Décision n° 2020-286 L du 2 juillet 2020
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 3 juin 2020, par le Premier ministre, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 37 de la Constitution d'une demande enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-286 L. Le Premier ministre demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la nature juridique des dispositions du paragraphe IX de l'article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020, à l'exception de son premier alinéa et de son 1 ° ainsi que des mots « Il est composé : » qui précèdent celui-ci.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ;
- la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
- la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Aux termes du dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Selon l'article 34 de la loi organique du 1er août 2001 mentionnée ci-dessus, la loi de finances peut comporter « toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ». Toutefois, les modalités de mise en œuvre de cette information et de ce contrôle relèvent du domaine du règlement.
2. Le paragraphe IX de l'article 6 de la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus instaure un comité placé auprès du Premier ministre chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19.
3. En premier lieu, les a à e du même paragraphe prévoient, à ce titre, que la mission du comité porte sur la garantie de l'État aux prêts de trésorerie, sur la garantie de l'État accordée à la caisse centrale de réassurance pour certaines opérations d'assurance ou de réassurance, sur le fonds de solidarité créé à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, sur le dispositif d'activité partielle ainsi que sur les prêts et avances remboursables accordés sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Ces mesures sont soit financées par l'État, soit correspondent à des garanties, des prêts ou des avances remboursables accordés par l'État. Elles concernent donc la gestion des finances publiques.
4. En second lieu, il résulte de ces mêmes dispositions ainsi que des deux derniers alinéas du paragraphe IX que les documents communiqués par le Gouvernement au comité, au nombre desquels le législateur a expressément prévu les statistiques hebdomadaires sur la plupart de ces dispositifs, doivent être transmis, pour information, aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. En outre, le comité établit un rapport public un an après la promulgation de la loi du 23 mars 2020.
5. Il résulte des travaux parlementaires qu'en adoptant les dispositions précitées, le législateur a entendu assurer l'information du Parlement sur des mesures qui intéressent la gestion des finances publiques. Elles sont au nombre des dispositions dont la loi organique du 1er août 2001 permet l'inclusion dans une loi de finances. Par suite, elles ont un caractère législatif.
6. En revanche, les dispositions de la première phrase du huitième alinéa et des dixième à treizième alinéas du paragraphe IX, qui prévoient une partie de la composition du comité, ainsi que le quatorzième alinéa, qui dispose que ses membres exercent leurs fonctions à titre gratuit, constituent des modalités de mise en œuvre qui relèvent du domaine du règlement. Par conséquent, elles ont un caractère réglementaire.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Ont un caractère législatif les dispositions suivantes du paragraphe IX de l'article 6 la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 :
- les deuxième à septième alinéas ;
- les quinzième et seizième alinéas.
Article 2. - Ont un caractère réglementaire les dispositions suivantes du même paragraphe IX :
- la première phrase du huitième alinéa ;
- les dixième à quatorzième alinéas.
Article 3. - Cette décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 juillet 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
Rendu public le 2 juillet 2020.
JORF n°0164 du 4 juillet 2020, texte n° 101
ECLI : FR : CC : 2020 : 2020.286.L
Les abstracts
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.6. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ARTICLES 37, ALINÉA 2 ET 41 DE LA CONSTITUTION
- 3.6.3. Article 37 alinéa 2 (procédure de la délégalisation)
- 3.6.3.3. Compétence du Conseil constitutionnel
- 3.6.3.3.7. Délimitation du domaine loi / règlement
3.6.3.3.7.1. Domaine de la loi
Aux termes du dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Selon l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001, la loi de finances peut comporter « toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ». Toutefois, les modalités de mise en œuvre de cette information et de ce contrôle relèvent du domaine du règlement.
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.6. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ARTICLES 37, ALINÉA 2 ET 41 DE LA CONSTITUTION
- 3.6.3. Article 37 alinéa 2 (procédure de la délégalisation)
- 3.6.3.3. Compétence du Conseil constitutionnel
- 3.6.3.3.7. Délimitation du domaine loi / règlement
3.6.3.3.7.2. Domaine du règlement
Aux termes du dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Selon l'article 34 de la loi organique du 1er août 2001 mentionnée ci-dessus, la loi de finances peut comporter « toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ».
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
- 3.7.18. Compétence du législateur précisée ou complétée par une loi organique
3.7.18.2. Lois de finances
Aux termes du dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Selon l'article 34 de la loi organique du 1er août 2001 mentionnée ci-dessus, la loi de finances peut comporter « toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ». Toutefois, les modalités de mise en œuvre de cette information et de ce contrôle relèvent du domaine du règlement.
Le paragraphe IX de l'article 6 de la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus instaure un comité placé auprès du Premier ministre chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19.
En premier lieu, les a à e du même paragraphe prévoient, à ce titre, que la mission du comité porte sur la garantie de l'État aux prêts de trésorerie, sur la garantie de l'État accordée à la caisse centrale de réassurance pour certaines opérations d'assurance ou de réassurance, sur le fonds de solidarité créé à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, sur le dispositif d'activité partielle ainsi que sur les prêts et avances remboursables accordés sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Ces mesures sont soit financées par l'État, soit correspondent à des garanties, des prêts ou des avances remboursables accordés par l'État. Elles concernent donc la gestion des finances publiques.
En second lieu, il résulte de ces mêmes dispositions ainsi que des deux derniers alinéas du paragraphe IX que les documents communiqués par le Gouvernement au comité, au nombre desquels le législateur a expressément prévu les statistiques hebdomadaires sur la plupart de ces dispositifs, doivent être transmis, pour information, aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. En outre, le comité établit un rapport public un an après la promulgation de la loi du 23 mars 2020.
Il résulte des travaux parlementaires qu'en adoptant les dispositions précitées, le législateur a entendu assurer l'information du Parlement sur des mesures qui intéressent la gestion des finances publiques. Elles sont au nombre des dispositions dont la loi organique du 1er août 2001 permet l'inclusion dans une loi de finances. Par suite, elles ont un caractère législatif.
En revanche, les dispositions de la première phrase du huitième alinéa et des dixième à treizième alinéas du paragraphe IX, qui prévoient une partie de la composition du comité, ainsi que le quatorzième alinéa, qui dispose que ses membres exercent leurs fonctions à titre gratuit, constituent des modalités de mise en œuvre qui relèvent du domaine du règlement. Par conséquent, elles ont un caractère réglementaire.