Décision

Décision n° 2018-5645 SEN du 25 mai 2018

SEN, Mayotte
Non lieu à prononcer l'inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 avril 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 4 avril 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Abdallah HASSANI, candidat aux élections qui se sont déroulées le 24 septembre 2017, dans le département de Mayotte, en vue de la désignation de deux sénateurs. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5645 SEN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-12 et L. 308-1 ;
  • la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour M. HASSANI par Me Jérôme Léron, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 27 avril 2018 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu M. HASSANI et son conseil ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ». Il résulte par ailleurs de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Ces articles sont applicables aux élections sénatoriales en vertu de l'article L. 308-1 du même code.

2. Le compte de campagne de M. HASSANI a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 4 avril 2018 au motif que figure parmi les recettes de son compte de campagne la contribution, pour 2 500 euros, d'une personne morale qui n'est pas autorisée par les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral à participer au financement d'une campagne électorale.

3. Ni l'article L. 52-8 du code électoral ni aucune autre disposition applicable à l'élection des sénateurs n'impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d'un don ou d'un avantage prohibé par ces dispositions. Il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en dernier ressort, au juge de l'élection d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature de l'avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte.

4. Eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 mentionnée ci-dessus, ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de déposer leurs comptes, dans le premier semestre de l'année suivant celle de l'exercice, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui les rend publics et assure leur publication au Journal officiel.

5. Il résulte de l'instruction que le « Mouvement départementaliste mahorais », qui a pris en 2015 le nom de « Mouvement pour le développement de Mayotte », ne dépose plus ses comptes à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques depuis l'exercice 2011. Ainsi, cette association ne peut être regardée comme un parti ou un groupement politique au sens de l'article L. 52-8 du code électoral. Par suite, et alors même qu'elle a été autorisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à intervenir dans la campagne électorale audiovisuelle, cette association n'était pas habilitée à contribuer comme elle l'a fait, par un versement de 2 500 euros intervenu le 16 octobre 2017, à la campagne électorale de M. HASSANI. La situation de cette association au regard de la législation sur le financement de la vie politique a été rendue publique par les avis publiés chaque année par la Commission au Journal officiel.

6. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. HASSANI.

7. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, déclare inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

8. Il résulte de l'instruction que le manquement de M. HASSANI aux règles de financement des campagnes électorales ne procède pas d'une volonté de fraude, ni ne présente même un caractère délibéré et que, postérieurement au dépôt de son compte de campagne, il a, sur ses deniers personnels, intégralement remboursé au « Mouvement pour le développement de Mayotte » la contribution de ce dernier à sa campagne électorale. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité de M. HASSANI.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité de M. Abdallah HASSANI.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel sa séance du 24 mai 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 25 mai 2018.

JORF n°0120 du 27 mai 2018 texte n° 62
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5645.SEN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.14. Financement
  • 8.4.14.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.4.14.4.3. Dons ou avantages consentis par des partis ou groupements politiques

Eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 mentionnée ci-dessus, ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de déposer leurs comptes, dans le premier semestre de l'année suivant celle de l'exercice, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui les rend publics et assure leur publication au Journal officiel.
Il résulte de l'instruction que le « Mouvement départementaliste mahorais », qui a pris en 2015 le nom de « Mouvement pour le développement de Mayotte », ne dépose plus ses comptes à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques depuis l'exercice 2011. Ainsi, cette association ne peut être regardée comme un parti ou un groupement politique au sens de l'article L. 52-8 du code électoral. Par suite, et alors même qu'elle a été autorisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à intervenir dans la campagne électorale audiovisuelle, cette association n'était pas habilitée à contribuer comme elle l'a fait, par un versement de 2 500 euros intervenu le 16 octobre 2017, à la campagne électorale du candidat dont le compte a été rejeté. La situation de cette association au regard de la législation sur le financement de la vie politique a été rendue publique par les avis publiés chaque année par la Commission au Journal officiel.

(2018-5645 SEN, 25 mai 2018, cons. 4, 5, JORF n°0120 du 27 mai 2018 texte n° 62 )
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.14. Financement
  • 8.4.14.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.4.14.4.5. Dons ou avantages consentis par une personne morale à l'exception d'un parti ou groupement politique
  • 8.4.14.4.5.5. Bénéfice d'un avantage entraînant le rejet du compte

Compte de campagne rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif que figure parmi les recettes de son compte de campagne la contribution, pour 2 500 euros, d'une personne morale qui n'est pas autorisée par les dispositions de l'article L. 52–8 du code électoral à participer au financement d'une campagne électorale.
Ni l'article L. 52-8 du code électoral ni aucune autre disposition applicable à l'élection des sénateurs n'impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d'un don ou d'un avantage prohibé par ces dispositions. Il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en dernier ressort, au juge de l'élection d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature de l'avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte.
Eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 mentionnée ci-dessus, ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de déposer leurs comptes, dans le premier semestre de l'année suivant celle de l'exercice, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui les rend publics et assure leur publication au Journal officiel. Il résulte de l'instruction que le « Mouvement départementaliste mahorais », qui a pris en 2015 le nom de « Mouvement pour le développement de Mayotte », ne dépose plus ses comptes à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques depuis l'exercice 2011. Ainsi, cette association ne peut être regardée comme un parti ou un groupement politique au sens de l'article L. 52-8 du code électoral. Par suite, et alors même qu'elle a été autorisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à intervenir dans la campagne électorale audiovisuelle, cette association n'était pas habilitée à contribuer comme elle l'a fait, par un versement de 2 500 euros intervenu le 16 octobre 2017, à la campagne électorale du candidat. La situation de cette association au regard de la législation sur le financement de la vie politique a été rendue publique par les avis publiés chaque année par la Commission au Journal officiel.
Par suite, rejet à bon droit du compte de campagne. Il résulte de l'instruction que le manquement du candidat élu aux règles de financement des campagnes électorales ne procède pas d'une volonté de fraude, ni ne présente même un caractère délibéré et que, postérieurement au dépôt de son compte de campagne, il a, sur ses deniers personnels, intégralement remboursé au « Mouvement pour le développement de Mayotte » la contribution de ce dernier à sa campagne électorale. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer son inéligibilité.

(2018-5645 SEN, 25 mai 2018, cons. 2, 3, 4, 5, 6, 8, JORF n°0120 du 27 mai 2018 texte n° 62 )
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.14. Financement
  • 8.4.14.7. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

Ni l'article L. 52-8 du code électoral ni aucune autre disposition applicable à l'élection des sénateurs n'impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d'un don ou d'un avantage prohibé par ces dispositions. Il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en dernier ressort, au juge de l'élection d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature de l'avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte.

(2018-5645 SEN, 25 mai 2018, cons. 3, JORF n°0120 du 27 mai 2018 texte n° 62 )
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.14. Financement
  • 8.4.14.10. Absence d'inéligibilité du candidat élu

Rejet à bon droit du compte de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif que figure parmi les recettes de son compte de campagne la contribution, pour 2 500 euros, d'une personne morale qui, ne pouvant être regardée comme un parti ou un groupement politique, n'est pas autorisée par les dispositions de l'article L. 52–8 du code électoral à participer au financement d'une campagne électorale.
Il résulte de l'instruction que le manquement du candidat élu aux règles de financement des campagnes électorales ne procède pas d'une volonté de fraude, ni ne présente même un caractère délibéré et que, postérieurement au dépôt de son compte de campagne, il a, sur ses deniers personnels, intégralement remboursé au « Mouvement pour le développement de Mayotte » la contribution de ce dernier à sa campagne électorale. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer son inéligibilité.

(2018-5645 SEN, 25 mai 2018, cons. 2, 4, 5, 6, 8, JORF n°0120 du 27 mai 2018 texte n° 62 )
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Version PDF de la décision.
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