Décision

Décision n° 2018-5660 SEN du 26 octobre 2018

SEN, Guadeloupe
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 23 avril 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 16 avril 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Maguy CÉLIGNY, tête de liste aux élections qui se sont déroulées le 24 septembre 2017, dans le département de la Guadeloupe, en vue de la désignation de trois sénateurs. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5660 SEN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-4, L. 52-12 et L. 308-1 ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à Mme CÉLIGNY qui n'a pas présenté d'observations ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral, rendu applicable aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1, que chaque candidat tête de liste à ces élections soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Il ressort également de l'article L. 52-12 que, sauf lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, celui-ci est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés qui met ce compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises.

2. Il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat ou un tiers règle à son profit directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du même code.

3. Le compte de campagne de Mme CÉLIGNY a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 16 avril 2018 pour deux motifs. D'une part, la candidate a payé directement 7085 euros de dépenses, soit 100 % de leur montant total et 32 % du plafond de dépenses autorisé. D'autre part, le compte n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés.

4. Ces circonstances sont établies. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme CÉLIGNY.

5. En vertu du deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. Pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause. Par ailleurs, en vertu du troisième alinéa du même article L.O. 136-1, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, déclare inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

6. Eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues, dont Mme CÉLIGNY ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de Mme CÉLIGNY à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Mme Maguy CÉLIGNY est déclarée inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 octobre 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 26 octobre 2018.

JORF n°0251 du 30 octobre 2018, texte n° 80
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5660.SEN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.14. Financement
  • 8.4.14.2. Etablissement d'un compte de campagne
  • 8.4.14.2.4. Conditions du dépôt
  • 8.4.14.2.4.1. Certification du compte de campagne par un membre de l'ordre des experts-comptables et comptables agréés

Rejet à bon droit du compte de campagne d'un candidat ayant payé directement 7 085 euros de dépenses, soit 100 % de leur montant total et 32 % du plafond de dépenses autorisé, et en n'ayant pas fait présenter ce compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer son inéligibilité pour trois ans.

(2018-5660 SEN, 26 octobre 2018, cons. 3, 4, 6, JORF n°0251 du 30 octobre 2018, texte n° 80)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.14. Financement
  • 8.4.14.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.4.14.5.4. Dépenses payées directement
  • 8.4.14.5.4.2. Dépenses postérieures à la désignation du mandataire financier

Rejet à bon droit du compte de campagne d'un candidat ayant payé directement 7 085 euros de dépenses, soit 100 % de leur montant total et 32 % du plafond de dépenses autorisé, et en n'ayant pas fait présenter ce compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer son inéligibilité pour trois ans.

(2018-5660 SEN, 26 octobre 2018, cons. 3, 4, 6, JORF n°0251 du 30 octobre 2018, texte n° 80)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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