Décision

Décision n° 2018-5518 AN du 21 septembre 2018

A.N., Vienne, 3ème circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 31 janvier 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 24 janvier 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Aymeric MAÎTRE du CHAMBON, candidat à l'élection législative qui a eu lieu les 11 et 18 juin 2017, dans la 3ème circonscription du département de la Vienne, en vue de la désignation d'un député. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5518 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par M. MAÎTRE du CHAMBON, enregistrées les 6 et 22 février 2018 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne et le déposer au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. L'article L. 52-15 prévoit que la commission saisit le juge de l'élection notamment lorsqu'elle constate que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit. L'article L.O. 136-1 dispose qu'alors le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. Le dépôt tardif, par un candidat, de son compte de campagne constitue, en principe, un manquement de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité.

2. M. MAÎTRE du CHAMBON a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés à l'issue du scrutin dont le premier tour s'est tenu le 11 juin 2017. À l'expiration du délai prévu à l'article L. 52-12 du code électoral, soit le 18 août 2017 à 18 heures, M. MAÎTRE du CHAMBON n'avait pas déposé son compte de campagne. Il n'avait pas davantage produit une attestation d'absence de dépense et de recette établie par un mandataire.

3. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le Conseil constitutionnel au motif que, M. MAÎTRE du CHAMBON n'ayant pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire financier par la préfecture de la Vienne, il ne pouvait pas être regardé comme n'ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques et était en conséquence tenu de déposer un compte de campagne.

4. En premier lieu, il résulte de l'article L. 52-15 du code électoral que la procédure contradictoire que cet article prescrit à la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques de suivre, avant de saisir le juge de l'élection, ne concerne que les cas où elle entend rejeter ou réformer un compte de campagne déposé conformément aux dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral et non celui de l'absence de dépôt du compte. Il suit de là que M. MAÎTRE du CHAMBON ne peut pas utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, que la lettre du 25 septembre 2017 par laquelle la Commission l'a informé de ce qu'elle envisageait de saisir le juge de l'élection ne lui est pas parvenue.

5. En second lieu, l'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l'espèce, M. MAÎTRE du CHAMBON n'a produit aucun justificatif de nature à combattre cette présomption. Il a au contraire communiqué au Conseil constitutionnel des éléments établissant qu'il avait effectivement reçu des dons de personnes physiques. Il était donc tenu de déposer son compte de campagne avant le 18 août 2017 à 18 heures, alors qu'il ne s'est acquitté de cette obligation que le 5 février 2018. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance, par M. MAÎTRE du CHAMBON, des obligations résultant de l'article L. 52-12.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer l'inéligibilité de M. MAÎTRE du CHAMBON à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - M. Aymeric MAÎTRE du CHAMBON est déclaré inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 septembre 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 21 septembre 2018.

JORF n°0221 du 25 septembre 2018, texte n° 86
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5518.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
  • 8.3.5.2.2. Délai du dépôt
  • 8.3.5.2.2.1. Non-respect du délai de dépôt

Candidat ayant obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin, qui n'a ni déposé de compte de campagne dans les délais, ni produit une attestation d'absence de dépense et de recette établie par un mandataire. La Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques a saisi le 31 janvier 2018 le Conseil constitutionnel au motif que n'ayant pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire en préfecture, il ne pouvait être regardé comme n'ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques et était en conséquence tenu de déposer un compte de campagne.
L'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l'espèce, le candidat n'a produit aucun justificatif de nature à combattre cette présomption. Il a au contraire communiqué au Conseil constitutionnel des éléments établissant qu'il avait effectivement reçu des dons de personnes physiques. Il était donc tenu de déposer son compte de campagne avant le 18 août 2017 à 18 heures, alors qu'il ne s'est acquitté de cette obligation que le 5 février 2018 (c'est-à-dire après la décision de la Commission). Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance, par l'intéressé, des obligations résultant de l'article L. 52-12. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

(2018-5518 AN, 21 septembre 2018, cons. 2, 3, 5, 6, JORF n°0221 du 25 septembre 2018, texte n° 86)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.7. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
  • 8.3.5.7.3. Procédure

Il résulte de l'article L. 52-15 du code électoral que la procédure contradictoire que cet article prescrit à la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques de suivre, avant de saisir le juge de l'élection, ne concerne que les cas où elle entend rejeter ou réformer un compte de campagne déposé conformément aux dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral et non celui de l'absence de dépôt du compte. Il suit de là que le candidat en cause ne peut pas utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, que la lettre du 25 septembre 2017 par laquelle la Commission l'a informé de ce qu'elle envisageait de saisir le juge de l'élection ne lui est pas parvenue.

(2018-5518 AN, 21 septembre 2018, cons. 4, JORF n°0221 du 25 septembre 2018, texte n° 86)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
Toutes les décisions