Décision

Décision n° 2018-5611 AN du 1er juin 2018

A.N., La Réunion 3ème circ.
Non lieu à prononcer l'inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 février 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 12 février 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Jean-Hugues LEBIAN, candidat aux élections qui se sont déroulées les 11 et 18 juin 2017, dans la 3ème circonscription du département de la Réunion, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018- 5611 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-4 et L. 52-12 ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les pièces du dossier desquelles il ressort que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à M. LEBIAN, qui n'a pas produit d'observations ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Il ressort également de l'article L. 52-12 que, sauf lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, celui-ci est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés qui met ce compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises.

2. Il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat ou un tiers règle à son profit directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du même code.

3. Le compte de campagne de M. LEBIAN a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 12 février 2018 au motif que le candidat a payé directement certaines dépenses.

4. Il résulte de l'instruction que le candidat a payé après la désignation du mandataire financier plusieurs dépenses représentant 20 % du total des dépenses devant être inscrites au compte et 2,8 % du plafond des dépenses autorisées, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral. C'est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne.

5. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, déclare inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

6. Nonobstant le caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, les dépenses acquittées directement par le candidat pour un montant de 1 839 euros ne représentent que 2,8 % du plafond de dépenses autorisées. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Il n'y a pas lieu de déclarer M. Jean-Hugues LEBIAN inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mai 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 1er juin 2018.

JORF n°0126 du 3 juin 2018, texte n° 57
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5611.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
  • 8.3.5.1.2.3. Règlement des dépenses

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que le candidat a payé directement, après la désignation du mandataire financier, plusieurs dépenses représentant 20 % du total des dépenses devant être inscrites au compte. Malgré le caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, les dépenses acquittées directement pour un montant de 1 839 euros ne représentent que 2,8 % du plafond de dépenses autorisées. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité.

(2018-5611 AN, 01 juin 2018, cons. 3, 4, 5, 6, JORF n°0126 du 3 juin 2018, texte n° 57)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.4. Dépenses payées directement

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que le candidat a payé directement, après la désignation du mandataire financier, plusieurs dépenses représentant 20 % du total des dépenses devant être inscrites au compte. Malgré le caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, les dépenses acquittées directement pour un montant de 1 839 euros ne représentent que 2,8 % du plafond de dépenses autorisées. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité.

(2018-5611 AN, 01 juin 2018, cons. 3, 4, 5, 6, JORF n°0126 du 3 juin 2018, texte n° 57)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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