Décision

Décision n° 2018-5509 AN du 5 octobre 2018

AN, Guadeloupe, 2ème circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 31 janvier 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 17 janvier 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Moïse AYASSAMY, candidat aux élections qui se sont déroulées les 10 et 17 juin 2017, dans la 2ème circonscription du département de la Guadeloupe, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale dans le département. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5509 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;

  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ;

  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les pièces du dossier desquelles il ressort que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à M. AYASSAMY, qui n'a pas produit d'observations

  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Ce compte doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Il ressort également de l'article L. 52-12 que, sauf lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, celui-ci est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés qui met ce compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette.

2. L'article L.O. 136-1 du même code dispose que le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12.

3. M. AYASSAMY a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin qui s'est tenu le 10 juin 2017. À l'expiration du délai prévu à l'article L. 52-12 du code électoral, soit le 18 août 2017 à 18 heures, M. AYASSAMY n'avait pas déposé son compte de campagne. Il n'avait pas davantage produit une attestation d'absence de dépense et de recette établie par un mandataire.

4. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le Conseil constitutionnel au motif que M. AYASSAMY n'ayant pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire en préfecture, il ne pouvait être regardé comme n'ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques et était en conséquence tenu de déposer un compte de campagne.

5. L'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l'espèce, si le candidat indique avoir restitué, à la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre, les carnets de reçus-dons qui avaient été remis à son mandataire financier, cet élément de fait n'a pu être confirmé par la préfecture de Guadeloupe. Par ailleurs, les éléments produits par le candidat ne sont pas de nature à combattre cette présomption. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-12 du code électoral. Par suite, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité de M. AYASSAMY pour une durée de trois ans.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - M. Moïse AYASSAMY est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision ;
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 octobre 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 5 octobre 2018.

JORF n°0233 du 9 octobre 2018, texte n° 140
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5509.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
  • 8.3.5.2.1. Obligation de dépôt du compte de campagne
  • 8.3.5.2.1.1. Absence de dépôt

Candidat ayant obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin, qui n'a ni déposé de compte de campagne dans les délais, ni produit une attestation d'absence de dépense et de recette établie par un mandataire. La Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques a saisi le Conseil constitutionnel au motif que n'ayant pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire en préfecture, il ne pouvait être regardé comme n'ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques et était en conséquence tenu de déposer un compte de campagne.
L'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l'espèce, si le candidat indique avoir restitué, à la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre, les carnets de reçus-dons qui avaient été remis à son mandataire financier, cet élément de fait n'a pu être confirmé par la préfecture de Guadeloupe. Par ailleurs, les éléments produits par le candidat ne sont pas de nature à combattre cette présomption. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-12. Dès lors, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la décision.

(2018-5509 AN, 05 octobre 2018, cons. 3, 4, 5, JORF n°0233 du 9 octobre 2018, texte n° 140)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
Toutes les décisions