Décision n° 2017-5092 AN du 18 décembre 2017
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2017 d'une requête présentée par Mes Jean-Pierre Mignard et Philippe Azouaou, avocats au barreau de Paris, pour Mme Mélusine HARLÉ, candidate à l'élection qui s'est déroulée dans la 4ème circonscription du département du Loiret en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 11 et 18 juin 2017. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5092 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense et le mémoire complémentaire présentés pour M. Jean-Pierre DOOR par Me Philippe Petit, avocat au barreau de Lyon, enregistrés les 30 août et 19 octobre 2017 ;
- le mémoire en réplique présenté pour Mme HARLÉ par Mes Mignard et Azouaou, enregistré le 5 octobre 2017 ;
- les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 11 septembre 2017 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 octobre 2017, approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. DOOR ;
- les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu les parties et leurs conseils ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur les opérations électorales du second tour de scrutin :
1. En premier lieu, la requérante demande l'annulation de l'élection de M. Jean-Pierre DOOR au motif que, dans la commune de Préfontaines, le nombre de bulletins de vote ne correspondrait pas au nombre de signatures sur la liste d'émargement. Il résulte de l'examen des documents électoraux de cette commune que le nombre des émargements est inférieur d'une unité au nombre des enveloppes et bulletins trouvés dans l'urne du bureau de vote de cette commune. Il y a lieu, par suite, de ramener de 166 à 165 le nombre de suffrages exprimés dans cette commune.
2. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déduire une voix tant du nombre de suffrages obtenus par M. DOOR, candidat proclamé élu de la 4ème circonscription du Loiret, que du nombre total de suffrages exprimés. Par suite, l'écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s'établit à sept voix.
- Sur la propagande électorale :
3. Aux termes de l'article L. 49 du code électoral : « À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. - À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ».
4. En premier lieu, Mme HARLÉ fait grief à M. DOOR d'avoir publié le dimanche 18 juin à 15 heures 52 sur la page « Facebook » dédiée à ses fonctions de maire de Montargis une photo le représentant prononçant un discours à l'occasion de la cérémonie commémorant l'Appel du 18 juin, et faisant état de l'affluence à cette commémoration officielle.
5. En second lieu, Mme HARLÉ fait grief à M. Fabrice BOUSCAL, adjoint au maire de Montargis, d'avoir publié le 18 juin 2017 sur sa page « Facebook » personnelle des éléments de propagande électorale dont la diffusion était prohibée à cette date par les dispositions du second alinéa de l'article L. 49 du code électoral. Il résulte de l'instruction que, par un message posté le dimanche 18 juin 2017 à 11 heures 42, l'intéressé a fait état de son vote en faveur de M. DOOR et invité les électeurs à « choisir l'expérience face à l'aventure ».
6. Eu égard à la faiblesse de l'écart de voix entre M. DOOR et Mme HARLÉ à l'issue du second tour de scrutin, la diffusion de ces messages le jour du second tour de scrutin sur des pages « Facebook » qui ne revêtaient pas un caractère privé au sens des règles de confidentialité de ce réseau social a été de nature à altérer la sincérité du scrutin. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs de la requête, il y a lieu d'annuler l'élection attaquée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Les opérations électorales qui ont eu lieu les 11 et 18 juin 2017 dans la 4ème circonscription du Loiret sont annulées.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 décembre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 18 décembre 2017.
JORF n°0295 du 19 décembre 2017, texte n° 86
ECLI : FR : CC : 2017 : 2017.5092.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.3.3.7. Internet
8.3.3.7.3. Réseaux sociaux
En premier lieu, la requérante fait grief au candidat élu d'avoir publié le dimanche 18 juin à 15 heures 52 sur la page « Facebook » dédiée à ses fonctions de maire une photo le représentant prononçant un discours à l'occasion de la cérémonie commémorant l'Appel du 18 juin, et faisant état de l'affluence à cette commémoration officielle.
En second lieu, la requérante fait grief à un tiers, adjoint au maire, d'avoir publié le 18 juin 2017 sur sa page « Facebook » personnelle des éléments de propagande électorale dont la diffusion était prohibée à cette date par les dispositions du second alinéa de l'article L. 49 du code électoral. Il résulte de l'instruction que, par un message posté le dimanche 18 juin 2017 à 11 heures 42, l'intéressé a fait état de son vote en faveur du candidat élu et a invité les électeurs à « choisir l'expérience face à l'aventure ».
Eu égard à la faiblesse de l'écart de voix entre le candidat élu et la requérante l'issue du second tour de scrutin, la diffusion de ces messages le jour du second tour de scrutin sur des pages « Facebook » qui ne revêtaient pas un caractère privé au sens des règles de confidentialité de ce réseau social a été de nature à altérer la sincérité du scrutin. Annulation de l'élection.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.2. Irrégularités ne donnant pas lieu à rectifications
8.3.11.2.1. En raison de l'écart des voix
Il résulte de l'examen des documents électoraux de la commune de Préfontaines que le nombre des émargements est inférieur d'une unité au nombre des enveloppes et bulletins trouvés dans l'urne du bureau de vote de cette commune. Il y a lieu, par suite, de ramener de 166 à 165 le nombre de suffrages exprimés dans cette commune. Il y a donc lieu de déduire une voix tant du nombre de suffrages obtenus par le candidat proclamé élu, que du nombre total de suffrages exprimés. Par suite, l'écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s'établit à sept voix.