Décision

Décision n° 2018-40 I du 29 novembre 2018

Situation de M. Philippe GOMÈS au regard du régime des incompatibilités parlementaires
Incompatibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juillet 2018 par M. Philippe GOMÈS, député, en application du premier alinéa de l'article L.O. 151-2 du code électoral, sous le n° 2018-40 I, d'une demande tendant à apprécier s'il se trouve dans un cas d'incompatibilité.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • le code électoral, notamment son article L.O. 151-2 ;
  • le code de commerce ;
  • la délibération du congrès de la Nouvelle-Calédonie n° 222 du 12 janvier 2017 portant création d'un établissement public administratif dénommé « Agence calédonienne de l'énergie » ;

Au vu des pièces suivantes :

  • l'extrait du procès-verbal de la réunion du bureau de l'Assemblée nationale du 6 juin 2018, produit par le Président de cette assemblée à la demande du Conseil constitutionnel le 23 juillet 2018 ;
  • les observations produites par M. GOMÈS à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction, enregistrées le 15 octobre 2018 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La question posée au Conseil constitutionnel par M. Philippe GOMÈS est de savoir si, en raison de ses fonctions exercées au sein de la société Nouvelle-Calédonie Énergie, il se trouve dans un des cas d'incompatibilité prévus par le code électoral.

2. Aux termes de l'article L.O. 146 du code électoral : « Sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général délégué ou gérant exercées dans : …« 3 ° les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services destinés spécifiquement à ou devant faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un État étranger ».

3. En premier lieu, la société Nouvelle-Calédonie Énergie est une société par actions simplifiée créée le 24 octobre 2016 et présidée par M. GOMÈS. En vertu du troisième alinéa de l'article L. 227-1 du code de commerce, les règles concernant les sociétés anonymes sont, sauf exceptions, applicables à la société par actions simplifiée. Ainsi, les attributions du conseil d'administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet.

4. Il en résulte que les fonctions de président de la société Nouvelle-Calédonie Énergie exercées par M. GOMÈS sont, pour l'application du premier alinéa de l'article L.O. 146 du code électoral, équivalentes à celles de président du conseil d'administration d'une société anonyme. Le fait qu'il exerce ces fonctions à titre bénévole ne saurait tenir en échec les dispositions de cet article dès lors que les incompatibilités qu'il édicte ne sont pas liées à la rémunération des fonctions qu'il vise.

5. En second lieu, les fonctions de direction au sein d'une société entrent dans le champ d'application des dispositions du 3 ° de l'article L.O. 146 du code électoral dès lors que l'activité de ladite société consiste, au moins pour partie, dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services, soit lorsque ceux-ci sont destinés spécifiquement à l'État, une collectivité publique, un établissement public, une entreprise nationale ou un État étranger, soit lorsqu'ils doivent faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part de ces entités.

6. En l'espèce, la société Nouvelle-Calédonie Énergie a notamment pour objet, selon l'article 5 de ses statuts : « L'étude, la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une centrale électrique et de ses installations connexes … sur le site de Doniambo à Nouméa aux fins de contribuer à la satisfaction des besoins en électricité d'une part, du réseau public de la Nouvelle-Calédonie et d'autre part, des installations industrielles et métallurgiques de la société LE NICKEL-SLN sur le site de Doniambo ». La moitié de son capital est détenue par l'Agence calédonienne de l'énergie, établissement public administratif créé par la délibération du congrès de Nouvelle-Calédonie du 12 janvier 2017 mentionnée ci-dessus, qui prévoit que cette agence « a pour objet de concourir à la mise en œuvre du schéma pour la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie », notamment en contribuant « aux financements d'installations de production électrique », et que, pour assurer ses missions, « l'agence pourra procéder à la prise directe ou indirecte, à l'extension ou à la cession de participations financières au sein de sociétés ou d'organismes exerçant une activité en rapport avec l'objet de l'agence ». En outre, le projet de nouvelle centrale électrique est prévu par le contrat de développement 2017-2021 signé le 13 décembre 2016 entre l'État et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui stipule que « la maîtrise d'ouvrage » des études en vue de la réalisation de cette centrale sera confiée à la société Nouvelle-Calédonie Énergie et que cette opération bénéficie d'un cofinancement public, dont 70 % provenant de la collectivité de Nouvelle-Calédonie.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Nouvelle-Calédonie Énergie doit être regardée comme une société dont l'activité consiste, au moins pour partie, dans l'exécution de travaux et la prestation de services destinés spécifiquement à une collectivité publique et à un établissement public.

8. Par conséquent, en application des dispositions de l'article L.O. 146 du code électoral, l'exercice des fonctions de président de la société Nouvelle-Calédonie Énergie place M. GOMÈS dans une situation d'incompatibilité avec l'exercice de son mandat de député.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er.- Les fonctions de président de la société Nouvelle-Calédonie Énergie exercées par M. Philippe GOMÈS sont incompatibles avec l'exercice de son mandat de député.
Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président de l'Assemblée nationale, à M. GOMÈS et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 novembre 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Jean-Jacques HYEST, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 29 novembre 2018.

JORF n°0278 du 1 décembre 2018, texte n° 81
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.40.I

Les abstracts

  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.2. Procédure

La saisine par un député d'une demande tendant à apprécier s'il se trouve dans un cas d'incompatibilité est recevable, dès lors qu'un doute sur cette question, au sens de l'article L.O. 151-2 du code électoral, avait été émis au sein du bureau de l'Assemblée nationale, lors d'une réunion mentionnée dans les visas de la décision.

(2018-40 I, 29 novembre 2018, JORF n°0278 du 1 décembre 2018, texte n° 81)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
  • 10.1.2.4.3. Sociétés travaillant pour le compte ou sous le contrôle d'une personne publique ou sociétés prévues à l'article L.O. 146, 3°

Les fonctions de direction au sein d'une société entrent dans le champ d'application des dispositions du 3° de l'article L.O. 146 du code électoral dès lors que l'activité de ladite société consiste, au moins pour partie, dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services, soit lorsque ceux-ci sont destinés spécifiquement à l'État, une collectivité publique, un établissement public, une entreprise nationale ou un État étranger, soit lorsqu'ils doivent faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part de ces entités. En l'espèce, la société Nouvelle-Calédonie Énergie a notamment pour objet, selon l'article 5 de ses statuts : « L'étude, la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une centrale électrique et de ses installations connexes … sur le site de Doniambo à Nouméa aux fins de contribuer à la satisfaction des besoins en électricité d'une part, du réseau public de la Nouvelle-Calédonie et d'autre part, des installations industrielles et métallurgiques de la société LE NICKEL-SLN sur le site de Doniambo ». La moitié de son capital est détenue par l'Agence calédonienne de l'énergie, établissement public administratif créé par la délibération du congrès de Nouvelle-Calédonie du 12 janvier 2017, qui prévoit que cette agence « a pour objet de concourir à la mise en œuvre du schéma pour la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie », notamment en contribuant « aux financements d'installations de production électrique », et que, pour assurer ses missions, « l'agence pourra procéder à la prise directe ou indirecte, à l'extension ou à la cession de participations financières au sein de sociétés ou d'organismes exerçant une activité en rapport avec l'objet de l'agence ». En outre, le projet de nouvelle centrale électrique est prévu par le contrat de développement 2017-2021 signé le 13 décembre 2016 entre l'État et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui stipule que « la maîtrise d'ouvrage » des études en vue de la réalisation de cette centrale sera confiée à la société Nouvelle-Calédonie Énergie et que cette opération bénéficie d'un cofinancement public, dont 70 % provenant de la collectivité de Nouvelle-Calédonie. Il résulte de ce qui précède que la société Nouvelle-Calédonie Énergie doit être regardée comme une société dont l'activité consiste, au moins pour partie, dans l'exécution de travaux et la prestation de services destinés spécifiquement à une collectivité publique et à un établissement public.

(2018-40 I, 29 novembre 2018, cons. 5, 6, 7, 8, JORF n°0278 du 1 décembre 2018, texte n° 81)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
  • 10.1.2.4.11. Fonctions de président du conseil d'administration d'une société relevant de l'article L.O.146

En vertu du troisième alinéa de l'article L. 227-1 du code de commerce, les règles concernant les sociétés anonymes sont, sauf exceptions, applicables à la société par actions simplifiée. Ainsi, les attributions du conseil d'administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet. Il en résulte que les fonctions de président de la société par actions simplifiée en cause sont, pour l'application du premier alinéa de l'article L.O. 146 du code électoral, équivalentes à celles de président du conseil d'administration d'une société anonyme. Le fait que le député exerce ces fonctions à titre bénévole ne saurait tenir en échec les dispositions de cet article dès lors que les incompatibilités qu'il édicte ne sont pas liées à la rémunération des fonctions qu'il vise.

(2018-40 I, 29 novembre 2018, cons. 3, 4, JORF n°0278 du 1 décembre 2018, texte n° 81)
À voir aussi sur le site : Dossier documentaire, Version PDF de la décision.
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