Décision n° 2018-5642 SEN du 16 novembre 2018
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 3 avril 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 26 mars 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Yves PORTEIX, candidat aux élections qui se sont déroulées le 24 septembre 2017, dans le département des Pyrénées-Orientales, en vue de la désignation de deux sénateurs. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5642 SEN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-12 et L. 308-1 ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour M. PORTEIX par Me Jérôme Léron, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 22 mai 2018 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1, qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte de dépôt. Si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat ou un tiers règle à son profit directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 308-1 du même code.
2. L'article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné.
3. Le compte de campagne de M. Yves PORTEIX a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 26 mars 2018 pour un double motif. À titre principal, la Commission a fondé ce rejet sur le constat du paiement direct par le candidat de certaines dépenses. À titre subsidiaire, la Commission a relevé que l'intitulé du compte bancaire utilisé par le mandataire ne respectait pas les prescriptions de l'article L. 52-6 du code électoral.
4. Il est établi que M. PORTEIX a payé directement des dépenses d'un montant global de 1 165 euros, dont une dépense de 842 euros exposée le 12 septembre 2017. Ces dépenses réglées directement ont représenté 20,09 % du montant total des dépenses de son compte de campagne et 2,84 % du plafond des dépenses autorisées. Si M. PORTEIX fait valoir que deux de ces dépenses, dont les montants s'élevaient à 107,17 euros et 137,33 euros, ont été payées avant la désignation du mandataire financier, il n'a pas été procédé au remboursement de ces dépenses postérieurement à cette désignation par le mandataire, en méconnaissance du quatrième alinéa de l'article L. 52-4 du code. Cette irrégularité justifiait, à elle seule, le rejet du compte de M. PORTEIX.
5. Au surplus, il est constant que l'intitulé du compte bancaire ouvert par la mandataire ne mentionnait pas que sa titulaire avait la qualité de mandataire financier de M. PORTEIX, en violation des prescriptions de l'article L. 52-6 du code électoral.
6. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. PORTEIX.
7. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, applicable aux élections sénatoriales en vertu de l'article L.O. 296 du même code, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, déclare inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
8. Malgré le caractère substantiel de l'obligation de faire payer les dépenses électorales par le mandataire financier, dont M. PORTEIX ne pouvait ignorer la portée, les dépenses acquittées directement par le candidat, pour un montant de 1 165 euros, ne représentent que 2,84 % du plafond des dépenses autorisées. Par ailleurs, le candidat a produit une pièce attestant de l'erreur de la banque lors de l'ouverture du compte au nom de la mandataire financière, prise en cette qualité. Ce compte bancaire a, sous la réserve des seules dépenses qui viennent d'être mentionnées, retracé la totalité des opérations financières de la campagne. Dans ces circonstances, l'irrégularité résultant de l'intitulé du compte bancaire unique doit être regardée comme formelle et comme n'ayant pas eu d'incidence sur la transparence du financement de la campagne électorale du candidat. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a donc pas lieu de prononcer l'inéligibilité de M. PORTEIX.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de déclarer M. Yves PORTEIX inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 novembre 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 16 novembre 2018.
JORF n°0268 du 20 novembre 2018, texte n° 72
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5642.SEN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- 8.4.14. Financement
- 8.4.14.1. Mandataire financier
8.4.14.1.3. Compte bancaire ou postal
Rejet à bon droit du compte de campagne dès lors que l'intitulé du compte bancaire ouvert par la mandataire ne mentionnait pas que sa titulaire avait la qualité de mandataire financier, en violation des prescriptions de l'article L. 52-6 du code électoral.
Toutefois, le candidat a produit une pièce attestant de l'erreur de la banque lors de l'ouverture du compte au nom de la mandataire financière, prise en cette qualité. Ce compte bancaire a, sous la réserve des seules dépenses qui viennent d'être mentionnées, retracé la totalité des opérations financières de la campagne. Dans ces circonstances, l'irrégularité résultant de l'intitulé du compte bancaire unique doit être regardée comme formelle et comme n'ayant pas eu d'incidence sur la transparence du financement de la campagne électorale du candidat. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a donc pas lieu de prononcer son inéligibilité.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- 8.4.14. Financement
- 8.4.14.5. Dépenses produites au compte de campagne
- 8.4.14.5.4. Dépenses payées directement
8.4.14.5.4.1. Dépenses antérieures à la désignation du mandataire financier
Rejet à bon droit du compte de campagne du candidat qui a réglé directement des dépenses d'un montant global de 1 165 euros, dont une dépense de 842 euros. Ces dépenses réglées directement ont représenté 20,09 % du montant total des dépenses de son compte de campagne et 2,84 % du plafond des dépenses autorisées. Si le candidat fait valoir que deux de ces dépenses, dont les montants s'élevaient à 107,17 euros et 137,33 euros, ont été payées avant la désignation du mandataire financier, il n'a pas été procédé au remboursement de ces dépenses postérieurement à cette désignation par le mandataire, en méconnaissance du quatrième alinéa de l'article L. 52-4 du code. Malgré le caractère substantiel de l'obligation de faire payer les dépenses électorales par le mandataire financier, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, les dépenses acquittées directement par lui, pour un montant de 1 165 euros, ne représentent que 2,84 % du plafond des dépenses autorisées. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer son inéligibilité.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- 8.4.14. Financement
- 8.4.14.5. Dépenses produites au compte de campagne
- 8.4.14.5.4. Dépenses payées directement
8.4.14.5.4.2. Dépenses postérieures à la désignation du mandataire financier
Rejet à bon droit du compte de campagne du candidat qui a réglé directement des dépenses d'un montant global de 1 165 euros, dont une dépense de 842 euros. Ces dépenses réglées directement ont représenté 20,09 % du montant total des dépenses de son compte de campagne et 2,84 % du plafond des dépenses autorisées. Si le candidat fait valoir que deux de ces dépenses, dont les montants s'élevaient à 107,17 euros et 137,33 euros, ont été payées avant la désignation du mandataire financier, il n'a pas été procédé au remboursement de ces dépenses postérieurement à cette désignation par le mandataire, en méconnaissance du quatrième alinéa de l'article L. 52-4 du code. Malgré le caractère substantiel de l'obligation de faire payer les dépenses électorales par le mandataire financier, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, les dépenses acquittées directement par lui, pour un montant de 1 165 euros, ne représentent que 2,84 % du plafond des dépenses autorisées. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer son inéligibilité.