Décision

Décision n° 2018-5581 AN du 18 mai 2018

A.N., Pas-de-Calais 4ème circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 février 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 1er février 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Stéphane SIECZKOWSKI-SAMIER, candidat aux élections qui se sont déroulées les 11 et 18 juin 2017 dans la 4ème circonscription du département du Pas-de-Calais, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5581 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;

  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ;

  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à M. SIECZKOWSKI-SAMIER, qui n'a pas produit d'observations ;

  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Il ressort également de l'article L. 52-12 que, sauf lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, celui-ci est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés qui met ce compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises.

2. Aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : « À compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ». Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

3. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. SIECZKOWSKI-SAMIER aux motifs que certaines dépenses afférentes à une manifestation ne figuraient pas au compte, que le coût de cette manifestation avait été pris en charge par une personne morale et que le compte de campagne n'avait pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le candidat a organisé le 14 avril 2017, dans la commune dont il est maire, une manifestation ayant pour objet de dresser un bilan à mi-parcours de son mandat de maire. Toutefois, au cours de cette manifestation, le candidat a annoncé sa candidature aux élections législatives. Cette manifestation doit donc être regardée comme présentant un caractère électoral. Or, contrairement aux prescriptions du second alinéa de l'article L. 52-1 précité, les dépenses afférentes à cette manifestation n'ont pas été portées au compte de campagne.

5. En deuxième lieu, le coût de cette manifestation a été intégralement pris en charge par la commune, en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 précité.

6. En dernier lieu, il est établi que le candidat n'a pas fait présenter son compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés.

7. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. SIECZKOWSKI-SAMIER.

8. En vertu du deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. Pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause. Par ailleurs, en vertu du troisième alinéa du même article L.O. 136-1, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, déclare également inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

9. Eu égard au nombre et au caractère substantiel des obligations méconnues dont M. SIECZKOWSKI-SAMIER ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu, par suite, de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - M. Stéphane SIECZKOWSKI-SAMIER est déclaré inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mai 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 18 mai 2018.

JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 159
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5581.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
  • 8.3.5.2.4. Conditions du dépôt
  • 8.3.5.2.4.2. Absence de certification par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés : inéligibilité

Candidat dont le compte a été rejeté aux motifs, notamment, qu'il n'avait pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Ce fait est établi. Compte tenu de cette irrégularité qui se cumule avec d'autres, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la décision.

(2018-5581 AN, 18 mai 2018, cons. 3, 6, 7, 9, JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 159 )
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.3. Présentation du compte
  • 8.3.5.3.2. Totalité des opérations financières

Candidat dont le compte de campagne a été rejeté aux motifs, notamment, que certaines dépenses afférentes à une manifestation ne figuraient pas au compte. Il résulte de l'instruction que le candidat a organisé le 14 avril 2017, dans la commune dont il est maire, une manifestation ayant pour objet de dresser un bilan à mi-parcours de son mandat de maire. Toutefois, au cours de cette manifestation, le candidat a annoncé sa candidature aux élections législatives. Cette manifestation doit donc être regardée comme présentant un caractère électoral. Or, contrairement aux prescriptions du second alinéa de l'article L. 52-1 précité, les dépenses afférentes à cette manifestation n'ont pas été portées au compte de campagne. Compte tenu du cumul de cette irrégularité avec d'autres, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la décision.

(2018-5581 AN, 18 mai 2018, cons. 3, 4, 7, 9, JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 159 )
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.5. Bénéfice d'un don ou d'un avantage entraînant le rejet du compte

Candidat dont le compte de campagne a été rejeté aux motifs, notamment, que le coût d'une manifestation avait été pris en charge par une personne morale. En premier lieu, le candidat a organisé le 14 avril 2017, dans la commune dont il est maire, une manifestation ayant pour objet de dresser un bilan à mi-parcours de son mandat de maire, mais au cours de laquelle il a annoncé sa candidature aux élections législatives. Cette manifestation doit donc être regardée comme présentant un caractère électoral. Or, contrairement aux prescriptions du second alinéa de l'article L. 52-1 précité, les dépenses afférentes à cette manifestation n'ont pas été portées au compte de campagne. En deuxième lieu, le coût de cette manifestation a été intégralement pris en charge par la commune, en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 précité. Eu égard au cumul de cette irrégularité avec d'autres, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la décision.

(2018-5581 AN, 18 mai 2018, cons. 3, 4, 5, 7, 9, JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 159 )
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.2. Dépenses devant figurer dans le compte
  • 8.3.5.5.2.6. Réunions

Candidat dont le compte de campagne a été rejeté aux motifs, notamment, que certaines dépenses afférentes à une manifestation ne figuraient pas au compte. Le candidat a organisé le 14 avril 2017, dans la commune dont il est maire, une manifestation ayant pour objet de dresser un bilan à mi-parcours de son mandat de maire, mais au cours de laquelle il a annoncé sa candidature aux élections législatives. Cette manifestation doit donc être regardée comme présentant un caractère électoral. Or, contrairement aux prescriptions du second alinéa de l'article L. 52-1 précité, les dépenses afférentes à cette manifestation n'ont pas été portées au compte de campagne. Cette irrégularité se cumulant avec d'autres, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la décision.

(2018-5581 AN, 18 mai 2018, cons. 4, 7, 8, 9, JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 159 )
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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