Décision n° 2013-4815 AN du 12 avril 2013
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la décision en date du 24 janvier 2013, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 30 janvier 2013 sous le numéro 2013-4815 AN, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Gérard PERRON, demeurant à Hennebont (Morbihan), candidat aux élections qui se sont déroulées en juin 2012 dans la 6ème circonscription du département du Morbihan pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations présentées par M. PERRON, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 8 mars 2013 ;
Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-8 et L. 52-12 ;
Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L 52-4. . . le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
2. Considérant que le compte de campagne de M. PERRON, candidat aux élections qui se sont déroulées les 10 et 17 juin 2012 en vue de la désignation d'un député dans la 6ème circonscription du Morbihan, a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 24 janvier 2013 aux motifs que, d'une part, M. PERRON avait bénéficié, en violation des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral, de la mise à disposition de matériels pour son local de campagne par la section d'Hennebont du parti communiste français, et, d'autre part, que, à raison de leur caractère électoral, les dépenses relatives au tract appelant à participer à la « fête de l'Unité » à Hennebont, le 26 mai 2012, ainsi qu'à la réunion politique organisée pour M. PERRON à cette occasion, prises en charge par l'association l'Unité, devaient figurer dans le compte de campagne du candidat et avaient le caractère d'un don prohibé d'une personne morale ;
3. Considérant que, d'une part, la section d'Hennebont du parti communiste français est une représentation locale de ce parti, lequel relève des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales ; qu'elle était ainsi autorisée à participer au financement de la campagne électorale de M. PERRON ;
4. Considérant cependant que, d'autre part, il résulte de l'instruction que le tract, à l'en-tête du « Front de gauche », relatif au programme de la « fête de l'Unité », organisée le 26 mai 2012 dans la commune d'Hennebont, appelait à voter pour M. PERRON et sa suppléante lors des élections législatives dans la circonscription et invitait les électeurs au « meeting politique » tenu par le candidat lors de cette fête ; que le candidat aux élections législatives et sa suppléante ont tenu une réunion politique lors de cette manifestation ; que, par suite, nonobstant son caractère traditionnel, cette manifestation ainsi que le tract qui comportait son programme avaient un caractère électoral ; que, même si les dépenses afférentes à la réunion politique et au tract ne conduisaient pas M. PERRON à dépasser le montant du plafond autorisé, l'absence d'inscription de ces sommes, qui représentaient environ 20 % des dépenses engagées par le candidat lors de la campagne, ne permet pas de regarder son compte comme la description sincère de l'ensemble de ses dépenses, exigée par l'article L. 52-12 du code électoral ; que, par ailleurs, eu égard à la nature et au montant de l'avantage ainsi consenti, le financement de ces frais par l'association dénommée l'Unité, qui n'a pas le caractère d'un parti politique, a constitué un don prohibé par l'article L. 52-8 du même code, qui, dans les circonstances de l'espèce, était de nature à justifier aussi le rejet du compte du campagne ; que, par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. PERRON ;
5. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 du même code ; que pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause ;
6. Considérant qu'eu égard, d'une part, au caractère substantiel des obligations méconnues, dont M. PERRON ne pouvait ignorer la portée et, d'autre part, au montant des sommes en cause, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de M. PERRON à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision,
D É C I D E :
Article 1er.- M. Gérard PERRON est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.
Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. PERRON et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 avril 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 12 avril 2013
JORF du 16 avril 2013 page 6434, texte n° 47
Recueil, p. 556
ECLI : FR : CC : 2013 : 2013.4815.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
- 8.3.5.5.2. Dépenses devant figurer dans le compte
8.3.5.5.2.2. Affiches, tracts, lettre circulaire
Il résulte de l'instruction que le tract, à l'en-tête du " Front de gauche ", relatif au programme de la " fête de l'Unité ", organisée le 26 mai 2012 dans la commune d'Hennebont, appelait à voter pour le candidat et sa suppléante lors des élections législatives dans la circonscription et invitait les électeurs au " meeting politique " tenu par le candidat lors de cette fête. Le candidat aux élections législatives et sa suppléante ont tenu une réunion politique lors de cette manifestation. Par suite, nonobstant son caractère traditionnel, cette manifestation ainsi que le tract qui comportait son programme avaient un caractère électoral. Même si les dépenses afférentes à la réunion politique et au tract ne conduisaient pas à dépasser le montant du plafond autorisé, l'absence d'inscription de ces sommes, qui représentaient environ 20 % des dépenses engagées par le candidat lors de la campagne, ne permet pas de regarder son compte comme la description sincère de l'ensemble de ses dépenses, exigée par l'article L. 52-12 du code électoral. Inéligibilité d'un an en présence d'autres irrégularités.