Décision n° 2017-5067 AN du 8 décembre 2017
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 juin 2017 d'une requête présentée par M. Christophe GRUDLER, candidat à l'élection qui s'est déroulée dans la 1ère circonscription du département du Territoire de Belfort, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 11 et 18 juin 2017 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5067 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense présenté pour M. Ian BOUCARD par Me Philippe Blanchetier, avocat au barreau de Paris, enregistré le 14 septembre 2017 ;
- le mémoire en réplique présenté par M. GRUDLER, enregistré le 3 octobre 2017 ;
- le nouveau mémoire en défense, présenté pour M. BOUCARD, par Me Blanchetier, enregistré le 3 novembre 2017 ;
- les nouveaux mémoires en réplique présentés par M. GRUDLER, enregistrés les 3 et 16 novembre 2017 ;
- les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 11 septembre 2017 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2017, approuvant après réformation le compte de campagne de M. BOUCARD ;
- les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu MM. GRUDLER et BOUCARD et leurs conseils ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur les griefs tirés de la méconnaissance des articles L. 52-8 et L. 52-12 du code électoral :
1. Le requérant soutient que des collectivités publiques auraient contribué entre les deux tours de scrutin à la diffusion de lettres d'élus locaux appelant à voter pour M. BOUCARD, ainsi qu'à celle de tracts à caractère électoral présentés comme émanant de deux formations politiques autres que celle de M. BOUCARD, manquant par une telle fourniture gratuite de biens ou de services à l'interdiction qui en est faite par l'article L. 52-8 du code électoral à toute personne morale autre que les partis ou les groupements politiques. Il soutient également que le candidat aurait omis de faire figurer dans son compte de campagne les recettes et les dépenses correspondantes, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du même code, et qu'il devrait être déclaré inéligible pour ce motif.
2. Cependant, il résulte des pièces justificatives produites devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques que les lettres en cause ont été fournies et diffusées par le parti politique du candidat et que les tracts présentés comme émanant d'autres formations politiques ont été facturés par l'imprimeur à son mandataire financier. Le candidat a retracé les dépenses et recettes correspondantes dans le compte de campagne qu'il a établi en application de l'article L. 52-12 du code électoral. Aucun des manquements mentionnés à l'article L.O. 136-1 du même code n'est constitué. Par conséquent, l'inéligibilité de M. BOUCARD ne peut être prononcée sur le fondement de cet article.
- Sur les griefs relatifs à la propagande électorale de M. BOUCARD :
3. Il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites à l'appui du compte de campagne de M. BOUCARD et des observations en défense de ce dernier devant le Conseil constitutionnel, que, ainsi que le soutient le requérant, M. BOUCARD a fait réaliser et distribuer, dans les derniers jours de la campagne électorale officielle, deux tracts dont la présentation matérielle les faisait faussement apparaître comme émanant respectivement des partis « La France insoumise » et « Front national » sans l'accord de ces formations politiques. Si ces tracts reprenaient pour l'essentiel le texte d'une déclaration nationale de M. Jean-Luc Mélenchon et celui d'un communiqué du candidat du Front national au premier tour dans la circonscription, ils en altéraient la teneur dans un sens favorable à une participation active au second tour de scrutin en faveur de M. BOUCARD.
4. Cette manœuvre est de nature à avoir créé une confusion dans l'esprit d'une partie des électeurs et à avoir influé sur le résultat du scrutin, eu égard à l'ampleur de la diffusion tardive de ces tracts, imprimés à 10 000 et 15 000 exemplaires respectivement, ainsi qu'au faible écart de voix séparant les deux candidats du second tour. Il y a donc lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, d'annuler les opérations électorales contestées.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 1ère circonscription du département du Territoire de Belfort les 11 et 18 juin 2017 sont annulées.
Article 2. - Les conclusions de la requête de M. Christophe GRUDLER tendant à ce que le Conseil constitutionnel prononce l'inéligibilité de M. Ian BOUCARD sont rejetées.
Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 décembre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 8 décembre 2017.
JORF n°0287 du 9 décembre 2017 texte n° 183
ECLI : FR : CC : 2017 : 2017.5067.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.3.3.16. Tracts
8.3.3.16.2. Irrégularités retenues pour l'annulation d'une élection
Il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites à l'appui du compte de campagne du candidat élu et de ses observations en défense, que celui-ci a fait réaliser et distribuer, dans les derniers jours de la campagne électorale officielle, deux tracts dont la présentation matérielle les faisait faussement apparaître comme émanant respectivement des partis « La France insoumise » et « Front national » sans l'accord de ces formations politiques. Si ces tracts reprenaient pour l'essentiel le texte d'une déclaration nationale de M. Jean-Luc Mélenchon et celui d'un communiqué du candidat du Front national au premier tour dans la circonscription, ils en altéraient la teneur dans un sens favorable à une participation active au second tour de scrutin en faveur du candidat élu. Cette manœuvre est de nature à avoir créé une confusion dans l'esprit d'une partie des électeurs et à avoir influé sur le résultat du scrutin, eu égard à l'ampleur de la diffusion tardive de ces tracts, imprimés à 10 000 et 15 000 exemplaires respectivement, ainsi qu'au faible écart de voix séparant les deux candidats du second tour. Annulation du scrutin.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
- 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
8.3.5.4.5.3. Absence de don ou d'avantage
Saisi d'un grief selon lequel des collectivités publiques auraient contribué entre les deux tours de scrutin à la diffusion de lettres d'élus locaux appelant à voter pour le candidat élu, ainsi qu'à celle de tracts à caractère électoral présentés comme émanant de deux formations politiques autres que celle du candidat élu, manquant par une telle fourniture gratuite de biens ou de services à l'interdiction qui en est faite par l'article L. 52-8 du code électoral à toute personne morale autre que les partis ou les groupements politiques, le Conseil constitutionnel juge qu'il résulte des pièces justificatives produites devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques que les lettres en cause ont été fournies et diffusées par le parti politique du candidat et que les tracts présentés comme émanant d'autres formations politiques ont été facturés par l'imprimeur à son mandataire financier. Rejet du grief.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
- 8.3.5.5.2. Dépenses devant figurer dans le compte
8.3.5.5.2.2. Affiches, tracts, lettre circulaire
Saisi d'un grief selon lequel des collectivités publiques auraient contribué entre les deux tours de scrutin à la diffusion de lettres d'élus locaux appelant à voter pour le candidat élu, ainsi qu'à celle de tracts à caractère électoral présentés comme émanant de deux formations politiques autres que celle du candidat élu, manquant par une telle fourniture gratuite de biens ou de services à l'interdiction qui en est faite par l'article L. 52-8 du code électoral à toute personne morale autre que les partis ou les groupements politiques, et d'un grief selon lequel le candidat aurait omis de faire figurer dans son compte de campagne les recettes et les dépenses correspondantes, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du même code, le Conseil constitutionnel juge qu'il résulte des pièces justificatives produites devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques que les lettres en cause ont été fournies et diffusées par le parti politique du candidat, que les tracts présentés comme émanant d'autres formations politiques ont été facturés par l'imprimeur à son mandataire financier et que le candidat a retracé les dépenses et recettes correspondantes dans son compte de campagne.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
8.3.5.10. Absence d'inéligibilité du candidat
Saisi d'un grief selon lequel des collectivités publiques auraient contribué entre les deux tours de scrutin à la diffusion de lettres d'élus locaux appelant à voter pour le candidat élu, ainsi qu'à celle de tracts à caractère électoral présentés comme émanant de deux formations politiques autres que celle du candidat élu, manquant par une telle fourniture gratuite de biens ou de services à l'interdiction qui en est faite par l'article L. 52-8 du code électoral à toute personne morale autre que les partis ou les groupements politiques, et d'un grief selon lequel le candidat aurait omis de faire figurer dans son compte de campagne les recettes et les dépenses correspondantes, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du même code, et qu'il devrait être déclaré inéligible pour ce motif, le Conseil constitutionnel juge qu'il résulte des pièces justificatives produites devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques que les lettres en cause ont été fournies et diffusées par le parti politique du candidat, que les tracts présentés comme émanant d'autres formations politiques ont été facturés par l'imprimeur à son mandataire financier et que le candidat a retracé les dépenses et recettes correspondantes dans son compte de campagne. Aucun des manquements mentionnés à l'article L.O. 136-1 du même code n'étant constitué, l'inéligibilité du candidat élu ne peut être prononcée.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
- 8.3.11.3.3. Annulation de l'élection
8.3.11.3.3.2. Propagande
Il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites à l'appui du compte de campagne du candidat élu et de ses observations en défense, que celui-ci a fait réaliser et distribuer, dans les derniers jours de la campagne électorale officielle, deux tracts dont la présentation matérielle les faisait faussement apparaître comme émanant respectivement des partis « La France insoumise » et « Front national » sans l'accord de ces formations politiques. Si ces tracts reprenaient pour l'essentiel le texte d'une déclaration nationale de M. Jean-Luc Mélenchon et celui d'un communiqué du candidat du Front national au premier tour dans la circonscription, ils en altéraient la teneur dans un sens favorable à une participation active au second tour de scrutin en faveur du candidat élu. Cette manœuvre est de nature à avoir créé une confusion dans l'esprit d'une partie des électeurs et à avoir influé sur le résultat du scrutin, eu égard à l'ampleur de la diffusion tardive de ces tracts, imprimés à 10 000 et 15 000 exemplaires respectivement, ainsi qu'au faible écart de voix séparant les deux candidats du second tour. Annulation du scrutin.