Décision

Décision n° 2017-665 QPC du 20 octobre 2017

Confédération générale du travail - Force ouvrière [Licenciement en cas de refus d'application d'un accord en vue de la préservation ou du développement de l'emploi]
Conformité - réserve

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 20 juillet 2017 par le Conseil d'État (décision no 408379 du 19 juillet 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la Confédération générale du travail - Force ouvrière par Me Thomas Haas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-665 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2254-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code du travail ;
  • la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour le syndicat requérant par Me Haas, enregistrées le 2 août 2017 ;
  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 11 août 2017 ;
  • les observations en intervention présentées pour la Confédération générale du travail par Mes Christophe Saltzmann et Rachel Spire, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 9 août 2017 ;
  • les pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Saltzmann, pour le syndicat intervenant, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 octobre 2017 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article L. 2254-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« I. - Lorsqu'un accord d'entreprise est conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi, ses stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail.
« Lorsque l'employeur envisage d'engager des négociations relatives à la conclusion d'un accord mentionné au premier alinéa du présent I, il transmet aux organisations syndicales de salariés toutes les informations nécessaires à l'établissement d'un diagnostic partagé entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés.
« L'accord mentionné au même premier alinéa comporte un préambule indiquant notamment les objectifs de l'accord en matière de préservation ou de développement de l'emploi. Par dérogation au second alinéa de l'article L. 2222-3-3, l'absence de préambule entraîne la nullité de l'accord.
« L'accord mentionné au premier alinéa du présent I ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié.
« Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, cet accord peut être négocié et conclu par des représentants élus mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans les conditions prévues aux articles L. 2232-21 et L. 2232-21-1 ou, à défaut, par un ou plusieurs salariés mandatés mentionnés à l'article L. 2232-24.
« II. - Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l'application de l'accord mentionné au premier alinéa du I du présent article. Ce refus doit être écrit.
« Si l'employeur engage une procédure de licenciement à l'encontre du salarié ayant refusé l'application de l'accord mentionné au même premier alinéa, ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse et est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1233-11 à L. 1233-15 applicables au licenciement individuel pour motif économique ainsi qu'aux articles L. 1234-1 à L. 1234-20. La lettre de licenciement comporte l'énoncé du motif spécifique sur lequel repose le licenciement.
« L'employeur est tenu de proposer, lors de l'entretien préalable, le bénéfice du dispositif d'accompagnement mentionné à l'article L. 2254-3 à chaque salarié dont il envisage le licenciement. Lors de cet entretien, l'employeur informe le salarié par écrit du motif spécifique mentionné au deuxième alinéa du présent II et sur lequel repose la rupture en cas d'acceptation par celui-ci du dispositif d'accompagnement.
« L'adhésion du salarié au parcours d'accompagnement personnalisé mentionné à l'article L. 2254-3 emporte rupture du contrat de travail.
« Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis, ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu'aurait été l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l'employeur mentionné à l'article L. 2254-6.
« Les régimes social et fiscal applicables à ce solde sont ceux applicables aux indemnités compensatrices de préavis.
« Un décret définit les délais de réponse du salarié à la proposition de l'employeur mentionnée au troisième alinéa du présent II ainsi que les conditions dans lesquelles le salarié adhère au parcours d'accompagnement personnalisé.
« III. - L'accord mentionné au premier alinéa du I du présent article précise :
« 1 ° Les modalités selon lesquelles est prise en compte la situation des salariés invoquant une atteinte disproportionnée à leur vie personnelle ou familiale ;
« 2 ° Les modalités d'information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée.
« L'accord peut prévoir les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés :
« - les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l'accord ;
« - les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance.
« L'accord peut prévoir les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d'une amélioration de la situation économique de l'entreprise à l'issue de l'accord.
« Afin d'assister dans la négociation les délégués syndicaux ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés mentionnés au dernier alinéa du I, un expert-comptable peut être mandaté :
« a) Par le comité d'entreprise, dans les conditions prévues à l'article L. 2325-35 ;
« b) Dans les entreprises ne disposant pas d'un comité d'entreprise :
« - par les délégués syndicaux ;
« - à défaut, par les représentants élus mandatés ;
« - à défaut, par les salariés mandatés.
« Le coût de l'expertise est pris en charge par l'employeur.
« Un décret définit la rémunération mensuelle mentionnée à l'avant-dernier alinéa du I du présent article et les modalités selon lesquelles les salariés sont informés et font connaître, le cas échéant, leur refus de voir appliquer l'accord à leur contrat de travail.
« IV. - Par dérogation au premier alinéa de l'article L. 2222-4, l'accord est conclu pour une durée déterminée. À défaut de stipulation de l'accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans.
« V. - Un bilan de l'application de l'accord est effectué chaque année par les signataires de l'accord ».

2. Le syndicat requérant soutient que ces dispositions  méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi en ce qu'elles permettraient à l'employeur de choisir discrétionnairement quels salariés licencier parmi ceux ayant refusé la modification de leur contrat de travail résultant de l'application d'un accord de préservation ou de développement de l'emploi. Ces dispositions seraient également entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant le principe d'égalité devant la loi, faute de préciser la notion de « rémunération mensuelle ».

3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa du paragraphe II et le dernier alinéa du paragraphe III de l'article L. 2254-2 du code du travail.

4. Le syndicat intervenant reproche aux dispositions sur lesquelles porte la question prioritaire de constitutionnalité d'être contraires au droit à l'emploi. D'une part, ces dispositions, en qualifiant de cause réelle et sérieuse le motif du licenciement du salarié ayant refusé la modification de son contrat de travail, priveraient l'intéressé du bénéfice du contrôle du juge sur ce motif. D'autre part, elles excluraient l'application à son profit des dispositions relatives au reclassement des salariés licenciés. Le syndicat intervenant reproche également à ces dispositions de porter atteinte au droit de mener une vie familiale normale. Les autres griefs du syndicat intervenant ne portent pas sur les dispositions contestées.

- Sur le deuxième alinéa du paragraphe II de l'article L. 2254-2 du code du travail :

. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du droit à l'emploi :

5. Selon le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Dès lors il incombe au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, de poser des règles propres à assurer le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre. Il lui incombe également d'assurer la mise en œuvre de ce droit tout en le conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

6. En application de l'article L. 2254-2 du code du travail, les stipulations des accords de préservation et de développement de l'emploi se substituent de plein droit aux clauses contraires du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail, sans pouvoir toutefois diminuer la rémunération mensuelle du salarié. Chaque salarié peut refuser, par écrit, la modification de son contrat de travail qui résulte de l'application de l'accord. Dans cette hypothèse, les dispositions contestées donnent la faculté à l'employeur de le licencier. En outre, ces dispositions excluent du bénéfice du droit au reclassement dans l'entreprise ou le groupe, prévu à l'article L. 1233-4 du code du travail, les salariés licenciés pour avoir refusé la modification de leur contrat de travail consécutive à l'adoption d'un accord de préservation et de développement de l'emploi.

7. D'une part, en instaurant les accords prévus à l'article L. 2254-2 du code du travail, le législateur a entendu favoriser la préservation et le développement de l'emploi en permettant aux entreprises d'ajuster leur organisation collective afin de garantir leur pérennité et leur développement.

8. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé.

9. D'autre part, en premier lieu, le législateur a apporté au licenciement fondé sur ce motif les mêmes garanties que celles prévues pour le licenciement individuel pour motif économique en matière d'entretien préalable, de notification, de préavis et d'indemnités.

10. En deuxième lieu, le fait que la loi ait réputé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse n'interdit pas au salarié de contester ce licenciement devant le juge afin que ce dernier examine si les conditions prévues au paragraphe II de l'article L. 2254-2 du code du travail sont réunies.

11. En troisième lieu, en prévoyant l'exclusion du bénéfice de l'obligation de reclassement, dont la mise en œuvre peut impliquer une modification du contrat de travail de l'intéressé identique à celle qu'il a refusée, le législateur a tenu compte des difficultés qu'une telle obligation serait susceptible de présenter.

12. En dernier lieu, si le législateur n'a pas fixé de délai à l'employeur pour décider du licenciement du salarié qui l'a averti de son refus de modification de son contrat de travail, un licenciement fondé sur ce motif spécifique ne saurait, sans méconnaître le droit à l'emploi, intervenir au-delà d'un délai raisonnable à compter de ce refus.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 12, le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles qui découlent du droit d'obtenir un emploi et de la liberté d'entreprendre. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du droit à l'emploi doit être écarté.

. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi :

14. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

15. En permettant à un employeur de licencier un salarié ayant refusé la modification de son contrat de travail résultant de l'application d'un accord de préservation et de développement de l'emploi, le législateur a placé dans la même situation juridique l'ensemble des salariés refusant cette modification. Il n'a donc pas établi de différence de traitement entre eux. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté.

- Sur le dernier alinéa du paragraphe III de l'article L. 2254-2 du code du travail :

16. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

17. En faisant référence, au dernier alinéa du paragraphe III de l'article L. 2254-2 du code du travail, à la notion de « rémunération mensuelle », le législateur a entendu renvoyer à la définition de la rémunération figurant à l'article L. 3221-3 du même code. Par conséquent et en tout état de cause, le grief tiré de l'incompétence négative du législateur doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième alinéa du paragraphe II et le dernier alinéa du paragraphe III de l'article L. 2254-2 du code du travail, qui ne méconnaissent ni le droit de mener une vie familiale normale ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution.

 
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Le dernier alinéa du paragraphe III de l'article L. 2254-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, est conforme à la Constitution.
 
Article 2. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 12, le deuxième alinéa du paragraphe II du même article L. 2254-2, dans la même rédaction, est conforme à la Constitution.
 
Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 octobre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
 
 
Rendu public le 20 octobre 2017.

JORF n°0248 du 22 octobre 2017, texte n° 34
ECLI : FR : CC : 2017 : 2017.665.QPC

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
  • 3.3.4. Incompétence négative
  • 3.3.4.2. Absence d'incompétence négative
  • 3.3.4.2.1. Le législateur a épuisé sa compétence

La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
En faisant référence, au dernier alinéa du paragraphe III de l'article L. 2254-2 du code du travail, à la notion de « rémunération mensuelle », le législateur a entendu renvoyer à la définition de la rémunération figurant à l'article L. 3221-3 du même code. Par conséquent et en tout état de cause, le grief tiré de l'incompétence négative du législateur doit être écarté.

(2017-665 QPC, 20 octobre 2017, cons. 16, 17, JORF n°0248 du 22 octobre 2017, texte n° 34)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.9. DROITS CONSTITUTIONNELS DES TRAVAILLEURS
  • 4.9.2. Droits individuels des travailleurs
  • 4.9.2.1. Droit d'obtenir un emploi (alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946)
  • 4.9.2.1.2. Applications
  • 4.9.2.1.2.3. Droit au travail et licenciement des salariés

En application de l'article L. 2254-2 du code du travail, les stipulations des accords de préservation et de développement de l'emploi se substituent de plein droit aux clauses contraires du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail, sans pouvoir toutefois diminuer la rémunération mensuelle du salarié. Chaque salarié peut refuser, par écrit, la modification de son contrat de travail qui résulte de l'application de l'accord. Dans cette hypothèse, les dispositions contestées donnent la faculté à l'employeur de le licencier. En outre, ces dispositions excluent du bénéfice du droit au reclassement dans l'entreprise ou le groupe, prévu à l'article L. 1233-4 du code du travail, les salariés licenciés pour avoir refusé la modification de leur contrat de travail consécutive à l'adoption d'un accord de préservation et de développement de l'emploi.
D'une part, en instaurant les accords prévus à l'article L. 2254-2 du code du travail, le législateur a entendu favoriser la préservation et le développement de l'emploi en permettant aux entreprises d'ajuster leur organisation collective afin de garantir leur pérennité et leur développement.
Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé.
D'autre part, en premier lieu, le législateur a apporté au licenciement fondé sur ce motif les mêmes garanties que celles prévues pour le licenciement individuel pour motif économique en matière d'entretien préalable, de notification, de préavis et d'indemnités.
En deuxième lieu, le fait que la loi ait réputé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse n'interdit pas au salarié de contester ce licenciement devant le juge afin que ce dernier examine si les conditions prévues au paragraphe II de l'article L. 2254-2 du code du travail sont réunies.
En troisième lieu, en prévoyant l'exclusion du bénéfice de l'obligation de reclassement, dont la mise en œuvre peut impliquer une modification du contrat de travail de l'intéressé identique à celle qu'il a refusée, le législateur a tenu compte des difficultés qu'une telle obligation serait susceptible de présenter.
En dernier lieu, si le législateur n'a pas fixé de délai à l'employeur pour décider du licenciement du salarié qui l'a averti de son refus de modification de son contrat de travail, un licenciement fondé sur ce motif spécifique ne saurait, sans méconnaître le droit à l'emploi, intervenir au-delà d'un délai raisonnable à compter de ce refus.
Il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles qui découlent du droit d'obtenir un emploi et de la liberté d'entreprendre. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du droit à l'emploi doit être écarté.

(2017-665 QPC, 20 octobre 2017, cons. 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, JORF n°0248 du 22 octobre 2017, texte n° 34)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.21. LIBERTÉS ÉCONOMIQUES
  • 4.21.2. Liberté d'entreprendre
  • 4.21.2.5. Conciliation du principe
  • 4.21.2.5.3. Avec des exigences de droit social

En application de l'article L. 2254-2 du code du travail, les stipulations des accords de préservation et de développement de l'emploi se substituent de plein droit aux clauses contraires du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail, sans pouvoir toutefois diminuer la rémunération mensuelle du salarié. Chaque salarié peut refuser, par écrit, la modification de son contrat de travail qui résulte de l'application de l'accord. Dans cette hypothèse, les dispositions contestées donnent la faculté à l'employeur de le licencier. En outre, ces dispositions excluent du bénéfice du droit au reclassement dans l'entreprise ou le groupe, prévu à l'article L. 1233-4 du code du travail, les salariés licenciés pour avoir refusé la modification de leur contrat de travail consécutive à l'adoption d'un accord de préservation et de développement de l'emploi.
D'une part, en instaurant les accords prévus à l'article L. 2254-2 du code du travail, le législateur a entendu favoriser la préservation et le développement de l'emploi en permettant aux entreprises d'ajuster leur organisation collective afin de garantir leur pérennité et leur développement.
Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé.
D'autre part, en premier lieu, le législateur a apporté au licenciement fondé sur ce motif les mêmes garanties que celles prévues pour le licenciement individuel pour motif économique en matière d'entretien préalable, de notification, de préavis et d'indemnités.
En deuxième lieu, le fait que la loi ait réputé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse n'interdit pas au salarié de contester ce licenciement devant le juge afin que ce dernier examine si les conditions prévues au paragraphe II de l'article L. 2254-2 du code du travail sont réunies.
En troisième lieu, en prévoyant l'exclusion du bénéfice de l'obligation de reclassement, dont la mise en œuvre peut impliquer une modification du contrat de travail de l'intéressé identique à celle qu'il a refusée, le législateur a tenu compte des difficultés qu'une telle obligation serait susceptible de présenter.
En dernier lieu, si le législateur n'a pas fixé de délai à l'employeur pour décider du licenciement du salarié qui l'a averti de son refus de modification de son contrat de travail, un licenciement fondé sur ce motif spécifique ne saurait, sans méconnaître le droit à l'emploi, intervenir au-delà d'un délai raisonnable à compter de ce refus.
Il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles qui découlent du droit d'obtenir un emploi et de la liberté d'entreprendre. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du droit à l'emploi doit être écarté.

(2017-665 QPC, 20 octobre 2017, cons. 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, JORF n°0248 du 22 octobre 2017, texte n° 34)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.3. Respect du principe d'égalité : absence de différence de traitement
  • 5.1.3.9. Droit social
  • 5.1.3.9.6. Droit du travail et droit syndical

En permettant à un employeur de licencier un salarié ayant refusé la modification de son contrat de travail résultant de l'application d'un accord de préservation et de développement de l'emploi, le législateur a placé dans la même situation juridique l'ensemble des salariés refusant cette modification. Il n'a donc pas établi de différence de traitement entre eux. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté.

(2017-665 QPC, 20 octobre 2017, cons. 6, 15, JORF n°0248 du 22 octobre 2017, texte n° 34)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Compte tenu des griefs du requérant, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa du paragraphe II et le dernier alinéa du paragraphe III de l'article L. 2254-2 du code du travail.

(2017-665 QPC, 20 octobre 2017, cons. 3, JORF n°0248 du 22 octobre 2017, texte n° 34)
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