Décision

Décision n° 2012-4563/4600 AN du 18 octobre 2012

A.N., Hauts-de-Seine (13ème circ.)
Annulation - Non lieu à statuer [QPC]

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu 1 °, la requête n° 2012-4563 présentée pour M. Julien LANDFRIED, demeurant à Paris, par Me Philippe Bluteau, avocat au barreau de Paris, enregistrée le 20 juin 2012 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 10 et 17 juin 2012, dans la 13ème circonscription des Hauts-de-Seine pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu 2 °, la requête n° 2012-4600 présentée par M. Michel VOLPARI demeurant à Chatenay-Malabry (Hauts-de-Seine) enregistrée comme ci-dessus le 27 juin 2012 et tendant aux mêmes fins ;

Vu les mémoires en défense présentés pour M. Patrick DEVEDJIAN, député, par Me Olivier Schnerb, avocat au barreau de Paris, enregistrés comme ci-dessus les 27 juillet et 12 septembre 2012 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus les 27 et 30 juillet 2012 ;

Vu le mémoire en défense présenté pour M. Georges SIFFREDI, suppléant de M. DEVEDJIAN, par Me Emmanuel Vital-Durand, avocat au barreau de Paris, enregistré comme ci-dessus le 20 août 2012 ;

Vu le mémoire présenté par M. VOLPARI, enregistré comme ci-dessus le 24 août 2012 ;

Vu les mémoires et observations présentés pour M. LANDFRIED, enregistrés comme ci-dessus les 29 août et 10 septembre 2012 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées comme ci-dessus le 30 août 2012 ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires ;

Vu l'ordonnance n° 59-224 du 4 février 1959 complétant et modifiant l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires ;

Vu la loi organique n° 85-689 du 10 juillet 1985 relative à l'élection des députés des territoires d'outre-mer, de la collectivité territoriale de Mayotte et de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, et la décision du Conseil constitutionnel n° 85-194 DC du même jour ;

Vu le décret n° 64-1086 du 27 octobre 1964 portant révision du code électoral ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Me Schnerb pour M. DEVEDJIAN et Me Bluteau pour M. LANDFRIED ayant été entendus à l'audience du 9 octobre 2012 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre la même élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'à l'appui de sa requête dirigée contre les opérations électorales organisées les 10 et 17 juin 2012 dans la 13ème circonscription des Hauts-de-Seine, M. LANDFRIED soutient que M. SIFFREDI, suppléant de M. DEVEDJIAN, a la qualité de remplaçant d'un sénateur et était, par suite, inéligible, en application des dispositions de l'article L.O. 134 du code électoral ; que M. DEVEDJIAN soutient en défense que cet article porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

- SUR LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L.O. 134 du code électoral : « Un député, un sénateur ou le remplaçant d'un membre d'une assemblée parlementaire ne peut être remplaçant d'un candidat à l'Assemblée nationale » ;

4. Considérant que, selon les auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité, ces dispositions méconnaissent l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 3 de la Constitution ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L.O. 134 du code électoral sont issues de l'article 6 de l'ordonnance du 24 octobre 1958 susvisée, dans la rédaction que lui a donnée l'article 1er de l'ordonnance du 4 février 1959 susvisée ; que ces dispositions ont été codifiées par le décret du 27 octobre 1964 susvisé ; qu'aux termes de l'article 5 de la loi organique du 10 juillet 1985 susvisée, ont « force de loi » les dispositions de l'ordonnance du 24 octobre 1958 « contenues dans le code électoral (partie législative) telles que modifiées et complétées par les textes subséquents » ; que le Conseil constitutionnel a déclaré la loi organique du 10 juillet 1985 conforme à la Constitution au considérant 2 et à l'article premier de sa décision du 10 juillet 1985 susvisée ;

6. Considérant que les dispositions contestées ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; qu'en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité susvisée ;

- SUR L'APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE L.O. 134 DU CODE ÉLECTORAL :

7. Considérant que M. SIFFREDI figurait sur une liste de candidats aux élections sénatoriales qui se sont déroulées dans le département des Hauts-de-Seine le 25 septembre 2011, immédiatement après Mme Isabelle DEBRÉ, candidate proclamée élue ; qu'en application des dispositions de l'article L.O. 320 du code électoral, M. SIFFREDI avait ainsi la qualité de remplaçant d'un sénateur au sens de l'article L.O. 134 du même code ;

8. Considérant que la qualité de remplaçant d'un parlementaire ne confère pas à ce remplaçant une fonction dont il pourrait se démettre ; qu'aucun texte ne lui permet de renoncer, par avance, à exercer son mandat dans l'hypothèse où le siège deviendrait vacant ; que, dès lors, si M. SIFFREDI a adressé au président du Sénat, au président du Conseil constitutionnel et au préfet des Hauts-de-Seine, le 7 mai 2012, une lettre par laquelle il informait ces autorités de sa décision de « démissionner » de sa qualité de remplaçant, cette circonstance est sans incidence sur l'application de l'article L.O. 134 du code électoral ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. SIFFREDI ne pouvait être remplaçant de M. DEVEDJIAN, candidat dans la 13ème circonscription des Hauts-de-Seine lors des élections législatives des 10 et 17 juin 2012 ;

10. Considérant que, selon l'article L.O. 189 du code électoral, le Conseil constitutionnel, « statue sur la régularité de l'élection tant du titulaire que du remplaçant » ; qu'il y a lieu, en raison de l'inéligibilité de M. SIFFREDI, d'annuler l'élection de M. DEVEDJIAN ;

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, par suite, de statuer sur la requête de M. VOLPARI,

D É C I D E :

Article 1er.- Il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. Patrick DEVEDJIAN.

Article 2.- Les opérations électorales qui ont eu lieu les 10 et 17 juin 2012 dans la 13ème circonscription des Hauts-de-Seine sont annulées.

Article 3.- Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. Michel VOLPARI.

Article 4.- La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 octobre 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Journal officiel du 19 octobre 2012, page 16298, texte n° 59
Recueil, p. 543
ECLI : FR : CC : 2012 : 2012.4563.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.1. Conditions d'éligibilité
  • 8.3.2.1.9. Remplaçants

M. SIFFREDI figurait sur une liste de candidats aux élections sénatoriales qui se sont déroulées dans le département des Hauts-de-Seine le 25 septembre 2011, immédiatement après la dernière candidate proclamée élue. En application des dispositions de l'article L.O. 320 du code électoral, M. SIFFREDI avait ainsi la qualité de remplaçant d'un sénateur au sens de l'article L.O. 134 du même code aux termes duquel : " Un député, un sénateur ou le remplaçant d'un membre d'une assemblée parlementaire ne peut être remplaçant d'un candidat à l'Assemblée nationale ". Il ne pouvait, par suite, être remplaçant d'un candidat dans la 13ème circonscription des Hauts-de-Seine lors des élections législatives des 10 et 17 juin 2012.
La qualité de remplaçant d'un parlementaire ne confère pas à ce remplaçant une fonction dont il pourrait se démettre. Aucun texte ne lui permet de renoncer, par avance, à exercer son mandat dans l'hypothèse où le siège deviendrait vacant. Dès lors, si M. SIFFREDI a adressé au président du Sénat, au président du Conseil constitutionnel et au préfet des Hauts-de-Seine, le 7 mai 2012, une lettre par laquelle il informait ces autorités de sa décision de " démissionner " de sa qualité de remplaçant, cette circonstance est sans incidence sur l'application de l'article L.O. 134 du code électoral.
Selon l'article L.O. 189 du code électoral, le Conseil constitutionnel " statue sur la régularité de l'élection tant du titulaire que du remplaçant ". Il y a lieu, en raison de l'inéligibilité de M. SIFFREDI, d'annuler l'élection du député élu dont il est remplaçant.

(2012-4563/4600 AN, 18 octobre 2012, cons. 7, 8, 9, 10, Journal officiel du 19 octobre 2012, page 16298, texte n° 59)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.7. Contentieux - Compétence
  • 8.3.7.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.3.7.1.4. Question prioritaire de constitutionnalité

Selon l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité, les dispositions de l'article L.O. 134 du code électoral aux termes duquel : " Un député, un sénateur ou le remplaçant d'un membre d'une assemblée parlementaire ne peut être remplaçant d'un candidat à l'Assemblée nationale " méconnaissent les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 3 de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel procède comme il l'a fait pour les élections sénatoriales (voir 2011-4538 SEN du 12 janvier 2012) et admet qu'une question prioritaire de constitutionnalité puisse être posée directement devant lui à l'occasion d'une contestation portant sur l'élection d'un député.
Toutefois, les dispositions contestées ayant été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, celui-ci juge qu'en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour lui, d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité.

(2012-4563/4600 AN, 18 octobre 2012, cons. 3, 4, 5, 6, Journal officiel du 19 octobre 2012, page 16298, texte n° 59)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.7. Contentieux - Compétence
  • 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.3.7.2.8. Conformité à la Constitution d'un texte législatif

Le Conseil constitutionnel procède comme il l'a fait pour les élections sénatoriales (voir 2011-4538 SEN du 12 janvier 2012) et admet qu'une question prioritaire de constitutionnalité puisse être posée directement devant lui à l'occasion d'une contestation portant sur l'élection d'un député.

(2012-4563/4600 AN, 18 octobre 2012, cons. 3, 4, 5, 6, Journal officiel du 19 octobre 2012, page 16298, texte n° 59)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.3. Exercice du mandat parlementaire
  • 10.1.3.4. Remplacement

La qualité de remplaçant d'un parlementaire ne confère pas à ce remplaçant une fonction dont il pourrait se démettre. Aucun texte ne lui permet de renoncer, par avance, à exercer son mandat dans l'hypothèse où le siège deviendrait vacant. Dès lors, si M. SIFFREDI a adressé au président du Sénat, au président du Conseil constitutionnel et au préfet des Hauts-de-Seine, le 7 mai 2012, une lettre par laquelle il informait ces autorités de sa décision de " démissionner " de sa qualité de remplaçant, cette circonstance est sans incidence sur l'application de l'article L.O. 134 du code électoral.

(2012-4563/4600 AN, 18 octobre 2012, cons. 8, Journal officiel du 19 octobre 2012, page 16298, texte n° 59)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.2. Critères de transmission ou de renvoi de la question au Conseil constitutionnel
  • 11.6.2.3. Absence de décision antérieure du Conseil constitutionnel (1° de l'article 23-2 Ord. 7/11/1958)

Selon l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité, les dispositions de l'article L.O. 134 du code électoral aux termes duquel : " Un député, un sénateur ou le remplaçant d'un membre d'une assemblée parlementaire ne peut être remplaçant d'un candidat à l'Assemblée nationale " méconnaissent les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 3 de la Constitution
Les dispositions de l'article L.O. 134 du code électoral sont issues de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, dans la rédaction que lui a donnée l'article 1er de l'ordonnance n° 59-224 du 4 février 1959 qui l'a complétée et modifiée. Ces dispositions ont été codifiées par le décret n° 64-1086 du 27 octobre 1964 portant révision du code électoral. Aux termes de l'article 5 de la loi organique n° 85-689 du 10 juillet 1985 relative à l'élection des députés des territoires d'outre-mer, de la collectivité territoriale de Mayotte et de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ont " force de loi " les dispositions de l'ordonnance du 24 octobre 1958 " contenues dans le code électoral (partie législative) telles que modifiées et complétées par les textes subséquents ". Le Conseil constitutionnel a déclaré la loi organique du 10 juillet 1985 conforme à la Constitution au considérant 2 et à l'article premier de sa décision n° 85-194 DC du 10 juillet 1985.
Les dispositions contestées ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. En l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité.

(2012-4563/4600 AN, 18 octobre 2012, cons. 3, 4, 5, 6, Journal officiel du 19 octobre 2012, page 16298, texte n° 59)
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