Décision n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 septembre 2015 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4726 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour M. Gilbert A., par la SCP Waquet - Farge - Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 56, 57, 81 et 96 du code de procédure pénale, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2015-506 QPC.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 portant institution d'un code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense ;
Vu la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles ;
Vu la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet - Farge - Hazan, enregistrées les 21 octobre et 5 novembre 2015 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 21 octobre et 5 novembre 2015 ;
Vu les observations en intervention produites les 19 octobre et 4 novembre 2015 pour M. Sofyan S. et pour M. Flavien M., par Me Loïc Auffret, avocat au barreau de Lyon ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Claire Waquet pour le requérant, Me Auffret pour MM. S. et M. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 24 novembre 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 56 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2011 susvisée : « Si la nature du crime est telle que la preuve en puisse être acquise par la saisie des papiers, documents, données informatiques ou autres objets en la possession des personnes qui paraissent avoir participé au crime ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés, l'officier de police judiciaire se transporte sans désemparer au domicile de ces derniers pour y procéder à une perquisition dont il dresse procès-verbal. L'officier de police judiciaire peut également se transporter en tous lieux dans lesquels sont susceptibles de se trouver des biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal, pour y procéder à une perquisition aux fins de saisie de ces biens ; si la perquisition est effectuée aux seules fins de rechercher et de saisir des biens dont la confiscation est prévue par les cinquième et sixième alinéas de ce même article, elle doit être préalablement autorisée par le procureur de la République.
« Il a seul, avec les personnes désignées à l'article 57 du présent code et celles auxquelles il a éventuellement recours en application de l'article 60, le droit de prendre connaissance des papiers, documents ou données informatiques avant de procéder à leur saisie.
« Toutefois, il a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense.
« Tous objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés. Cependant, si leur inventaire sur place présente des difficultés, ils font l'objet de scellés fermés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition suivant les modalités prévues à l'article 57.
« Il est procédé à la saisie des données informatiques nécessaires à la manifestation de la vérité en plaçant sous main de justice soit le support physique de ces données, soit une copie réalisée en présence des personnes qui assistent à la perquisition.
« Si une copie est réalisée, il peut être procédé, sur instruction du procureur de la République, à l'effacement définitif, sur le support physique qui n'a pas été placé sous main de justice, des données informatiques dont la détention ou l'usage est illégal ou dangereux pour la sécurité des personnes ou des biens.
« Avec l'accord du procureur de la République, l'officier de police judiciaire ne maintient que la saisie des objets, documents et données informatiques utiles à la manifestation de la vérité, ainsi que des biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal.
« Le procureur de la République peut également, lorsque la saisie porte sur des espèces, lingots, effets ou valeurs dont la conservation en nature n'est pas nécessaire à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des personnes intéressées, autoriser leur dépôt à la Caisse des dépôts et consignations ou à la Banque de France ou sur un compte ouvert auprès d'un établissement bancaire par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.
« Lorsque la saisie porte sur des billets de banque ou pièces de monnaie libellés en euros contrefaisants, l'officier de police judiciaire doit transmettre, pour analyse et identification, au moins un exemplaire de chaque type de billets ou pièces suspectés faux au centre d'analyse national habilité à cette fin. Le centre d'analyse national peut procéder à l'ouverture des scellés. Il en dresse inventaire dans un rapport qui doit mentionner toute ouverture ou réouverture des scellés. Lorsque les opérations sont terminées, le rapport et les scellés sont déposés entre les mains du greffier de la juridiction compétente. Ce dépôt est constaté par procès-verbal.
« Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsqu'il n'existe qu'un seul exemplaire d'un type de billets ou de pièces suspectés faux, tant que celui-ci est nécessaire à la manifestation de la vérité.
« Si elles sont susceptibles de fournir des renseignements sur les objets, documents et données informatiques saisis, les personnes présentes lors de la perquisition peuvent être retenues sur place par l'officier de police judiciaire le temps strictement nécessaire à l'accomplissement de ces opérations » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2009 susvisée : « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense, les opérations prescrites par ledit article sont faites en présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu.
« En cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire aura l'obligation de l'inviter à désigner un représentant de son choix ; à défaut, l'officier de police judiciaire choisira deux témoins requis à cet effet par lui, en dehors des personnes relevant de son autorité administrative.
« Le procès-verbal de ces opérations, dressé ainsi qu'il est dit à l'article 66, est signé par les personnes visées au présent article ; au cas de refus, il en est fait mention au procès-verbal » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 81 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 27 mars 2012 susvisée : « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge.
« Il est établi une copie de ces actes ainsi que de toutes les pièces de la procédure ; chaque copie est certifiée conforme par le greffier ou l'officier de police judiciaire commis mentionné à l'alinéa 4. Toutes les pièces du dossier sont cotées par le greffier au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le juge d'instruction.
« Toutefois, si les copies peuvent être établies à l'aide de procédés photographiques ou similaires, elles sont exécutées à l'occasion de la transmission du dossier. Il en est alors établi autant d'exemplaires qu'il est nécessaire à l'administration de la justice. Le greffier certifie la conformité du dossier reproduit avec le dossier original. Si le dessaisissement momentané a pour cause l'exercice d'une voie de recours, l'établissement des copies doit être effectué immédiatement pour qu'en aucun cas ne soit retardée la mise en état de l'affaire prévue à l'article 194.
« Si le juge d'instruction est dans l'impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d'instruction, il peut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d'information nécessaires dans les conditions et sous les réserves prévues aux articles 151 et 152.
« Le juge d'instruction doit vérifier les éléments d'information ainsi recueillis.
« Le juge d'instruction procède ou fait procéder, soit par des officiers de police judiciaire, conformément à l'alinéa 4, soit par toute personne habilitée dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, à une enquête sur la personnalité des personnes mises en examen, ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale. Toutefois, en matière de délit, cette enquête est facultative.
« Le juge d'instruction peut également commettre une personne habilitée en application du sixième alinéa ou, en cas d'impossibilité matérielle, le service pénitentiaire d'insertion et de probation à l'effet de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne mise en examen et de l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressée. A moins qu'elles n'aient été déjà prescrites par le ministère public, ces diligences doivent être prescrites par le juge d'instruction chaque fois qu'il envisage de placer en détention provisoire un majeur âgé de moins de vingt et un ans au moment de la commission de l'infraction lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement.
« Le juge d'instruction peut prescrire un examen médical, un examen psychologique ou ordonner toutes mesures utiles.
« S'il est saisi par une partie d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à l'un des examens ou à toutes autres mesures utiles prévus par l'alinéa qui précède, le juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande.
« La demande mentionnée à l'alinéa précédent doit faire l'objet d'une déclaration au greffier du juge d'instruction saisi du dossier. Elle est constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Si le demandeur ne peut signer, il en est fait mention par le greffier. Lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque la personne mise en examen est détenue, la demande peut également être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l'établissement pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement. Ce document est adressé sans délai, en original ou copie et par tout moyen, au greffier du juge d'instruction.
« Faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans le délai d'un mois, la partie peut saisir directement le président de la chambre de l'instruction, qui statue et procède conformément aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 186-1 » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 96 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2009 : « Si la perquisition a lieu dans un domicile autre que celui de la personne mise en examen, la personne chez laquelle elle doit s'effectuer est invitée à y assister. Si cette personne est absente ou refuse d'y assister, la perquisition a lieu en présence de deux de ses parents ou alliés présents sur les lieux, ou à défaut, en présence de deux témoins.
« Le juge d'instruction doit se conformer aux dispositions des articles 57 (alinéa 2) et 59.
« Toutefois, il a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense.
« Les dispositions des articles 56 et 56-1 à 56-4 sont applicables aux perquisitions effectuées par le juge d'instruction » ;
5. Considérant que, selon le requérant, les dispositions contestées, qui autorisent, dans le cadre d'une procédure pénale, la saisie de tout papier, document, donnée informatique ou autre objet, y compris lorsque ces pièces sont couvertes par le secret du délibéré, ne comportent pas les garanties nécessaires à assurer le respect du principe d'indépendance des juridictions ;
6. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, sur les mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant au premier alinéa de l'article 57 et sur le troisième alinéa de l'article 96 du même code ;
7. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 susvisé, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention ;
8. Considérant que si M. Flavien M. a posé une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 56 du code de procédure pénale devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, il ressort de ses propres écritures que cette question a fait l'objet d'un refus de transmission par un arrêt du 11 février 2015 ; que, par suite, son intervention n'est pas admise ;
9. Considérant que M. Sofyan S., qui a posé une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 56 du code de procédure pénale devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, est fondé à intervenir dans la procédure de la présente question prioritaire de constitutionnalité en tant que son intervention porte sur le troisième alinéa de l'article 56 ; que, toutefois, son mémoire en intervention ne comprend pas d'observation sur le bien-fondé de la question ; que, par suite, son intervention n'est pas admise ;
- SUR LE TROISIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE 56 ET CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 57 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE :
10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que si la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit, elle ne saurait l'être à l'encontre d'une disposition législative antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958 ;
11. Considérant que le troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale est issu de la loi du 31 décembre 1957 susvisée ; que, toutefois, les dispositions contestées de l'article 57 du même code qui ont été modifiées, postérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958, par la loi du 29 juillet 2009, sont inséparables de celles du troisième alinéa de l'article 56 ; que, par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu sa propre compétence peut être invoqué à l'encontre des dispositions contestées des articles 56 et 57 du code de procédure pénale ;
12. Considérant, en second lieu, que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer les règles concernant la procédure pénale ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par cette disposition le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles et dont découle le principe du secret du délibéré ;
14. Considérant qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figure le principe d'indépendance des juridictions ;
15. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, lors d'une enquête de flagrance, l'officier de police judiciaire peut saisir tout papier, document, donnée informatique ou autre objet en la possession des personnes qui paraissent avoir participé à l'infraction ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits ; que, s'il est loisible au législateur de permettre la saisie d'éléments couverts par le secret du délibéré, il lui appartient de prévoir les conditions et modalités selon lesquelles une telle atteinte au principe d'indépendance peut être mise en œuvre afin que celle-ci demeure proportionnée ; que les dispositions contestées se bornent à imposer à l'officier de police judiciaire de provoquer préalablement à une saisie « toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense » ; que ni ces dispositions ni aucune autre disposition n'indiquent à quelles conditions un élément couvert par le secret du délibéré peut être saisi ; qu'ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui affectent par elles-mêmes le principe d'indépendance des juridictions ; que, par suite, le troisième alinéa de l'article 56 et les mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant à l'article 57 doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
-SUR LE TROISIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE 96 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE :
16. Considérant que les dispositions du troisième alinéa de l'article 96 du code de procédure pénale sont issues de la loi du 31 décembre 1957 ; que, dès lors, le grief tiré de ce que le législateur, en adoptant ces dispositions, aurait méconnu sa propre compétence, doit être écarté ; que ces dispositions, qui ne sont contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR LES EFFETS DANS LE TEMPS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ :
17. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
18. Considérant, en premier lieu, que l'abrogation immédiate du troisième alinéa de l'article 56 et des mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant à l'article 57 du code de procédure pénale aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant au respect du secret professionnel et des droits de la défense dans le cadre de l'enquête de flagrance ; que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2016 la date de cette abrogation ;
19. Considérant, en deuxième lieu, qu'afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que les dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ne sauraient être interprétées comme permettant, à compter de cette publication, la saisie d'éléments couverts par le secret du délibéré ;
20. Considérant, en troisième lieu, que la remise en cause des actes de procédure pénale pris sur le fondement des dispositions déclarées inconstitutionnelles méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, les mesures prises avant la publication de la présente décision en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er. - Les interventions de MM. Flavien M. et Sofyan S. ne sont pas admises.
Article 2. - Le troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale et les mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant à l'article 57 du même code sont contraires à la Constitution.
Article 3. - Le troisième alinéa de l'article 96 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.
Article 4. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 2 prend effet dans les conditions prévues aux considérants 18 à 20.
Article 5. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 décembre 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Renaud DENOIX de SAINT MARC, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 4 décembre 2015.
JORF n°0283 du 6 décembre 2015 page 22502, texte n° 35
ECLI : FR : CC : 2015 : 2015.506.QPC
Les abstracts
- 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
- 1.2. DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOÛT 1789
- 1.2.18. Article 16
1.2.18.6. Impartialité et indépendance des juridictions
Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles et dont découle le principe du secret du délibéré.
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
- 3.3.4. Incompétence négative
- 3.3.4.1. Cas d'incompétence négative
- 3.3.4.1.1. Droit pénal et procédure pénale
3.3.4.1.1.2. Procédure pénale, contrôle d'identité
Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles et dont découle le principe du secret du délibéré.
Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Au nombre de celles-ci figure le principe d'indépendance des juridictions.
En vertu du premier alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, lors d'une enquête de flagrance, l'officier de police judiciaire peut saisir tout papier, document, donnée informatique ou autre objet en la possession des personnes qui paraissent avoir participé à l'infraction ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits. S'il est loisible au législateur de permettre la saisie d'éléments couverts par le secret du délibéré, il lui appartient de prévoir les conditions et modalités selon lesquelles une telle atteinte au principe d'indépendance peut être mise en œuvre afin que celle-ci demeure proportionnée. Les dispositions contestées se bornent à imposer à l'officier de police judiciaire de provoquer préalablement à une saisie « toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ». Ni ces dispositions ni aucune autre disposition n'indiquent à quelles conditions un élément couvert par le secret du délibéré peut être saisi. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui affectent par elles-mêmes le principe d'indépendance des juridictions. Censure.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
- 4.1.4. Constitution du 4 octobre 1958
4.1.4.3. Article 34
Si la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit, elle ne saurait l'être à l'encontre d'une disposition législative antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958. Toutefois, lorsqu'une disposition, contestée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, modifiée postérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958, est inséparable d'une autre disposition, également contestée, mais issue d'une loi antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu sa propre compétence peut être invoqué à l'encontre de ces deux dispositions.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
- 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
11.6.3.1. Observations en intervention
En vertu du deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 susvisé, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. La personne ayant posé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la même disposition que celle objet de la question prioritaire de constitutionnalité examinée par le Conseil constitutionnel, mais dont il ressort de ses propres écritures que cette question a fait l'objet d'un refus de transmission, n'est pas admise à intervenir.
En vertu du deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 susvisé, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention.
La personne ayant posé une question prioritaire de constitutionnalité identique à celle dont le Conseil constitutionnel est saisi justifie d'un intérêt spécial à intervenir. Toutefois, lorsque le Conseil constitutionnel restreint le champ de la question prioritaire de constitutionnalité, l'intérêt à agir s'apprécie au regard de ce champ. Dès lors que le mémoire en intervention ne comprend pas d'observation sur le bien-fondé de la question ainsi restreinte, non-admission de l'intervention.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
- 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
- 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel
Saisi d'une QPC portant sur les articles 56, 57, 81 et 96 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel restreint celle-ci au troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, aux mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant au premier alinéa de l'article 57 et au troisième alinéa de l'article 96 du même code.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
- 11.8.6. Portée des décisions dans le temps
- 11.8.6.2. Dans le cadre d'un contrôle a posteriori (article 61-1)
- 11.8.6.2.2. Abrogation
11.8.6.2.2.2. Abrogation reportée dans le temps
L'abrogation immédiate du troisième alinéa de l'article 56 et des mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant à l'article 57 du code de procédure pénale aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant au respect du secret professionnel et des droits de la défense dans le cadre de l'enquête de flagrance. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2016 la date de cette abrogation.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
- 11.8.6. Portée des décisions dans le temps
- 11.8.6.2. Dans le cadre d'un contrôle a posteriori (article 61-1)
- 11.8.6.2.3. Réserve
11.8.6.2.3.2. Réserve transitoire avant abrogation
L'abrogation immédiate du troisième alinéa de l'article 56 et des mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant à l'article 57 du code de procédure pénale aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant au respect du secret professionnel et des droits de la défense dans le cadre de l'enquête de flagrance. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2016 la date de cette abrogation. Afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que les dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ne sauraient être interprétées comme permettant, à compter de cette publication, la saisie d'éléments couverts par le secret du délibéré.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
- 11.8.6. Portée des décisions dans le temps
- 11.8.6.2. Dans le cadre d'un contrôle a posteriori (article 61-1)
- 11.8.6.2.4. Effets produits par la disposition abrogée
11.8.6.2.4.1. Maintien des effets
L'abrogation immédiate du troisième alinéa de l'article 56 et des mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant à l'article 57 du code de procédure pénale aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant au respect du secret professionnel et des droits de la défense dans le cadre de l'enquête de flagrance. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2016 la date de cette abrogation. La remise en cause des actes de procédure pénale pris sur le fondement des dispositions déclarées inconstitutionnelles méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et aurait des conséquences manifestement excessives. Par suite, les mesures prises avant la publication de la présente décision en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
- 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
- 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
- 12.1.2. Indépendance de la justice et des juridictions
- 12.1.2.2. Applications
12.1.2.2.6. Secret du délibéré
Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles et dont découle le principe du secret du délibéré.
Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Au nombre de celles-ci figure le principe d'indépendance des juridictions.
En vertu du premier alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, lors d'une enquête de flagrance, l'officier de police judiciaire peut saisir tout papier, document, donnée informatique ou autre objet en la possession des personnes qui paraissent avoir participé à l'infraction ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits. S'il est loisible au législateur de permettre la saisie d'éléments couverts par le secret du délibéré, il lui appartient de prévoir les conditions et modalités selon lesquelles une telle atteinte au principe d'indépendance peut être mise en œuvre afin que celle-ci demeure proportionnée. Les dispositions contestées se bornent à imposer à l'officier de police judiciaire de provoquer préalablement à une saisie « toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ». Ni ces dispositions ni aucune autre disposition n'indiquent à quelles conditions un élément couvert par le secret du délibéré peut être saisi. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui affectent par elles-mêmes le principe d'indépendance des juridictions. Censure.