Décision

Décision n° 2018-5562 AN du 8 juin 2018

A.N., Polynésie française 1ère circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 8 février 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 31 janvier 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Tauhiti NENA, candidat aux élections qui se sont déroulées les 3 et 17 juin 2017, dans la 1ère circonscription du département de la Polynésie française, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5562 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-4 ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour M. NENA par Me Corinne Lepage, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 5 mars 2018 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

- Sur la régularité de la saisine du Conseil constitutionnel :

1. M. NENA soutient que la procédure engagée devant le Conseil constitutionnel est irrégulière, au motif que ce dernier aurait, à tort, été saisi sur le seul fondement du premier alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, applicable à un candidat dont le compte de campagne fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, ce qui n'est pas le cas du compte de campagne de M. NENA.

2. Toutefois, il résulte de l'article 2 de sa décision du 31 janvier 2018 mentionnée ci-dessus que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le Conseil constitutionnel « en application des articles L. 52-15 et L.O. 136-1 du code électoral ». Dès lors, le grief tiré de l'absence de régularité de la saisine du Conseil constitutionnel ne peut qu'être écarté.

- Sur le rejet du compte et l'inéligibilité :

3. Il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour du scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat ou un tiers règle à son profit directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixées par l'article L. 52-11 du même code.

4. Le compte de campagne de M. NENA a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 31 janvier 2018 au motif que le candidat a payé directement certaines dépenses.

5. Il résulte de l'instruction que le candidat a payé après la désignation du mandataire financier plusieurs factures, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article L. 52-4 précité. C'est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne.

6. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, déclare inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

7. M. NENA invoque le fait qu'un chéquier n'a que tardivement été délivré à son mandataire financier par l'établissement bancaire et la nécessité, en conséquence, de devoir régler lui-même certaines dépenses pour des raisons pratiques. Toutefois, il ne justifie pas avoir effectué des démarches auprès de la banque afin d'obtenir ce chéquier et les attestations produites ne permettent pas de connaître le motif ayant justifié cette remise tardive. En outre, après la délivrance d'un chéquier à son mandataire financier, le candidat a encore réglé lui-même une dépense. Au total, les dépenses engagées de manière irrégulière représentent 46,33 % de l'ensemble des dépenses engagées en vue de l'élection et 12,44 % du plafond des dépenses autorisées.

8. Compte tenu du caractère substantiel de l'obligation ainsi méconnue, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, l'inéligibilité de M. NENA à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - M. Tauhiti NENA est déclaré inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juin 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 8 juin 2018.

JORF n°0133 du 12 juin 2018, texte n° 56
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5562.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
  • 8.3.5.1.2.3. Règlement des dépenses

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que le candidat a payé après la désignation du mandataire financier plusieurs factures. Si le candidat invoque le fait qu'un chéquier n'a que tardivement été délivré à son mandataire financier par l'établissement bancaire et la nécessité, en conséquence, de devoir régler lui-même certaines dépenses pour des raisons pratiques. Il ne justifie pas avoir effectué des démarches auprès de la banque afin d'obtenir ce chéquier et les attestations produites ne permettent pas de connaître le motif ayant justifié cette remise tardive. En outre, après la délivrance d'un chéquier à son mandataire financier, le candidat a encore réglé lui-même une dépense. Au total, les dépenses engagées de manière irrégulière représentent 46,33 % de l'ensemble des dépenses engagées en vue de l'élection et 12,44 % du plafond des dépenses autorisées.

(2018-5562 AN, 08 juin 2018, cons. 4, 5, 6, 7, 8, JORF n°0133 du 12 juin 2018, texte n° 56 )
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.4. Dépenses payées directement

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que le candidat a payé après la désignation du mandataire financier plusieurs factures. Si le candidat invoque le fait qu'un chéquier n'a que tardivement été délivré à son mandataire financier par l'établissement bancaire et la nécessité, en conséquence, de devoir régler lui-même certaines dépenses pour des raisons pratiques. Il ne justifie pas avoir effectué des démarches auprès de la banque afin d'obtenir ce chéquier et les attestations produites ne permettent pas de connaître le motif ayant justifié cette remise tardive. En outre, après la délivrance d'un chéquier à son mandataire financier, le candidat a encore réglé lui-même une dépense. Au total, les dépenses engagées de manière irrégulière représentent 46,33 % de l'ensemble des dépenses engagées en vue de l'élection et 12,44 % du plafond des dépenses autorisées.

(2018-5562 AN, 08 juin 2018, cons. 4, 5, 6, 7, 8, JORF n°0133 du 12 juin 2018, texte n° 56 )
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.7. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
  • 8.3.5.7.2. Saisine

Alors que le candidat soutenait que la procédure engagée devant le Conseil constitutionnel était irrégulière, au motif que ce dernier aurait, à tort, été saisi sur le seul fondement du premier alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, applicable à un candidat dont le compte de campagne fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, ce qui n'était pas le cas du compte de campagne de ce candidat, le Conseil constitutionnel juge qu'il résulte de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques que celle-ci a saisi le Conseil constitutionnel « en application des articles L. 52-15 et L.O. 136-1 du code électoral ». Dès lors, le grief tiré de l'absence de régularité de la saisine du Conseil constitutionnel ne peut qu'être écarté.

(2018-5562 AN, 08 juin 2018, cons. 1, 2, JORF n°0133 du 12 juin 2018, texte n° 56 )
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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