'une demande tendant à ce que la condamnation prononcée par une juridiction française soit exécutée sur son territoire. Toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne permettent à la personne condamnée de contester devant une juridiction la décision du représentant du ministère public de former une telle demande et de procéder au transfèrement de la personne condamnée. Au demeurant et en tout état de cause, si le transfèrement effectif de la personne condamnée est subordonné à l'acceptation par l'État de la demande du représentant du ministère public, l'existence éventuelle, dans cet État,  d'un recours permettant à la personne condamnée de contester la décision par laquelle il accepte d'exécuter la condamnation sur son territoire ne saurait constituer une garantie du droit à un recours juridictionnel effectif à l'encontre d'une décision prise par une autorité française. Au regard des conséquences qu'est susceptible d'entraîner pour la personne condamnée la décision de demander l'exécution de sa condamnation sur le territoire d'un autre État, l'absence de voie de droit permettant la remise en cause de cette décision méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2021-905 QPC, 07 mai 2021, cons. 0, 17, 18, 19, 20, 21, 22, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72)

Les dispositions contestées prévoient que la personne condamnée peut demander au représentant du ministère public de saisir un État membre de l'Union européenne d'une demande tendant à ce qu'elle exécute sa condamnation sur son territoire. Elles prévoient également que le représentant du ministère public peut, à tout moment, décider de retirer la demande de reconnaissance et d'exécution de la condamnation pénale tant que l'exécution de la peine n'a pas commencé dans l'autre État. Toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne permettent de contester devant une juridiction tant le refus du représentant du ministère public de saisir un État membre de l'Union européenne d'une demande de reconnaissance et d'exécution que la décision de retirer une telle demande. Au regard des conséquences qu'entraînent ces décisions pour la personne condamnée, l'absence de voie de droit permettant leur remise en cause méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2021-905 QPC, 07 mai 2021, cons. 24, 25, 26, 27, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.9. Application des peines

Les dispositions contestées prévoient que le représentant du ministère public peut saisir d'office un État de l'Union européenne d'une demande tendant à ce que la condamnation prononcée par une juridiction française soit exécutée sur son territoire. Toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne permettent à la personne condamnée de contester devant une juridiction la décision du représentant du ministère public de former une telle demande et de procéder au transfèrement de la personne condamnée. Au demeurant et en tout état de cause, si le transfèrement effectif de la personne condamnée est subordonné à l'acceptation par l'État de la demande du représentant du ministère public, l'existence éventuelle, dans cet État,  d'un recours permettant à la personne condamnée de contester la décision par laquelle il accepte d'exécuter la condamnation sur son territoire ne saurait constituer une garantie du droit à un recours juridictionnel effectif à l'encontre d'une décision prise par une autorité française. Au regard des conséquences qu'est susceptible d'entraîner pour la personne condamnée la décision de demander l'exécution de sa condamnation sur le territoire d'un autre État, l'absence de voie de droit permettant la remise en cause de cette décision méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2021-905 QPC, 07 mai 2021, cons. 19, 20, 21, 22, 23, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72)

Les dispositions contestées prévoient que la personne condamnée peut demander au représentant du ministère public de saisir un État membre de l'Union européenne d'une demande tendant à ce qu'elle exécute sa condamnation sur son territoire. Elles prévoient également que le représentant du ministère public peut, à tout moment, décider de retirer la demande de reconnaissance et d'exécution de la condamnation pénale tant que l'exécution de la peine n'a pas commencé dans l'autre État. Toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne permettent de contester devant une juridiction tant le refus du représentant du ministère public de saisir un État membre de l'Union européenne d'une demande de reconnaissance et d'exécution que la décision de retirer une telle demande. Au regard des conséquences qu'entraînent ces décisions pour la personne condamnée, l'absence de voie de droit permettant leur remise en cause méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2021-905 QPC, 07 mai 2021, cons. 24, 25, 26, 27, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.4. Lois de transposition des directives communautaires ou de l'Union européenne ou d'adaptation du droit interne aux règlements européens
  • 7.4.4.1. Notion de loi de transposition et de loi d'adaptation

Saisi de dispositions transposant une décision-cadre, le Conseil fait application de sa jurisprudence relative aux dispositions de transposition d'une directive et considère que les dispositions législatives qui sont contestées relèvent de la marge d'appréciation du législateur français laissée par la décision-cadre.

(2021-905 QPC, 07 mai 2021, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.4. Lois de transposition des directives communautaires ou de l'Union européenne ou d'adaptation du droit interne aux règlements européens
  • 7.4.4.2. Absence de contrôle de la constitutionnalité de la loi de transposition ou d'adaptation
  • 7.4.4.2.4. Autres exceptions à l'absence de contrôle
  • 7.4.4.2.4.3. Marge d'appréciation laissée au législateur par le texte européen

Saisi de dispositions transposant une décision-cadre, le Conseil fait application de sa jurisprudence relative aux dispositions de transposition d'une directive et considère que les dispositions législatives qui sont contestées relèvent de la marge d'appréciation du législateur français laissée par la décision-cadre.

(2021-905 QPC, 07 mai 2021, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition transmise.

(2021-905 QPC, 07 mai 2021, cons. 16, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.6. Portée des décisions dans le temps
  • 11.8.6.2. Dans le cadre d'un contrôle a posteriori (article 61-1)
  • 11.8.6.2.2. Abrogation
  • 11.8.6.2.2.2. Abrogation reportée dans le temps

Le Conseil déclare inconstitutionnelles des dispositions qui permettent au ministère public de demander à un Etat de l'Union européenne qu'une personne condamnée en France exécute sa peine sur le territoire de cet Etat, de refuser de former une telle demande alors que la personne condamnée le sollicite ou enfin de mettre fin à tout moment à la procédure. L'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2021 la date de cette abrogation.

(2021-905 QPC, 07 mai 2021, cons. 29, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.6. Portée des décisions dans le temps
  • 11.8.6.2. Dans le cadre d'un contrôle a posteriori (article 61-1)
  • 11.8.6.2.4. Effets produits par la disposition abrogée
  • 11.8.6.2.4.1. Maintien des effets

Le Conseil déclare inconstitutionnelles des dispositions qui permettent au ministère public de demander à un Etat de l'Union européenne qu'une personne condamnée en France exécute sa peine sur le territoire de cet Etat, de refuser de former une telle demande alors que la personne condamnée le sollicite ou enfin de mettre fin à tout moment à la procédure. L'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2021 la date de cette abrogation. Les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

(2021-905 QPC, 07 mai 2021, cons. 29, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 72)
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