Décision

Décision n° 2013-329 QPC du 28 juin 2013

Société Garage Dupasquier [Publication et affichage d'une sanction administrative]
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 avril 2013 par le Conseil d'État (décision n° 365705 du 29 avril 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Garage Dupasquier, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3452-4 du code des transports.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code des transports ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 mai 2013 ;

Vu les observations produites pour la société requérante par Me Julien Schaeffer, avocat au barreau de Strasbourg, enregistrées le 6 juin 2013 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Schaeffer pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 juin 2013 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3452-4 du code des transports : « Une publication de la sanction administrative prévue par les articles L. 3452-1 et L. 3452-2 est effectuée dans les locaux de l'entreprise sanctionnée et par voie de presse » ;

2. Considérant que, selon la société requérante, en prévoyant la publication obligatoire des sanctions administratives prononcées à l'encontre des entreprises de transport public routier de personnes ou de marchandises, le législateur a institué une peine ayant le caractère d'une punition ; qu'une telle peine méconnaîtrait les principes de nécessité et d'individualisation des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d'individualisation des peines qui découle de cet article implique que la mesure de publication de la sanction administrative ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu'il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective des infractions ;

4. Considérant qu'en vertu de l'article L. 3411-1 du code des transports, les activités de transport public routier de personnes ou de marchandises et de location de véhicules industriels avec conducteur destinés au transport de marchandises sont exercées après délivrance d'une licence de transport intérieur ou une licence communautaire ; que l'article L. 3452-1 prévoit que les copies conformes de l'une ou l'autre de ces licences peuvent être retirées, à titre temporaire ou définitif, en cas de constat d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de la sécurité constituant au moins une contravention de la cinquième classe ou d'infractions répétées constituant au moins des contraventions de la troisième classe ; qu'en vertu de l'article L. 3452-2, saisie d'un procès-verbal constatant une infraction de nature délictuelle aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de la sécurité, l'autorité administrative peut, indépendamment des sanctions pénales, prononcer l'immobilisation d'un ou plusieurs véhicules d'une entreprise de transport routier pour une durée de trois mois au plus, aux frais et risques de celle-ci ; que, selon les dispositions contestées, la sanction administrative prévue par les articles L. 3452-1 et L. 3452-2 est publiée dans les locaux de l'entreprise et par voie de presse ; que l'article L. 3452-5-2 renvoie à un décret le soin de fixer les modalités de la publication de cette sanction ;

5. Considérant qu'en instituant une peine obligatoire de publication et d'affichage des sanctions de retrait des copies conformes de licence ou d'immobilisation des véhicules d'une entreprise de transport routier en cas d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de la sécurité, les dispositions contestées visent à renforcer la répression de ces infractions en assurant à ces sanctions une publicité tant à l'égard du public qu'à celui du personnel de l'entreprise ;

6. Considérant qu'en prévoyant que l'autorité administrative qui prononce une sanction en cas d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de la sécurité sur le fondement des articles L. 3452-1 et L. 3452-2 du code des transports est tenue d'en assurer la publication dans les locaux de l'entreprise sanctionnée et par voie de presse, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la durée de la publication et de l'affichage ainsi que les autres modalités de cette publicité soient fixées en fonction des circonstances propres à chaque espèce ; qu'elles ne méconnaissent pas en elles-mêmes les principes de nécessité et d'individualisation des peines ; que les modalités de la publication d'une telle sanction sont fixées, ainsi que le prévoit l'article L. 3452-5-2 du même code, par décret en Conseil d'État ; que le pouvoir réglementaire est tenu de respecter les exigences découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'apprécier la conformité à ces exigences des dispositions réglementaires qui prévoient les modalités de cette publication ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article L. 3452-4 du code des transports, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- L'article L. 3452-4 du code des transports est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 juin 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 28 juin 2013.

JORF du 30 juin 2013 page 10964, texte n° 35
Recueil, p. 857
ECLI : FR : CC : 2013 : 2013.329.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.1. Champ d'application des principes de l'article 8 de la Déclaration de 1789
  • 4.23.1.1. Sanction ayant le caractère d'une punition
  • 4.23.1.1.1. Critères

Aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ". Le principe d'individualisation des peines qui découle de cet article implique que la mesure de publication de la sanction administrative ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective des infractions.
En instituant une peine obligatoire de publication et d'affichage des sanctions de retrait des copies conformes de licence ou d'immobilisation des véhicules d'une entreprise de transport routier en cas d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de la sécurité, les dispositions de l'article L. 3452-4 du code des transports visent à renforcer la répression de ces infractions en assurant à ces sanctions une publicité tant à l'égard du public qu'à celui du personnel de l'entreprise et ne méconnaissent pas en elles-mêmes les principes de nécessité et d'individualisation des peines.

(2013-329 QPC, 28 juin 2013, cons. 3, 5, JORF du 30 juin 2013 page 10964, texte n° 35)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.5. Principe d'individualisation des peines
  • 4.23.5.1. Valeur constitutionnelle
  • 4.23.5.1.2. Rattachement à l'article 8 de la Déclaration de 1789

Aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ". Le principe d'individualisation des peines qui découle de cet article implique que la mesure de publication de la sanction administrative ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective des infractions.
En instituant une peine obligatoire de publication et d'affichage des sanctions de retrait des copies conformes de licence ou d'immobilisation des véhicules d'une entreprise de transport routier en cas d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de la sécurité, les dispositions de l'article L. 3452-4 du code des transports visent à renforcer la répression de ces infractions en assurant à ces sanctions une publicité tant à l'égard du public qu'à celui du personnel de l'entreprise.
En prévoyant que l'autorité administrative qui prononce une sanction en cas d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de la sécurité sur le fondement des articles L. 3452-1 et L. 3452-2 du code des transports est tenue d'en assurer la publication dans les locaux de l'entreprise sanctionnée et par voie de presse, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la durée de la publication et de l'affichage ainsi que les autres modalités de cette publicité soient fixées en fonction des circonstances propres à chaque espèce. Elles ne méconnaissent pas en elles-mêmes les principes de nécessité et d'individualisation des peines. Les modalités de la publication d'une telle sanction sont fixées, ainsi que le prévoit l'article L. 3452-5-2 du même code, par décret en Conseil d'État. Le pouvoir réglementaire est tenu de respecter les exigences découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'apprécier la conformité à ces exigences des dispositions réglementaires qui prévoient les modalités de cette publication.

(2013-329 QPC, 28 juin 2013, cons. 3, 5, 6, JORF du 30 juin 2013 page 10964, texte n° 35)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi CE, Références doctrinales, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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