Décision

Décision n° 2017-5065 AN du 16 novembre 2017

A.N., Oise (5ème circ.), M. Jimmy HARANG
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 juin 2017 d'une requête présentée par M. Jimmy HARANG, inscrit sur les listes électorales de la commune de Jaux, située dans la 5ème circonscription du département de l'Oise, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 11 et 18 juin 2017 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5065 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • le mémoire en défense présenté par M. Pierre VATIN, enregistré le 13 septembre 2017 ;
  • le mémoire en réplique présenté par M. HARANG, enregistré le 25 septembre 2017 ;
  • les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 11 septembre 2017 ;
  • les pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

- Sur le grief tiré de la méconnaissance de l'article L.O. 134 du code électoral :

1. M. HARANG conteste l'élection de M. VATIN comme député de la 5ème circonscription de l'Oise au motif que son remplaçant aurait été inéligible au regard des dispositions de l'article L.O. 134 du code électoral.

2. Aux termes de l'article L.O. 134 du code électoral, « Un député, un sénateur, ou le remplaçant d'un membre d'une assemblée parlementaire, ne peut être remplaçant d'un candidat à l'Assemblée nationale ou au Sénat ».

3. Ce texte édicte une inéligibilité. Or toute inéligibilité, qui a pour effet de porter une atteinte à la liberté des candidatures, doit être interprétée de façon restrictive.

4. L'article 25 de la Constitution et l'article L.O. 176 du code électoral, pris pour son application, en vue d'éviter le recours à des élections partielles, ont prévu, « en cas de vacance du siège », le remplacement des députés ou des sénateurs par des personnes élues à cette fin.

5. Conformément à ces dispositions, l'inéligibilité instituée par l'article L.O. 134 du code électoral a pour objet d'assurer la disponibilité permanente de la personne appelée à remplacer le parlementaire dont le siège devient vacant.

6. Le seul fait, pour un candidat à l'Assemblée nationale, de choisir comme remplaçant un député sortant n'est de nature à mettre en cause aucun des objectifs visés tant à l'article 25 de la Constitution qu'aux articles L.O. 176 et L.O. 134 du code électoral. Dès lors, il ne saurait faire obstacle à l'élection de ce candidat.

7. En conséquence, la circonstance que M. Lucien DEGAUCHY était député sortant, non candidat à la réélection, à la date du scrutin ne le rendait pas inéligible en qualité de remplaçant de M. VATIN et ne saurait entraîner l'annulation par voie de conséquence de l'élection de ce dernier.

- Sur l'exception d'illégalité de l'article R. 34 du code électoral :

8. M. HARANG soutient que les opérations électorales du premier tour de scrutin sont irrégulières au motif que le refus de la commission de propagande de prendre en charge l'envoi aux électeurs des circulaires de M. Laurent GRENIER, candidat de « La France insoumise », était illégal, en raison de l'illégalité de l'article R. 34 du code électoral sur lequel il se fonde.

9. L'article R. 34 du code électoral charge la commission de propagande d'adresser à tous les électeurs de la circonscription une circulaire de chaque candidat. Son sixième alinéa prévoit que « Si un candidat ... remet à la commission de propagande moins de circulaires ou de bulletins de vote que les quantités prévues ..., il peut proposer une répartition de ses circulaires et bulletins de vote entre les électeurs. À défaut de proposition ou lorsque la commission le décide, les circulaires demeurent à la disposition du candidat ... ».

10. D'une part, l'article L. 166 du code électoral, qui charge les commissions de propagande « d'assurer l'envoi et la distribution de tous les documents de propagande électorale », n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet d'interdire au pouvoir réglementaire, compétent pour fixer les conditions de fonctionnement de ces commissions, de subordonner l'acheminement des documents à la remise par les candidats qui désirent en bénéficier d'une quantité d'exemplaires suffisante dans les délais impartis.

11. D'autre part, l'article R. 34 du code électoral institue une différence de traitement entre les candidats qui, ayant remis à la commission la quantité de circulaires requise, voient leur acheminement pris en charge par la commission, et les candidats qui, ayant fourni à la commission un nombre insuffisant de circulaires, peuvent se voir refuser cette prise en charge. Cette différence de traitement repose sur une différence de situation et est en rapport direct avec l'objet de ces dispositions, qui est de permettre l'expédition des documents à l'ensemble des électeurs dans des délais compatibles avec le bon déroulement du scrutin. Elle n'est donc pas constitutive d'une rupture d'égalité entre les candidats, en violation de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et ne méconnaît pas le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions.

12. En conséquence, le grief tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'article R. 34 du code électoral ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. HARANG doit être rejetée.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - La requête de M. Jimmy HARANG est rejetée.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 novembre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 16 novembre 2017.

JORF n°0268 du 17 novembre 2017 texte n° 121
ECLI : FR : CC : 2017 : 2017.5065.AN

Les abstracts

  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
  • 5.1.4.14. Elections

L'article R. 34 du code électoral institue une différence de traitement entre les candidats qui, ayant remis à la commission la quantité de circulaires requise, voient leur acheminement pris en charge par la commission, et les candidats qui, ayant fourni à la commission un nombre insuffisant de circulaires, peuvent se voir refuser cette prise en charge. Cette différence de traitement repose sur une différence de situation et est en rapport direct avec l'objet de ces dispositions, qui est de permettre l'expédition des documents à l'ensemble des électeurs dans des délais compatibles avec le bon déroulement du scrutin. Elle n'est donc pas constitutive d'une rupture d'égalité entre les candidats.

(2017-5065 AN, 16 novembre 2017, cons. 11, JORF n°0268 du 17 novembre 2017 texte n° 121)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.1. Conditions d'éligibilité
  • 8.3.2.1.9. Remplaçants

Le seul fait, pour un candidat à l'Assemblée nationale, de choisir comme remplaçant un député sortant n'est de nature à mettre en cause aucun des objectifs visés tant à l'article 25 de la Constitution qu'aux articles L.O. 176 et L.O. 134 du code électoral. Dès lors, il ne saurait faire obstacle à l'élection de ce candidat.

(2017-5065 AN, 16 novembre 2017, cons. 6, JORF n°0268 du 17 novembre 2017 texte n° 121)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.4. Exception d'illégalité

L'article R. 34 du code électoral charge la commission de propagande d'adresser à tous les électeurs de la circonscription une circulaire de chaque candidat. Son sixième alinéa prévoit que « Si un candidat ... remet à la commission de propagande moins de circulaires ou de bulletins de vote que les quantités prévues ..., il peut proposer une répartition de ses circulaires et bulletins de vote entre les électeurs. À défaut de proposition ou lorsque la commission le décide, les circulaires demeurent à la disposition du candidat ... ».
D'une part, l'article L. 166 du code électoral, qui charge les commissions de propagande « d'assurer l'envoi et la distribution de tous les documents de propagande électorale », n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet d'interdire au pouvoir réglementaire, compétent pour fixer les conditions de fonctionnement de ces commissions, de subordonner l'acheminement des documents à la remise par les candidats qui désirent en bénéficier d'une quantité d'exemplaires suffisante dans les délais impartis. D'autre part, l'article R. 34 du code électoral institue une différence de traitement entre les candidats qui, ayant remis à la commission la quantité de circulaires requise, voient leur acheminement pris en charge par la commission, et les candidats qui, ayant fourni à la commission un nombre insuffisant de circulaires, peuvent se voir refuser cette prise en charge. Cette différence de traitement repose sur une différence de situation et est en rapport direct avec l'objet de ces dispositions, qui est de permettre l'expédition des documents à l'ensemble des électeurs dans des délais compatibles avec le bon déroulement du scrutin. Elle n'est donc pas constitutive d'une rupture d'égalité entre les candidats, en violation de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et ne méconnaît pas le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions.  En conséquence, le grief tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'article R. 34 du code électoral ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

(2017-5065 AN, 16 novembre 2017, cons. 9, 10, 11, 12, JORF n°0268 du 17 novembre 2017 texte n° 121)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Version PDF de la décision.
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