Décision

Décision n° 2020-867 QPC du 27 novembre 2020

M. Matthias E. [Amende pour non-respect des mesures prises pour limiter les nuisances aéroportuaires]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 25 septembre 2020 par le Conseil d'État (décision n° 440014 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Matthias E. par Me Julien Schaeffer, avocat au barreau de Strasbourg. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-867 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 6361-12 du code des transports, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code des transports ;
  • l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, ratifiée par l'article 1er de la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 octobre 2020 ;
  • les observations présentées pour le requérant par Me Schaeffer, enregistrées le 15 octobre 2020 ;
  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations présentées pour le requérant par Me Schaeffer, enregistrées le 30 octobre 2020 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Schaeffer pour le requérant, Me Frédéric Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 18 novembre 2020 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article L. 6361-12 du code des transports, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 28 octobre 2010 mentionnée ci-dessus, prévoit : « L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l'encontre :
« 1 ° De la personne exerçant une activité de transport aérien public au sens de l'article L. 6412-1 ;
« 2 ° De la personne au profit de laquelle est exercée une activité de transport aérien au sens de l'article L. 6400-1 ;
« 3 ° De la personne exerçant une activité aérienne, rémunérée ou non, autre que celles mentionnées aux 1 ° et 2 ° du présent article ;
« 4 ° Du fréteur dans le cas défini par l'article L. 6400-2,
« ne respectant pas les mesures prises par l'autorité administrative sur un aérodrome fixant :
« a) Des restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes, de la classification acoustique, de leur capacité en sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage ;
« b) Des restrictions permanentes ou temporaires apportées à l'exercice de certaines activités en raison des nuisances environnementales qu'elles occasionnent ;
« c) Des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol ;
« d) Des règles relatives aux essais moteurs ;
« e) Des valeurs maximales de bruit ou d'émissions atmosphériques polluantes à ne pas dépasser ».

2. Le requérant soutient que l'article L. 6361-12 du code des transports permet de punir des personnes pour des manquements imputables à l'usage d'un aéronef même lorsqu'elles ne disposent pas de la maîtrise effective de cet aéronef, qui relève des seuls commandant de bord ou équipage de l'appareil. Il en résulterait une méconnaissance du principe selon lequel nul ne peut être punissable que de son propre fait, garanti par les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Pour les mêmes motifs, le requérant fait valoir que cet article serait contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.

3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les 1 ° à 4 ° de l'article L. 6361-12 du code des transports.

4. En premier lieu, l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Selon son article 9, tout homme est « présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ». Il résulte de ces articles que nul n'est punissable que de son propre fait. Ce principe s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

5. Il résulte du sixième alinéa et des a à e de l'article L. 6361-12 du code des transports que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires peut prononcer une amende administrative à l'encontre de certaines personnes ne respectant pas les restrictions à l'usage de certains types d'aéronefs ou à l'exercice de certaines activités aériennes, les procédures particulières de décollage ou d'atterrissage, les règles relatives aux essais moteurs et aux valeurs maximales de bruit ou d'émissions atmosphériques polluantes. Les dispositions contestées prévoient que ces personnes peuvent être celles exerçant une activité de transport aérien public, celles au profit desquelles est exercée une activité de transport aérien, celles exerçant une autre activité aérienne ainsi que celles exerçant l'activité de fréteur.

6. Ainsi, les dispositions contestées se bornent à énumérer des personnes participant à l'activité aérienne et susceptibles, à cette occasion, de manquer au respect de l'une des restrictions, procédures ou règles précitées. Elles n'ont, ni par elles-mêmes ni en raison de la portée effective que leur confèrerait une interprétation jurisprudentielle constante, pour objet ou pour effet de rendre une personne responsable d'un manquement qui ne lui serait pas imputable.

7. Dès lors, et en tout état de cause, manque en fait le grief tiré de la méconnaissance du principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait.

8. En second lieu, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques est inopérant à l'encontre de dispositions instituant une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Les 1 ° à 4 ° de l'article L. 6361-12 du code des transports, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, sont conformes à la Constitution.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 novembre 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
Rendu public le 27 novembre 2020.

JORF n°0288 du 28 novembre 2020, texte n° 108
ECLI : FR : CC : 2020 : 2020.867.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.7. Responsabilité pénale
  • 4.23.7.1. Principe de responsabilité personnelle

Saisi des dispositions de l'article L. 6361-12 du code des transports, le Conseil constate qu'il résulte du sixième alinéa et des a à e de l'article L. 6361-12 du code des transports que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires peut prononcer une amende administrative à l'encontre de certaines personnes ne respectant pas les restrictions à l'usage de certains types d'aéronefs ou à l'exercice de certaines activités aériennes, les procédures particulières de décollage ou d'atterrissage, les règles relatives aux essais moteurs et aux valeurs maximales de bruit ou d'émissions atmosphériques polluantes. Les dispositions contestées des 1° à 4° de cet article prévoient que ces personnes peuvent être celles exerçant une activité de transport aérien public, celles au profit desquelles est exercée une activité de transport aérien, celles exerçant une autre activité aérienne ainsi que celles exerçant l'activité de fréteur. Ainsi, les dispositions contestées se bornent à énumérer des personnes participant à l'activité aérienne et susceptibles, à cette occasion, de manquer au respect de l'une des restrictions, procédures ou règles précitées. Elles n'ont, ni par elles-mêmes ni en raison de la portée effective que leur confèrerait une interprétation jurisprudentielle constante, pour objet ou pour effet de rendre une personne responsable d'un manquement qui ne lui serait pas imputable.

(2020-867 QPC, 27 novembre 2020, cons. 5, 6, JORF n°0288 du 28 novembre 2020, texte n° 108)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.4. ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES
  • 5.4.2. Champ d'application du principe
  • 5.4.2.1. Objet de la législation

Est inopérant le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques à l'encontre de dispositions instituant une sanction ayant le caractère d'une punition.

(2020-867 QPC, 27 novembre 2020, cons. 8, JORF n°0288 du 28 novembre 2020, texte n° 108)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.4. Grief manquant en fait

Saisi des dispositions de l'article L. 6361-12 du code des transports, le Conseil constate qu'il résulte du sixième alinéa et des a à e de l'article L. 6361-12 du code des transports que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires peut prononcer une amende administrative à l'encontre de certaines personnes ne respectant pas les restrictions à l'usage de certains types d'aéronefs ou à l'exercice de certaines activités aériennes, les procédures particulières de décollage ou d'atterrissage, les règles relatives aux essais moteurs et aux valeurs maximales de bruit ou d'émissions atmosphériques polluantes. Les dispositions contestées des 1° à 4° de cet article prévoient que ces personnes peuvent être celles exerçant une activité de transport aérien public, celles au profit desquelles est exercée une activité de transport aérien, celles exerçant une autre activité aérienne ainsi que celles exerçant l'activité de fréteur. Ainsi, les dispositions contestées se bornent à énumérer des personnes participant à l'activité aérienne et susceptibles, à cette occasion, de manquer au respect de l'une des restrictions, procédures ou règles précitées. Elles n'ont, ni par elles-mêmes ni en raison de la portée effective que leur confèrerait une interprétation jurisprudentielle constante, pour objet ou pour effet de rendre une personne responsable d'un manquement qui ne lui serait pas imputable.

(2020-867 QPC, 27 novembre 2020, cons. 5, 6, JORF n°0288 du 28 novembre 2020, texte n° 108)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition renvoyée.

(2020-867 QPC, 27 novembre 2020, cons. 3, JORF n°0288 du 28 novembre 2020, texte n° 108)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi CE, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
Toutes les décisions