Décision n° 2013-4769 AN du 24 mai 2013
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la décision en date du 7 janvier 2013, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 14 janvier 2013 sous le numéro 2013-4769 AN, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Chenva TIEU, demeurant à Paris, 18ème arrondissement, candidat aux élections qui se sont déroulées en juin 2012 dans la 10ème circonscription de Paris pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations produites pour M. TIEU par Me Philippe Blanchetier, avocat au barreau de Paris, enregistrées comme ci-dessus le 21 février 2013 ;
Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-4 ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant, qu'aux termes des quatre premiers alinéas de l'article L.O. 136-1 du code électoral : « Saisi d'une contestation formée contre l'élection ou dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.
« Saisi dans les mêmes conditions, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12.
« Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
« L'inéligibilité déclarée sur le fondement des trois premiers alinéas du présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision » ;
2. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 52-4 du même code le mandataire financier « règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou un groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal » ; que si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat règle directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ;
3. Considérant que le compte de campagne de M. Chenva TIEU, candidat aux élections qui se sont déroulées les 10 et 17 juin 2012 en vue de la désignation d'un député dans la 10ème circonscription de Paris, a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 14 janvier 2013 au motif que le candidat a payé directement 6 901 euros de dépenses, soit 15,63 % du montant total des dépenses et 9,88 % du plafond des dépenses autorisé ;
4. Considérant que M. TIEU conteste le montant des dépenses payées directement ; qu'il fait valoir que, parmi ces dépenses, 2 256 euros correspondent à des dépenses de transport engagées hors de la circonscription électorale, qui n'auraient donc pas dû figurer dans le compte de campagne ni être prises en compte pour apprécier le montant total des dépenses acquittées sans passer par le mandataire ; qu'il conteste également le fait que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a considéré comme une dépense payée directement un achat de fournitures de bureau effectué sur internet, pour un montant total de 1 817,43 euros ; qu'il en déduit que l'ensemble des dépenses payées directement s'élèvent en fait à la somme de 2 827,57 euros ; qu'au surplus, la nécessité dans laquelle il s'est trouvé de devoir remplacer la personne qu'il avait initialement désignée comme mandataire financier explique que certaines dépenses ont dû être payées directement avant que le deuxième mandataire ne soit en état de succéder pleinement au mandataire initial ; qu'il en conclut que c'est à tort que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a prononcé le rejet de son compte de campagne ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les fournitures de bureau achetées pour un montant total de 1817,43 euros ont fait l'objet d'un règlement direct par le candidat ; que les dépenses de campagne électorale payées directement par le candidat ou par des tiers après la désignation du mandataire financier se sont élevées à un total de 4 645 euros sur un total de 44 150 euros de dépenses, soit 10,52 % du montant total des dépenses et 6,65 % du plafond des dépenses autorisées ;
6. Considérant, en second lieu, que M. TIEU n'établit pas que ces dépenses auraient été payées directement en raison de l'incapacité dans laquelle se serait trouvé son mandataire financier de procéder à de telles dépenses ; que, par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. TIEU en raison de la méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral ;
7. Considérant qu'eu égard, d'une part, au caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont M. TIEU ne pouvait ignorer la portée, et, d'autre part au montant et à la part des dépenses ainsi acquittées, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de M. TIEU à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision,
D É C I D E :
Article 1er.- M. Chenva TIEU est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.
Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. TIEU et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mai 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 24 mai 2013.
JORF du 28 mai 2013 page 8755, texte n° 65
Recueil, p. 762
ECLI : FR : CC : 2013 : 2013.4769.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.1. Mandataire financier
- 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
8.3.5.1.2.3. Règlement des dépenses
Le candidat conteste le montant des dépenses payées directement. Au surplus, la nécessité dans laquelle il s'est trouvé de devoir remplacer la personne qu'il avait initialement désignée comme mandataire financier expliquerait que certaines dépenses ont dû être payées directement avant que le deuxième mandataire ne soit en état de succéder pleinement au mandataire initial.
En premier lieu, il résulte de l'instruction que les dépenses payées directement par le candidat ou par des tiers après la désignation du mandataire financier se sont élevées à un total de 4 645 euros sur un total de 44 150 euros de dépenses (montants réformés par rapport à ceux retenus par la Commission), soit 10,52 % du montant total des dépenses et 6,65 % du plafond des dépenses autorisées.
En second lieu, le candidat n'établit pas que ces dépenses auraient été payées directement en raison de l'incapacité dans laquelle se serait trouvé son mandataire financier de procéder à de telles dépenses.
Rejet à bon droit du compte de campagne. Eu égard au caractère substantiel des obligations méconnues, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an.