Décision

Décision n° 2018-5650 SEN du 23 novembre 2018

SEN, Loiret
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 avril 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 9 avril 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Benoît LONCEINT, candidat aux élections qui se sont déroulées le 24 septembre 2017 dans le département du Loiret, en vue de la désignation de trois sénateurs. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5650 SEN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-4, L. 52-12 et L. 308-1 ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par M. LONCEINT, enregistrées les 27 avril et 3 mai 2018 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1 du même code, que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4.

2. Par ailleurs, il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, tel qu'apprécié à la lumière des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, c'est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l'article L. 52-11 du même code.

3. Le compte de campagne de M. LONCEINT a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 9 avril 2018 au motif que le candidat avait réglé directement une part substantielle des dépenses engagées en vue de l'élection, en violation des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral.

4. Il résulte de l'instruction que les dépenses réglées directement par M. LONCEINT, avant la désignation de son mandataire financier, ont représenté 39 % du montant total de ses dépenses et 6,85 % du plafond des dépenses autorisées. En méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral, le candidat n'a pas demandé le remboursement de ces dépenses par le mandataire. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. LONCEINT.

5. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

6. Eu égard au caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont M. LONCEINT ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité de M. LONCEINT à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - M. Benoît LONCEINT est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 novembre 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 23 novembre 2018.

JORF n°0274 du 27 novembre 2018, texte n° 108
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5650.SEN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.14. Financement
  • 8.4.14.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.4.14.5.4. Dépenses payées directement
  • 8.4.14.5.4.1. Dépenses antérieures à la désignation du mandataire financier

Rejet à bon droit du compte de campagne du candidat qui a réglé directement, avant la désignation de son mandataire financier, des dépenses représentant 39 % du montant total de ses dépenses et 6,85 % du plafond des dépenses autorisées, et qui n'a pas demandé le remboursement de ces dépenses par le mandataire. Eu égard au caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la décision.

(2018-5650 SEN, 23 novembre 2018, cons. 3, 4, 6, JORF n°0274 du 27 novembre 2018, texte n° 108)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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