Décision

Décision n° 2017-5098/5159 AN du 18 décembre 2017

A.N., Haute-Garonne (8ème circ.), M. Michel MONTSARRAT et autre
Annulation

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2017 d'une requête présentée par Mes Philippe Azouaou et Jean-Pierre Mignard, avocats au barreau de Paris, pour M. Michel MONTSARRAT, candidat à l'élection qui s'est déroulée dans la 8ème circonscription du département de Haute-Garonne, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 11 et 18 juin 2017 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5098 AN.
Il a également été saisi le 29 juin 2017 d'une requête tendant aux mêmes fins, présentée par M. Jean-Luc RIVIÈRE, candidat à cette même élection, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5159 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • le mémoire en défense et les mémoires complémentaires, présentés pour M. Joël AVIRAGNET, par Me Gilles Gauer, avocat au barreau de Montpellier, enregistrés les 14 septembre, 5 et 23 octobre 2017 ;
  • le mémoire complémentaire présenté pour M. MONTSARRAT, par Mes Azouaou et Mignard, enregistré le 5 octobre 2017 ;
  • les mémoires complémentaires présentés par M. RIVIÈRE, enregistrés les 5 octobre, 10 novembre et 5 décembre 2017 ;
  • les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 11 et 13 septembre 2017 ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2017 approuvant après réformation le compte de campagne de M. AVIRAGNET ;
  • les pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu les parties et leurs conseils ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les requêtes mentionnées ci-dessus sont dirigées contre la même élection. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.

2. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin.

3. M. MONTSARRAT soutient que les signatures figurant pour les deux tours de scrutin en marge du nom d'un même électeur présentent, dans 164 cas, des différences qui établissent que le vote n'a pas été effectué par l'électeur. Il résulte de l'instruction, notamment de l'examen des listes d'émargement des bureaux de vote concernés, que, pour l'essentiel des cas, les différences alléguées ne sont pas probantes. En revanche, quatre votes, correspondant à des différences de signature significatives, doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés au second tour de scrutin.

4. En deuxième lieu, M. MONTSARRAT soutient que l'examen des listes d'émargement et des procès-verbaux des opérations électorales révèle des différences dans plusieurs communes de la circonscription entre le nombre de bulletins trouvés dans l'urne et le nombre d'émargements. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen des listes d'émargement et des procès-verbaux, qu'une différence d'un vote est relevée dans la commune de Saint-Bertrand-de-Comminges et qu'une différence de dix votes est relevée dans la commune de Montastruc-de-Salies. Par suite, 11 votes doivent être regardés comme exprimés de manière irrégulière.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déduire 15 voix, tant du nombre de voix obtenues par M. AVIRAGNET, candidat proclamé élu de la 8ème circonscription de Haute-Garonne, que du nombre de suffrages exprimés. L'écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s'établit ainsi à 76.

6. En troisième lieu, M. MONTSARRAT soutient que les résultats du second tour de scrutin qui s'est déroulé dans la commune de Gensac-de-Boulogne sont dépourvus d'authenticité dès lors que la liste d'émargement n'a pas été jointe au procès-verbal des opérations électorales à l'issue du scrutin.

7. L'article L. 68 du code électoral prévoit que « les listes d'émargement de chaque bureau de vote, ainsi que les documents qui y sont réglementairement annexés, sont joints aux procès-verbaux des opérations de vote transmis immédiatement après le dépouillement du scrutin à la préfecture ».

8. Il résulte de l'instruction que le bureau de vote unique de la commune de Gensac-de-Boulogne, dans lequel 124 électeurs sont inscrits et où 64 votes auraient été exprimés au second tour dont 15 en faveur de M. MONTSARRAT, n'a pas transmis la liste d'émargement à la préfecture à l'issue du scrutin, mais un document qualifié d'« interne » sur lequel les membres du bureau de vote relevaient les noms des électeurs ayant voté. M. AVIRAGNET a produit, dans le cadre du contentieux devant le Conseil constitutionnel, un document présenté comme étant la liste d'émargement authentique, qui aurait été conservée par erreur à la mairie de Gensac-de-Boulogne. Néanmoins, l'absence de production de la liste d'émargement à la préfecture, comme pièce jointe au procès-verbal des opérations électorales, rend impossible le contrôle par le juge électoral de la régularité de celles-ci, notamment la vérification du nombre de suffrages exprimés.

9. Dès lors, compte tenu du faible écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin, il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, d'annuler les opérations électorales contestées.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 8ème circonscription du département de Haute-Garonne les 11 et 18 juin 2017 sont annulées.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 décembre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 18 décembre 2017.

JORF n°0295 du 19 décembre 2017, texte n° 87
ECLI : FR : CC : 2017 : 2017.5098.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.5. Procès-verbal

Le bureau de vote unique de la commune de Gensac-de-Boulogne, dans lequel 124 électeurs sont inscrits et où 64 votes auraient été exprimés au second tour dont 15 en faveur du requérant, n'a pas transmis la liste d'émargement à la préfecture à l'issue du scrutin, mais un document qualifié d'« interne » sur lequel les membres du bureau de vote relevaient les noms des électeurs ayant voté. Le candidat élu a produit, dans le cadre du contentieux devant le Conseil constitutionnel, un document présenté comme étant la liste d'émargement authentique, qui aurait été conservée par erreur à la mairie de Gensac-de-Boulogne. Néanmoins, l'absence de production de la liste d'émargement à la préfecture, comme pièce jointe au procès-verbal des opérations électorales, rend impossible le contrôle par le juge électoral de la régularité de celles-ci, notamment la vérification du nombre de suffrages exprimés. Dès lors, compte tenu du faible écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin, les opérations électorales sont annulées.

(2017-5098/5159 AN, 18 décembre 2017, cons. 8, 9, JORF n°0295 du 19 décembre 2017, texte n° 87)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.2. Irrégularités ne donnant pas lieu à rectifications
  • 8.3.11.2.1. En raison de l'écart des voix

Déduction de 15 voix, tant du nombre de voix obtenues par le candidat élu d, que du nombre de suffrages exprimés, correspondant à 4 votes pour lesquels des différences significatives de singature ont été constatées sur les listes d'émargemement pour le premier et le second tour ; 11 votes pour lesquels le nombre de bulletins trouvés dans l'urne est différent du nombre d'émargement.

(2017-5098/5159 AN, 18 décembre 2017, cons. 5, JORF n°0295 du 19 décembre 2017, texte n° 87)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
  • 8.3.11.3.4. Organisation du scrutin
  • 8.3.11.3.4.1. Déroulement du scrutin

Il résulte de l'instruction que le bureau de vote unique d'une commune , dans lequel 124 électeurs sont inscrits et où 64 votes auraient été exprimés au second tour dont 15 en faveur du requérant, n'a pas transmis la liste d'émargement à la préfecture à l'issue du scrutin, mais un document qualifié d'« interne » sur lequel les membres du bureau de vote relevaient les noms des électeurs ayant voté. Le candidat élu a produit, dans le cadre du contentieux devant le Conseil constitutionnel, un document présenté comme étant la liste d'émargement authentique, qui aurait été conservée par erreur à la mairie de cette commune. Néanmoins, l'absence de production de la liste d'émargement à la préfecture, comme pièce jointe au procès-verbal des opérations électorales, rend impossible le contrôle par le juge électoral de la régularité de celles-ci, notamment la vérification du nombre de suffrages exprimés. Dès lors, compte tenu du faible écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin, les opérations électorales contestées sont annulées.

(2017-5098/5159 AN, 18 décembre 2017, cons. 8, 9, JORF n°0295 du 19 décembre 2017, texte n° 87)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Version PDF de la décision.
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