Décision n° 2014-433 QPC du 5 décembre 2014
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 septembre 2014 par le Conseil d'État (décision n° 376446 du 26 septembre 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. André D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit « du 5 ° du paragraphe I de l'article L. 24 et de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans leur rédaction en vigueur au 1er janvier 2011 ».
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu la loi n° 2006-737 du 27 juin 2006 visant à accorder une majoration de pension de retraite aux fonctionnaires handicapés ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 20 octobre 2014 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 octobre 2014 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 25 novembre 2014 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le paragraphe I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite fixe des conditions pour la liquidation de la pension ; qu'aux termes du 5 ° de ce paragraphe I, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juin 2006 susvisée : « La condition d'âge de soixante ans figurant au 1 ° est abaissée dans des conditions fixées par décret pour les fonctionnaires handicapés qui totalisent, alors qu'ils étaient atteints d'une incapacité permanente d'au moins 80 %, une durée d'assurance au moins égale à une limite fixée par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à versement de retenues pour pensions.
« Une majoration de pension est accordée aux fonctionnaires handicapés visés à l'alinéa précédent, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 12 avril 2000 susvisée : « Lorsque le fonctionnaire est atteint d'une invalidité d'un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévue aux articles L. 28 et L. 29 ne peut être inférieur à 50 % des émoluments de base.
« En outre, si le fonctionnaire est dans l'obligation d'avoir recours d'une manière constante à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, il a droit à une majoration spéciale dont le montant est égal au traitement brut afférent à l'indice brut afférent à l'indice 100 prévu par l'article 1er du décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948. Le droit à cette majoration est également ouvert au fonctionnaire relevant du deuxième alinéa de l'article L. 28.
« En aucun cas, le montant total des prestations accordées au fonctionnaire invalide ne peut excéder le montant des émoluments de base visés à l'article L. 15. Exception est faite pour la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne qui est perçue en toutes circonstances indépendamment de ce plafond » ;
3. Considérant que, selon le requérant, en prévoyant au deuxième alinéa de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite que sont susceptibles de bénéficier de la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne les fonctionnaires radiés des cadres en raison de leur invalidité et les fonctionnaires retraités atteints d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue postérieurement à la date de la radiation des cadres, mais non les fonctionnaires ayant, à leur demande, été admis de manière anticipée à la retraite en raison de leur handicap sur le fondement du 5 ° du paragraphe I de l'article L. 24 du même code, le législateur a méconnu le principe d'égalité ;
4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
6. Considérant que le deuxième alinéa de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite institue une majoration spéciale de la pension lorsque le fonctionnaire est dans l'obligation d'avoir recours d'une manière constante à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie ; que les fonctionnaires qui ont été radiés des cadres pour invalidité ont droit au versement de cette majoration ; que les fonctionnaires retraités atteints d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue postérieurement à la date de la radiation des cadres en bénéficient également ; qu'en revanche, cette majoration n'est notamment pas versée aux fonctionnaires handicapés qui, bien que pouvant poursuivre leur activité professionnelle, ont liquidé leur droit à retraite avant l'âge de soixante ans dans les conditions prévues par le 5 ° du paragraphe I de l'article L. 24 du même code ;
7. Considérant, d'une part, que les fonctionnaires qui ont été contraints de prendre une retraite anticipée parce qu'ils étaient dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions et ne pouvaient être reclassés et les fonctionnaires qui ont volontairement pris leur retraite, le cas échéant de façon anticipée, ne se trouvent pas dans la même situation au regard des droits à une pension ; que, d'autre part, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que, pour l'attribution d'une aide en vue de l'assistance à tierce personne, le législateur réserve la majoration spéciale de la pension aux fonctionnaires retraités atteints d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue postérieurement à la date de radiation des cadres et prévoie ainsi que s'appliquent, pour les autres fonctionnaires retraités atteints d'un handicap, les règles de droit commun prévues par le code de l'action sociale et des familles ; que, par suite, les griefs tirés de la violation du principe d'égalité doivent être écartés ;
8. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le deuxième alinéa de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 décembre 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 5 décembre 2014.
JORF n°0283 du 7 décembre 2014 page 20464, texte n° 22
ECLI : FR : CC : 2014 : 2014.433.QPC
Les abstracts
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
- 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
- 5.1.4.10. Droit social
5.1.4.10.4. Prestations sociales
D'une part, les fonctionnaires qui ont été contraints de prendre une retraite anticipée parce qu'ils étaient dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions et ne pouvaient être reclassés et les fonctionnaires qui ont volontairement pris leur retraite, le cas échéant de façon anticipée, ne se trouvent pas dans la même situation au regard des droits à une pension.
D'autre part, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que, pour l'attribution d'une aide en vue de l'assistance à tierce personne, le législateur réserve la majoration spéciale de la pension aux fonctionnaires retraités atteints d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue postérieurement à la date de radiation des cadres et prévoie ainsi que s'appliquent, pour les autres fonctionnaires retraités atteints d'un handicap, les règles de droit commun prévues par le code de l'action sociale et des familles.
Par suite, doivent être écartés les griefs tirés de ce que seraient contraires au principe d'égalité devant la loi les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 30 du code des pensions qui ne prévoient pas la majoration spéciale de la pension pour assistance à tierce personne pour les fonctionnaires handicapés qui ont pris leur retraite dans les conditions prévues au 5° de l'article L. 24.
D'une part, les fonctionnaires qui ont été contraints de prendre une retraite anticipée parce qu'ils étaient dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions et ne pouvaient être reclassés et les fonctionnaires qui ont volontairement pris leur retraite, le cas échéant de façon anticipée, ne se trouvent pas dans la même situation au regard des droits à une pension.
D'autre part, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que, pour l'attribution d'une aide en vue de l'assistance à tierce personne, le législateur réserve la majoration spéciale de la pension aux fonctionnaires retraités atteints d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue postérieurement à la date de radiation des cadres et prévoie ainsi que s'appliquent, pour les autres fonctionnaires retraités atteints d'un handicap, les règles de droit commun prévues par le code de l'action sociale et des familles.
Par suite, doivent être écartés les griefs tirés de ce que seraient contraires au principe d'égalité devant la loi les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 30 du code des pensions qui ne prévoient pas la majoration spéciale de la pension pour assistance à tierce personne pour les fonctionnaires handicapés qui ont pris leur retraite dans les conditions prévues au 5° de l'article L. 24.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
- 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
La question prioritaire de constitutionnalité renvoyée au Conseil constitutionnel est relative au 5° du paragraphe I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui fixe des conditions pour la liquidation de la pension, et à l'article L. 30 du même code, qui a trait à la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne.
Selon le requérant, en prévoyant au deuxième alinéa de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite que sont susceptibles de bénéficier de la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne les fonctionnaires radiés des cadres en raison de leur invalidité et les fonctionnaires retraités atteints d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue postérieurement à la date de la radiation des cadres, mais non les fonctionnaires ayant, à leur demande, été admis de manière anticipée à la retraite en raison de leur handicap sur le fondement du 5° du paragraphe I de l'article L. 24 du même code, le législateur a méconnu le principe d'égalité.
Le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte uniquement sur le deuxième alinéa de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite.