Décision n° 2019-1-3 RIP du 12 mars 2020
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 12 novembre 2019 par M. Frédéric L. d'un recours contre la décision n° 2019-1-19 FER du 24 octobre 2019 par laquelle la formation d'examen des réclamations a rejeté sa réclamation enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro de récépissé 3XVAA-ZVUL3-B2TCX-YPB2K, tendant à la substitution de son nom d'usage à son nom de famille sur la liste des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, déposée en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral, notamment ses articles L. 37 et R. 20 ;
- la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 ;
- la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-1 RIP du 9 mai 2019 ;
- le décret n° 2014-1488 du 11 décembre 2014 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Soutien d'une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution » ;
Au vu des pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Aux termes de l'article 45-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus : « Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations de recueil des soutiens à une proposition de loi. - Il examine et tranche définitivement toutes les réclamations … - Les réclamations sont examinées par une formation composée de trois membres désignés pour une durée de cinq ans par le Conseil constitutionnel … - Dans un délai de dix jours suivant la notification de la décision de la formation, l'auteur de la réclamation peut contester la décision devant le Conseil assemblé. - Dans le cas où, saisi d'une contestation mentionnée à l'avant-dernier alinéa ou saisi sur renvoi d'une formation, le Conseil constate l'existence d'irrégularités dans le déroulement des opérations, il lui appartient d'apprécier si, eu égard à la nature et à la gravité de ces irrégularités, il y a lieu soit de maintenir lesdites opérations, soit de prononcer leur annulation totale ou partielle ».
2. À l'appui du recours qu'il forme devant le Conseil constitutionnel, M. Frédéric L. soutient que la formation d'examen des réclamations n'a pas tenu compte de la rectification de la portée de sa réclamation par un courrier électronique du 9 juillet 2019, par lequel il ne demandait plus la substitution de son nom d'usage à son nom de famille sur la liste publique des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, mais seulement l'ajout de son nom d'usage sur cette liste et ainsi son identification sous une forme identique à celle utilisée sur sa carte d'électeur. Son recours doit être regardé comme tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 24 octobre 2019 de la formation d'examen des réclamations ayant rejeté sa réclamation et, d'autre part, à ce qu'il soit fait droit à sa réclamation ainsi modifiée.
3. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des pièces produites par M. L. au soutien de son recours, que le courrier électronique du 9 juillet 2019 dont il se prévaut tendait, en invoquant le règlement européen sur la protection des données, à l'exercice du droit de rectification des données personnelles le concernant figurant dans le fichier automatisé « Soutien d'une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution » et était adressé au délégué à la protection des données du ministère de l'intérieur, qui a transmis cette demande au responsable du traitement. Ce courrier n'a eu ni pour objet ni pour effet de modifier la portée de la réclamation dont la formation d'examen des réclamations avait été saisie le 14 juin 2019. Par suite, la formation ne s'est pas méprise sur la portée de la demande qui lui était présentée en estimant qu'elle tendait à la substitution du nom d'usage au nom de famille du requérant sur la liste publiée des soutiens et n'a pas omis de statuer sur la réclamation dont elle était réellement saisie.
4. En tout état de cause, il résulte des dispositions citées au paragraphe 1 ci-dessus qu'il appartient seulement à la formation mentionnée au troisième alinéa de l'article 45-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, saisie d'une réclamation par un électeur sur le fondement de cet article, de statuer sur cette réclamation en vue d'assurer la régularité des opérations de recueil des soutiens à une proposition de loi déposée en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution.
5. Aux termes de l'article 7 de la loi organique du 6 décembre 2013 mentionnée ci-dessus : « la liste des soutiens apportés à une proposition de loi peut être consultée par toute personne ». En permettant à toute personne de consulter l'intégralité de la liste des soutiens, le législateur organique a entendu garantir l'authenticité de celle-ci en reconnaissant à toute personne le droit de vérifier, dès le début de la période de recueil des soutiens et à tout moment, qu'elle-même ou toute autre personne figure ou ne figure pas sur cette liste.
6. Selon le paragraphe II de l'article 4 du décret du 11 décembre 2014 mentionné ci-dessus, « la liste des électeurs soutenant une proposition de loi et dont le soutien est réputé valide est publiée par ordre alphabétique des noms des électeurs sur le site internet du ministère de l'intérieur … Cette liste … précise pour chaque électeur soutenant la proposition de loi son nom, son ou ses prénoms … tels que saisis par l'électeur … au moment du dépôt … du soutien ». Si le même décret mentionne, au paragraphe I de son annexe, le nom d'usage de l'électeur parmi les données à caractère personnel et informations susceptibles d'être enregistrées lors du dépôt de son soutien sur le site internet du ministère de l'intérieur, il résulte toutefois de l'instruction que le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Soutien d'une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution » effectivement mis en œuvre ne prévoit pas la saisie de cette donnée par l'électeur et que seul le nom de famille de chaque électeur soutenant la proposition de loi est publié.
7. La publication de la liste des électeurs soutenant une proposition de loi par ordre alphabétique de leurs noms de famille, sans que soient mentionnés en complément, le cas échéant, leurs noms d'usage, n'entrave pas la vérification, par chacun, de la présence ou de l'absence de son propre nom sur cette liste. De même, elle ne rend pas plus difficile la vérification, par les tiers, que n'y figure le nom d'aucune personne qui n'aurait pas la qualité d'électeur. En effet, si le nom d'usage est au nombre des données d'identification de l'électeur dont l'article R. 20 du code électoral prévoit la mention sur les listes électorales pour l'application de l'article L. 37 du même code, relatif au droit de communication de ces listes ouvert à tout électeur ou parti politique, ces mêmes dispositions prévoient aussi la mention obligatoire, parmi ces données d'identification, du nom de famille et des prénoms de l'électeur.
8. Par suite, l'absence de mention, sur la liste des soutiens publiée sur le site internet du ministère de l'intérieur prévu à cet effet, du nom d'usage en complément du nom de famille des électeurs ayant apporté leur soutien à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris n'entache pas les opérations de recueil des soutiens d'une irrégularité qu'il appartiendrait au Conseil constitutionnel de constater.
9. Il résulte de ce qui précède que le recours de M. L. doit être rejeté.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Le recours présenté par M. Frédéric L. est rejeté.
Article 2. - Cette décision sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel et notifiée à M. Frédéric L.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 mars 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
Rendu public le 12 mars 2020.ECLI : FR : CC : 2020 : 2019.1.3.RIP
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.5. RÉFÉRENDUMS
- 8.5.7. Soutiens des électeurs à une proposition de loi déposée en application de l’article 11, alinéa 3
- 8.5.7.1. Procédure devant le Conseil constitutionnel
8.5.7.1.1. Recours contre les décisions de la formation d'examen des réclamations
À l'appui du recours qu'il forme devant le Conseil constitutionnel, le requérant soutient que la formation d'examen des réclamations n'a pas tenu compte de la rectification de la portée de sa réclamation par un courrier électronique du 9 juillet 2019, par lequel il ne demandait plus la substitution de son nom d'usage à son nom de famille sur la liste publique des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, mais seulement l'ajout de son nom d'usage sur cette liste et ainsi son identification sous une forme identique à celle utilisée sur sa carte d'électeur.
Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des pièces produites par le requérant au soutien de son recours, que le courrier électronique du 9 juillet 2019 dont il se prévaut tendait, en invoquant le règlement européen sur la protection des données, à l'exercice du droit de rectification des données personnelles le concernant figurant dans le fichier automatisé « Soutien d'une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution » et était adressé au délégué à la protection des données du ministère de l'intérieur, qui a transmis cette demande au responsable du traitement. Ce courrier n'a eu ni pour objet ni pour effet de modifier la portée de la réclamation dont la formation d'examen des réclamations avait été saisie le 14 juin 2019. Par suite, la formation ne s'est pas méprise sur la portée de la demande qui lui était présentée en estimant qu'elle tendait à la substitution du nom d'usage au nom de famille du requérant sur la liste publiée des soutiens et n'a pas omis de statuer sur la réclamation dont elle était réellement saisie.
En faisant précéder la réponse apportée au requérant des termes « en tout état de cause», le Conseil constitutionnel réserve la question de savoir si la contestation d'une décision de la formation d'examen des réclamations doit être regardée comme ayant la nature d'un appel, excluant notamment que le requérant puisse présenter de conclusions nouvelles quant à leur objet, ou comme un plein contrôle conduisant à rejuger tout le litige et, notamment, à admettre de statuer sur des conclusions nouvelles.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.5. RÉFÉRENDUMS
- 8.5.7. Soutiens des électeurs à une proposition de loi déposée en application de l’article 11, alinéa 3
- 8.5.7.2. Contrôle des opérations de recueil des soutiens
8.5.7.2.4. Publicité des soutiens
Il résulte de l'article 45-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 qu'il appartient seulement à la formation mentionnée au troisième alinéa de cet article, saisie d'une réclamation par un électeur sur le fondement de cet article, de statuer sur cette réclamation en vue d'assurer la régularité des opérations de recueil des soutiens à une proposition de loi déposée en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution. Aux termes de l'article 7 de la loi organique du 6 décembre 2013 mentionnée ci-dessus : « la liste des soutiens apportés à une proposition de loi peut être consultée par toute personne ». En permettant à toute personne de consulter l'intégralité de la liste des soutiens, le législateur organique a entendu garantir l'authenticité de celle-ci en reconnaissant à toute personne le droit de vérifier, dès le début de la période de recueil des soutiens et à tout moment, qu'elle-même ou toute autre personne figure ou ne figure pas sur cette liste. Selon le paragraphe II de l'article 4 du décret n° 2014-1488 du 11 décembre 2014, « la liste des électeurs soutenant une proposition de loi et dont le soutien est réputé valide est publiée par ordre alphabétique des noms des électeurs sur le site internet du ministère de l'intérieur … Cette liste … précise pour chaque électeur soutenant la proposition de loi son nom, son ou ses prénoms … tels que saisis par l'électeur … au moment du dépôt … du soutien ». Si le même décret mentionne, au paragraphe I de son annexe, le nom d'usage de l'électeur parmi les données à caractère personnel et informations susceptibles d'être enregistrées lors du dépôt de son soutien sur le site internet du ministère de l'intérieur, il résulte toutefois de l'instruction que le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Soutien d'une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution » effectivement mis en œuvre ne prévoit pas la saisie de cette donnée par l'électeur et que seul le nom de famille de chaque électeur soutenant la proposition de loi est publié.
La publication de la liste des électeurs soutenant une proposition de loi par ordre alphabétique de leurs noms de famille, sans que soient mentionnés en complément, le cas échéant, leurs noms d'usage, n'entrave pas la vérification, par chacun, de la présence ou de l'absence de son propre nom sur cette liste. De même, elle ne rend pas plus difficile la vérification, par les tiers, que n'y figure le nom d'aucune personne qui n'aurait pas la qualité d'électeur. En effet, si le nom d'usage est au nombre des données d'identification de l'électeur dont l'article R. 20 du code électoral prévoit la mention sur les listes électorales pour l'application de l'article L. 37 du même code, relatif au droit de communication de ces listes ouvert à tout électeur ou parti politique, ces mêmes dispositions prévoient aussi la mention obligatoire, parmi ces données d'identification, du nom de famille et des prénoms de l'électeur. Par suite, l'absence de mention, sur la liste des soutiens publiée sur le site internet du ministère de l'intérieur prévu à cet effet, du nom d'usage en complément du nom de famille des électeurs ayant apporté leur soutien à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris n'entache pas les opérations de recueil des soutiens d'une irrégularité qu'il appartiendrait au Conseil constitutionnel de constater. Rejet du recours demandant l'ajout du nom d'usage du requérant sur la liste publique des soutiens.