Décision

Décision n° 2018-5421 AN du 1er juin 2018

A.N., Sarthe 4ème circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 janvier 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 10 janvier 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Emmanuel d'AILLIÈRES, candidat aux élections qui se sont déroulées les 11 et 18 juin 2017 dans la 4ème circonscription du département de la Sarthe, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5421 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;

  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ;

  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par M. d'AILLIÈRES, enregistrées le 5 février 2018 ;

  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat ou un tiers règle à son profit directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du même code. Par ailleurs, l'article L. 52-6 du même code fait obligation au mandataire financier d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières.

2. Le compte de campagne de M. d'AILLIÈRES a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 10 janvier 2018 au motif que M. d'AILLIÈRES a payé directement 9 434 euros de dépenses.

3. Il résulte de l'instruction que le candidat a réglé sur ses deniers personnels, entre le 21 avril et le 28 juin 2017, six factures ainsi que des frais de restauration. Le règlement de ces dépenses de campagne doit être regardé comme contrevenant aux dispositions de l'article L. 52-4 mentionné ci-dessus. C'est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. d'AILLIÈRES.

4. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, déclare inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

5. Si le candidat invoque le fait que le compte bancaire de son mandataire n'a été ouvert par l'établissement bancaire sollicité en ce sens que le 3 mai 2017, qu'il n'a été « validé » que le 23 mai 2017, et qu'il s'est ainsi trouvé dans l'obligation de régler certaines dépenses en urgence, il ne peut utilement se prévaloir d'une telle circonstance alors que l'obligation, pour le mandataire financier, d'ouvrir un compte bancaire constitue, en application de l'article L. 52-6 du code électoral, une formalité substantielle à laquelle il ne peut être dérogé. Par ailleurs, les dépenses engagées de manière irrégulière représentent 42,7 % du montant total des dépenses engagées en vue de l'élection et 13,7 % du plafond de dépenses autorisées. Par suite, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité de M. d'AILLIÈRES à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - M. Emmanuel d'AILLIÈRES est déclaré inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mai 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 1er juin 2018.

JORF n°0126 du 3 juin 2018, texte n° 42
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5421.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
  • 8.3.5.1.2.3. Règlement des dépenses

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que le candidat a payé directement sur ses deniers personnels 9 434 euros de dépenses représentent 42,7 % du montant total des dépenses engagées en vue de l'élection et 13,7 % du plafond de dépenses autorisées. Si le candidat invoque le fait que le compte bancaire de son mandataire n'a  été ouvert par l'établissement bancaire sollicité en ce sens que tardivement et qu'il s'est ainsi trouvé dans l'obligation de régler certaines dépenses en urgence, il ne peut utilement se prévaloir d'une telle circonstance alors que l'obligation, pour le mandataire financier, d'ouvrir un compte bancaire constitue, en application de l'article L. 52-6 du code électoral, une formalité substantielle à laquelle il ne peut être dérogé. Il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la décision.

(2018-5421 AN, 01 juin 2018, cons. 2, 3, 5, JORF n°0126 du 3 juin 2018, texte n° 42)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.4. Dépenses payées directement

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que le candidat a payé directement sur ses deniers personnels 9 434 euros de dépenses représentent 42,7 % du montant total des dépenses engagées en vue de l'élection et 13,7 % du plafond de dépenses autorisées. Si le candidat invoque le fait que le compte bancaire de son mandataire n'a  été ouvert par l'établissement bancaire sollicité en ce sens que tardivement et qu'il s'est ainsi trouvé dans l'obligation de régler certaines dépenses en urgence, il ne peut utilement se prévaloir d'une telle circonstance alors que l'obligation, pour le mandataire financier, d'ouvrir un compte bancaire constitue, en application de l'article L. 52-6 du code électoral, une formalité substantielle à laquelle il ne peut être dérogé. Il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la décision.

(2018-5421 AN, 01 juin 2018, cons. 2, 3, 5, JORF n°0126 du 3 juin 2018, texte n° 42)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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