Décision

Décision n° 2021-904 QPC du 7 mai 2021

M. Thomas O. [Incapacité d'exercer la profession d'éducateur sportif]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 15 février 2021 par le Conseil d'État (décision n° 443673 du 12 février 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Thomas O. par la SCP Melka-Prigent, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-904 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 7 ° de l'article L. 212-9 du code du sport, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code pénal ;
  • le code de procédure pénale ;
  • le code de la route ;
  • le code du sport ;
  • la loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour le requérant par la SCP Melka-Prigent, enregistrées le 9 mars 2021 ;
  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Ludwig Prigent, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 20 avril 2021 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article L. 212-9 du code du sport, dans sa rédaction résultant de la loi du 1er mars 2017 mentionnée ci-dessus, prévoit que nul ne peut exercer les fonctions d'éducateur sportif s'il a fait l'objet d'une condamnation pour certains crimes ou délits listés par ce même article. Son 7 ° applique cette incapacité professionnelle en cas de condamnation pour les délits prévus :
« Aux articles L. 235-1 et L. 235-3 du code de la route ».

2. Le requérant reproche à ces dispositions, d'une part, de soumettre la profession d'éducateur sportif à une obligation d'honorabilité et, d'autre part, d'instituer, en cas de condamnation pour conduite après usage de stupéfiants, une incapacité professionnelle définitive qui ne prend en compte ni la gravité des faits incriminés, ni les conditions d'exercice des fonctions de la personne condamnée. Il en résulterait, selon lui, une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

3. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

4. Les dispositions contestées interdisent à une personne d'enseigner, d'animer ou d'encadrer une activité physique ou sportive ou d'entraîner ses pratiquants, lorsqu'elle a été condamnée pour conduite à la suite d'un usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ou pour refus de se soumettre, lors d'un contrôle routier, à une épreuve de dépistage permettant d'établir cet usage.

5. Cette incapacité s'applique aux personnes qui exercent cette profession, à titre rémunéré ou bénévole, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle. Elle est automatiquement prononcée par l'autorité administrative compétente sur le constat de l'inscription d'une condamnation pour ces infractions au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

6. Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu garantir l'éthique des personnes qui entraînent les pratiquants d'une activité physique ou sportive ou enseignent, animent ou encadrent cette activité, en raison de l'influence qu'elles peuvent exercer sur eux et la sécurité de ces derniers.

7. En second lieu, d'une part, en application de l'article 775-1 du code de procédure pénale, le juge peut exclure la mention de cette condamnation au bulletin n° 2 soit à l'occasion du jugement de condamnation, soit en application de l'article 702-1 du même code par un jugement rendu postérieurement, sur une requête du condamné formée à l'issue d'un délai de six mois après cette condamnation. Cette exclusion emporte relèvement de toutes les incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de cette condamnation. D'autre part, après un délai, selon les cas et hors récidive, de trois ou cinq ans, les personnes condamnées peuvent bénéficier d'une réhabilitation de plein droit prévue aux articles 133-12 et suivants du code pénal ou d'une réhabilitation judiciaire prévue aux articles 785 et suivants. Cette réhabilitation efface les incapacités qui résultent de la condamnation.

8. Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. Le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre doit être écarté.

9. Le 7 ° de l'article L. 212-9 du code du sport, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Le 7 ° de l'article L. 212-9 du code du sport, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, est conforme à la Constitution.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mai 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 7 mai 2021.

JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 71
ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.904.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.21. LIBERTÉS ÉCONOMIQUES
  • 4.21.2. Liberté d'entreprendre
  • 4.21.2.5. Conciliation du principe
  • 4.21.2.5.2. Avec l'intérêt général

Le 7° de l'article L. 212-9 du code du sport interdit à une personne d'enseigner, d'animer ou d'encadrer une activité physique ou sportive ou d'entraîner ses pratiquants, lorsqu'elle a été condamnée pour conduite à la suite d'un usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ou  pour refus de se soumettre, lors d'un contrôle routier, à une épreuve de dépistage permettant d'établir cet usage. Cette incapacité s'applique aux personnes qui exercent cette profession, à titre rémunéré ou bénévole, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle. Elle est automatiquement prononcée par l'autorité administrative compétente sur le constat de l'inscription d'une condamnation pour ces infractions au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu garantir l'éthique des éducateurs sportifs, en raison de l'influence qu'ils peuvent exercer sur les personnes pratiquant un sport et la sécurité de ces derniers. En second lieu, d'une part, en application de l'article 775-1 du code de procédure pénale, le juge peut exclure la mention de cette condamnation au bulletin n° 2 soit à l'occasion du jugement de condamnation, soit en application de l'article 702–1 du même code par un jugement rendu postérieurement, sur une requête du condamné formée à l'issue d'un délai de six mois après cette condamnation. Cette exclusion emporte relèvement de toutes les incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de cette condamnation. D'autre part, après un délai, selon les cas et hors récidive, de trois ou cinq ans, les personnes condamnées peuvent bénéficier d'une réhabilitation de plein droit prévue aux articles 133-12 et suivants du code pénal ou d'une réhabilitation judiciaire prévue aux articles 785 et suivants. Cette réhabilitation efface les incapacités qui résultent de la condamnation. Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

(2021-904 QPC, 07 mai 2021, cons. 4, 5, 6, 7, 8, JORF n°0108 du 8 mai 2021, texte n° 71)
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