Décision

Décision n° 2016-580 QPC du 5 octobre 2016

M. Nabil F. [Expulsion en urgence absolue]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juillet 2016 par le Conseil d'État (décision n° 398371 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Nabil F., par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-580 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
  • le code de justice administrative ;
  • l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
  • la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, notamment son article 120 ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées les 28 juillet et 12 août 2016 ;
  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2016 ;
  • les observations en intervention présentées pour les associations La Cimade et La Ligue des droits de l'Homme par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le 28 juillet 2016 ;
  • les pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant et les associations intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 27 septembre 2016 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 24 novembre 2004 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I.- Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : « 1 ° L'étranger doit être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ;
« 2 ° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative et qui est composée :
« a) Du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ;
« b) D'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ;
« c) D'un conseiller de tribunal administratif ».

2. Selon le requérant et les parties intervenantes, en permettant l'expulsion d'un étranger du territoire français en urgence absolue, sans lui laisser la possibilité matérielle de saisir un juge avant l'exécution de la mesure, les dispositions contestées portent une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'au droit au respect de la vie privée reconnu par l'article 2 de cette Déclaration. En n'ayant ni défini la notion d'urgence absolue, ni prévu de garantie faisant obstacle à la mise en œuvre immédiate d'une décision d'expulsion, le législateur aurait, en outre, méconnu sa compétence dans des conditions affectant ces droits.

3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots : « Sauf en cas d'urgence absolue, » figurant au premier alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Selon l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. Pour être conformes à la Constitution, les atteintes à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif.

5. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

6. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

7. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Dans ce cadre, il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis. Au nombre de ces derniers figurent le droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789, et le droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 2 de cette Déclaration.

8. En vertu de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'expulsion d'un étranger ne peut être prononcée sans que l'autorité administrative l'ait préalablement avisé et sans qu'il ait été convoqué pour être entendu par la commission prévue au 2 ° de cet article. Une fois ces formalités accomplies, l'arrêté prononçant l'expulsion peut être exécuté d'office par l'administration en application de l'article L. 523-1 du même code. Toutefois, en cas d'urgence absolue, les dispositions contestées dispensent l'autorité administrative de l'obligation d'aviser préalablement l'étranger concerné et de le convoquer devant la commission avant de prononcer l'expulsion. En application de l'article L. 523-2 du même code, la détermination du pays de renvoi fait l'objet d'une décision distincte.

9. En premier lieu, l'urgence absolue répond à la nécessité de pouvoir, en cas de menace immédiate, éloigner du territoire national un étranger au nom d'exigences impérieuses de l'ordre public.

10. En deuxième lieu, les dispositions contestées ne privent pas l'intéressé de la possibilité d'exercer un recours contre la décision d'expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l'exécution de la mesure d'expulsion ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale.

11. En dernier lieu, l'absence de tout délai, critiquée par le requérant, entre, d'une part, la notification à l'étranger de la mesure d'expulsion et, d'autre part, son exécution d'office, ne résulte pas des dispositions contestées. En cas de contestation de la décision déterminant le pays de renvoi, il résulte de l'application combinée des articles L. 513-2 et L. 523-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient au juge administratif de veiller au respect de l'interdiction de renvoyer un étranger « à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ».

12. Il résulte de ce qui précède que le législateur, en dispensant l'autorité administrative, en cas d'urgence absolue, d'accomplir les formalités prévues à l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions. Les griefs tirés de la méconnaissance des articles 2 et 16 de la Déclaration de 1789 doivent donc être rejetés.

13. Par conséquent, les mots : « Sauf en cas d'urgence absolue, » figurant au premier alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas entachés d'incompétence négative et ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent lui être déclarés conformes.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er.- Les mots : « Sauf en cas d'urgence absolue, » figurant au premier alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont conformes à la Constitution.

Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 octobre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 4 octobre 2016.

JORF n°0234 du 7 octobre 2016 texte n° 126
ECLI : FR : CC : 2016 : 2016.580.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.5. DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (voir également ci-dessous Droits des étrangers et droit d'asile, Liberté individuelle et Liberté personnelle)
  • 4.5.8. Situation des étrangers (voir également ci-dessous Droit des étrangers et droit d'asile)

En vertu de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'expulsion d'un étranger ne peut être prononcée sans que l'autorité administrative l'ait préalablement avisé et sans qu'il ait été convoqué pour être entendu par la commission prévue au 2° de cet article. Une fois ces formalités accomplies, l'arrêté prononçant l'expulsion peut être exécuté d'office par l'administration en application de l'article L. 523-1 du même code. Toutefois, en cas d'urgence absolue, les dispositions contestées dispensent l'autorité administrative de l'obligation d'aviser préalablement l'étranger concerné et de le convoquer devant la commission avant de prononcer l'expulsion. En application de l'article L. 523-2 du même code, la détermination du pays de renvoi fait l'objet d'une décision distincte.
En premier lieu, l'urgence absolue répond à la nécessité de pouvoir, en cas de menace immédiate, éloigner du territoire national un étranger au nom d'exigences impérieuses de l'ordre public. En deuxième lieu, les dispositions contestées ne privent pas l'intéressé de la possibilité d'exercer un recours contre la décision d'expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l'exécution de la mesure d'expulsion ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. En dernier lieu, l'absence de tout délai, critiquée par le requérant, entre, d'une part, la notification à l'étranger de la mesure d'expulsion et, d'autre part, son exécution d'office, ne résulte pas des dispositions contestées. En cas de contestation de la décision déterminant le pays de renvoi, il résulte de l'application combinée des articles L. 513-2 et L. 523-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient au juge administratif de veiller au respect de l'interdiction de renvoyer un étranger « à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ».
Il résulte de ce qui précède que le législateur, en dispensant l'autorité administrative, en cas d'urgence absolue, d'accomplir les formalités prévues à l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit au respect de la vie privée et, d'autre part,  la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la Déclaration de 1789 est écarté.

(2016-580 QPC, 05 octobre 2016, cons. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, JORF n°0234 du 7 octobre 2016 texte n° 126)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.12. DROIT DES ÉTRANGERS ET DROIT D'ASILE
  • 4.12.5. Eloignement des étrangers
  • 4.12.5.1. Expulsion, refoulement, reconduite à la frontière et interdiction du territoire

En vertu de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'expulsion d'un étranger ne peut être prononcée sans que l'autorité administrative l'ait préalablement avisé et sans qu'il ait été convoqué pour être entendu par la commission prévue au 2° de cet article. Une fois ces formalités accomplies, l'arrêté prononçant l'expulsion peut être exécuté d'office par l'administration en application de l'article L. 523-1 du même code. Toutefois, en cas d'urgence absolue, les dispositions contestées dispensent l'autorité administrative de l'obligation d'aviser préalablement l'étranger concerné et de le convoquer devant la commission avant de prononcer l'expulsion. En application de l'article L. 523-2 du même code, la détermination du pays de renvoi fait l'objet d'une décision distincte.
En premier lieu, l'urgence absolue répond à la nécessité de pouvoir, en cas de menace immédiate, éloigner du territoire national un étranger au nom d'exigences impérieuses de l'ordre public. En deuxième lieu, les dispositions contestées ne privent pas l'intéressé de la possibilité d'exercer un recours contre la décision d'expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l'exécution de la mesure d'expulsion ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. En dernier lieu, l'absence de tout délai, critiquée par le requérant, entre, d'une part, la notification à l'étranger de la mesure d'expulsion et, d'autre part, son exécution d'office, ne résulte pas des dispositions contestées. En cas de contestation de la décision déterminant le pays de renvoi, il résulte de l'application combinée des articles L. 513-2 et L. 523-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient au juge administratif de veiller au respect de l'interdiction de renvoyer un étranger « à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ».
Il résulte de ce qui précède que le législateur, en dispensant l'autorité administrative, en cas d'urgence absolue, d'accomplir les formalités prévues à l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit au respect de la vie privée et, d'autre part,  la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la Déclaration de 1789 est écarté.

(2016-580 QPC, 05 octobre 2016, cons. 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, JORF n°0234 du 7 octobre 2016 texte n° 126)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le Conseil constitutionnel estime que la question porte uniquement sur les mots : « Sauf en cas d'urgence absolue, » figurant au premier alinéa de cet article.

(2016-580 QPC, 05 octobre 2016, cons. 3, JORF n°0234 du 7 octobre 2016 texte n° 126)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
  • 12.1.3. Droit au recours juridictionnel
  • 12.1.3.2. Application à la procédure administrative

En vertu de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'expulsion d'un étranger ne peut être prononcée sans que l'autorité administrative l'ait préalablement avisé et sans qu'il ait été convoqué pour être entendu par la commission prévue au 2° de cet article. Une fois ces formalités accomplies, l'arrêté prononçant l'expulsion peut être exécuté d'office par l'administration en application de l'article L. 523-1 du même code. Toutefois, en cas d'urgence absolue, les dispositions contestées dispensent l'autorité administrative de l'obligation d'aviser préalablement l'étranger concerné et de le convoquer devant la commission avant de prononcer l'expulsion. En application de l'article L. 523-2 du même code, la détermination du pays de renvoi fait l'objet d'une décision distincte.
En premier lieu, l'urgence absolue répond à la nécessité de pouvoir, en cas de menace immédiate, éloigner du territoire national un étranger au nom d'exigences impérieuses de l'ordre public. En deuxième lieu, les dispositions contestées ne privent pas l'intéressé de la possibilité d'exercer un recours contre la décision d'expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l'exécution de la mesure d'expulsion ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. En dernier lieu, l'absence de tout délai, critiquée par le requérant, entre, d'une part, la notification à l'étranger de la mesure d'expulsion et, d'autre part, son exécution d'office, ne résulte pas des dispositions contestées. En cas de contestation de la décision déterminant le pays de renvoi, il résulte de l'application combinée des articles L. 513-2 et L. 523-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient au juge administratif de veiller au respect de l'interdiction de renvoyer un étranger « à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ».
Il résulte de ce qui précède que le législateur, en dispensant l'autorité administrative, en cas d'urgence absolue, d'accomplir les formalités prévues à l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit au respect de la vie privée et, d'autre part,  la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 est écarté.

(2016-580 QPC, 05 octobre 2016, cons. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, JORF n°0234 du 7 octobre 2016 texte n° 126)
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