Décision n° 2012-152 PDR du 25 avril 2012
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;
Vu la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ;
Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ;
Vu le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 modifié portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 susvisée ;
Vu le décret n° 2012-256 du 22 février 2012 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ;
Vu le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes susvisés ;
Vu les procès-verbaux établis par les commissions de recensement, ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes, pour l'ensemble des départements, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ;
Vu les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 7 de la loi du 31 janvier 1976 susvisée ainsi que les réclamations présentées par des électeurs et mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ;
Vu les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ;
Vu les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 susvisé ;
Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations tendant à contester la liste des candidats à l'élection du président de la République en méconnaissance de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 susvisé ;
Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote, opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ;
- SUR LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES :
1. Considérant que, si certains des candidats se sont présentés à l'élection sous un prénom ou un nom qui n'est ni celui de leur état civil ni celui dont ils ont l'autorisation de faire usage en vertu de la loi, cette circonstance ne saurait, en l'absence de toute confusion possible sur leur identité, être regardée comme ayant pu induire en erreur le corps électoral ;
2. Considérant que, dans la commune de Pont-sur-Seine (Aube), dans laquelle 535 suffrages ont été exprimés, le président du bureau de vote s'est opposé à ce que le magistrat délégué du Conseil constitutionnel chargé de suivre sur place les opérations électorales accomplisse la mission qui lui était impartie ; que ce magistrat n'a pu accéder au bureau de vote et au procès-verbal des opérations de vote qu'en fin de journée, accompagné de la force publique ; qu'ainsi, le Conseil constitutionnel n'a pas été en mesure de contrôler que, dans cette commune, le scrutin s'est déroulé conformément aux prescriptions du code électoral ; que, par suite, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune ;
3. Considérant que, dans la commune de Bourg-d'Oueil (Haute-Garonne), dans laquelle 19 suffrages ont été exprimés, aucun isoloir n'a été mis à la disposition des électeurs en violation de l'article L. 62 du code électoral ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune ;
4. Considérant que la liste d'émargement des électeurs de la commune de Lissac (Haute-Loire), dans laquelle 204 suffrages ont été exprimés, n'a pas été transmise à la préfecture après le dépouillement du scrutin, en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral ; que ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin ; qu'il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans la commune ;
5. Considérant que, dans le bureau de vote n° 18 de la commune d'Anglet (Pyrénées-Atlantiques), dans lequel 833 suffrages ont été exprimés, il a été procédé à huis clos au dépouillement des votes en méconnaissance de l'article L. 65 du code électoral ; qu'en raison de cette méconnaissance de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau ;
6. Considérant que, dans le bureau de vote n° 67 de la commune de Limoges (Haute-Vienne), dans lequel 920 suffrages ont été exprimés, les bulletins de vote au nom de l'un des candidats n'ont été mis à la disposition des électeurs, de façon visible, que tardivement ; que cette absence prolongée ayant porté atteinte à la libre expression du suffrage, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau ;
7. Considérant que, dans le bureau de vote n° 56 dans la commune de Bouéni (Mayotte), qui comporte 230 électeurs inscrits, seuls 50 votants ont été enregistrés alors que 115 cartes électorales ont été distribuées au bureau de vote le jour du scrutin ; que, si le nombre de votants s'élève à 50, seuls 30 suffrages ont été exprimés ; que les 20 bulletins déclarés blancs ou nuls n'ont pas été communiqués à la commission de recensement et n'ont pu être vérifiés ; qu'au regard de l'incohérence entre ces chiffres et de l'impossibilité de contrôler les bulletins déclarés blancs ou nuls, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau ;
- SUR L'ENSEMBLE DES RÉSULTATS DU SCRUTIN :
8. Considérant qu'aucun candidat n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin,
D É C L A R E :
Article 1er. - Les résultats du scrutin pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé les 21 et 22 avril 2012, sont les suivants :
Électeurs inscrits : 46 028 542
Votants : 36 584 399
Suffrages exprimés : 35 883 209
Majorité absolue : 17 941 605Ont obtenu :
Mme Eva Joly : 828 345
Mme Marine Le Pen : 6 421 426
M. Nicolas Sarkozy : 9 753 629
M. Jean-Luc Mélenchon : 3 984 822
M. Philippe Poutou : 411 160
Mme Nathalie Arthaud : 202 548
M. Jacques Cheminade : 89 545
M. François Bayrou : 3 275 122
M. Nicolas Dupont-Aignan : 643 907
M. François Hollande : 10 272 705Article 2.- La proclamation des résultats de l'ensemble de l'élection interviendra dans les conditions prévues par le décret du 8 mars 2001 susvisé.
Article 3.- La présente déclaration sera publiée sans délai au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 23, 24 et 25 avril 2012 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Journal officiel du 26 avril 2012, page 7428, texte n° 1
Recueil, p. 218
ECLI : FR : CC : 2012 : 2012.152.PDR
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.1. PRINCIPES DU DROIT ÉLECTORAL
- 8.1.5. Sincérité, loyauté et dignité du scrutin
- 8.1.5.2. Applications du principe de sincérité du scrutin
8.1.5.2.1. Principe de sincérité du scrutin appliqué à l'élection présidentielle (exemples)
Si certains des candidats se sont présentés à l'élection du Président de la République sous un prénom ou un nom qui n'est ni celui de leur état civil ni celui dont ils ont l'autorisation de faire usage en vertu de la loi, cette circonstance ne saurait, en l'absence de toute confusion possible sur leur identité, être regardée comme ayant pu induire en erreur le corps électoral.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.2. Candidatures
- 8.2.2.4. Réclamation contre la liste des candidats devant le Conseil constitutionnel
8.2.2.4.1. Saisine du Conseil constitutionnel
Les réclamations tendant à contester la liste des candidats à l'élection du Président de la République formulées lors des opérations électorales en méconnaissance de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 pris pour l'application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel sont rejetées comme irrecevables.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.2. Délégués du Conseil constitutionnel
8.2.5.2.2. Entrave aux fonctions
Le président du bureau de vote s'est opposé à ce que le magistrat délégué du Conseil constitutionnel chargé de suivre sur place les opérations électorales accomplisse la mission qui lui était impartie. Ce magistrat n'a pu accéder au bureau de vote et au procès-verbal des opérations de vote qu'en fin de journée, accompagné de la force publique. Ainsi, le Conseil constitutionnel n'a pas été en mesure de contrôler que, dans cette commune, le scrutin s'est déroulé conformément aux prescriptions du code électoral. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.3. Déroulement du scrutin
8.2.5.3.2. Mise à la disposition des électeurs des bulletins
Dans un bureau de vote, les bulletins de vote au nom de l'un des candidats n'ont été mis à la disposition des électeurs, de façon visible, que tardivement. Cette absence prolongée ayant porté atteinte à la libre expression du suffrage, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.3. Déroulement du scrutin
8.2.5.3.3. Isoloirs
Annulation de l'ensemble des suffrages émis dans une commune où aucun isoloir n'a été mis à la disposition des électeurs, en violation de l'article L. 62 du code électoral.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.4. Dépouillement
8.2.5.4.1. Procédure de dépouillement
Annulation de l'ensemble des suffrages émis dans un bureau de vote où il a été procédé à huis clos au dépouillement des votes, en méconnaissance de l'article L. 65 du code électoral.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.4. Dépouillement
8.2.5.4.3. Autres discordances
Dans un bureau de vote qui comporte 230 électeurs inscrits, seuls 50 votants ont été enregistrés alors que 115 cartes électorales ont été distribuées au bureau de vote le jour du scrutin. Si le nombre de votants s'élève à 50, seuls 30 suffrages ont été exprimés. Les 20 bulletins déclarés blancs ou nuls n'ont pas été communiqués à la commission de recensement et n'ont pu être vérifiés. Au regard de l'incohérence entre ces chiffres et de l'impossibilité de contrôler les bulletins déclarés blancs ou nuls, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
8.2.5.5. Irrégularités relatives aux procès-verbaux et aux pièces annexes
Annulation de l'ensemble des suffrages émis dans une commune dont la liste d'émargement des électeurs n'a pas été transmise à la préfecture après le dépouillement du scrutin, en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.6. Contentieux
- 8.2.6.2. Procédure de réclamation
8.2.6.2.2. Qualité pour agir
Les réclamations relatives à la régularité des opérations électorales parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 pris pour l'application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel sont rejetées comme irrecevables. Un électeur ne peut contester les opérations qu'en faisant porter au procès-verbal des opérations de vote mention de sa réclamation.