Décision

Décision n° 2011-168 QPC du 30 septembre 2011

M. Samir A. [Maintien en détention lors de la correctionnalisation en cours d'instruction]
Conformité - non lieu à statuer

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3790 du 21 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Samir A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 146 et 186 du code de procédure pénale.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 22 juillet et 4 août 2011 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées 22 juillet 2011 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Philippe Dehapiot et Me Hélène Farge, pour le requérant, ainsi que M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 146 du code de procédure pénale : « S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, soit saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en examen, soit prescrire sa mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire.
 » Le juge des libertés et de la détention statue dans le délai de trois jours à compter de la date de sa saisine par le juge d'instruction " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 186 du même code : « Le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions prévues par les articles 80-1-1, 87, 139, 140, 137-3, 142-6, 142-7 145-1, 145-2, 148, 167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181.
 » La partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou sur la disposition d'une ordonnance relative à la détention de la personne mise en examen ou au contrôle judiciaire.
« Les parties peuvent aussi interjeter appel de l'ordonnance par laquelle le juge a, d'office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence.
 » L'appel des parties ainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l'article 99 doivent être formés dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision.
« Le dossier de l'information ou sa copie établie conformément à l'article 81 est transmis, avec l'avis motivé du procureur de la République, au procureur général, qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants.
 » Si le président de la chambre de l'instruction constate qu'il a été fait appel d'une ordonnance non visée aux alinéas 1 à 3 du présent article, il rend d'office une ordonnance de non-admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de recours. Il en est de même lorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa ou lorsque l'appel est devenu sans objet. Le président de la chambre de l'instruction est également compétent pour constater le désistement de l'appel formé par l'appelant " ;

3. Considérant que, selon le requérant, en permettant au juge des libertés et de la détention de prendre une décision sur la détention provisoire sans débat contradictoire préalable, l'article 146 du code de procédure pénale porte atteinte au caractère contradictoire de la procédure ; qu'en ne mentionnant pas les décisions prévues par cet article 146 dans la liste des décisions et ordonnances du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention dont la personne mise en examen peut faire appel, le premier alinéa de l'article 186 du même code méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif ;

- SUR L'ARTICLE 146 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire ; qu'il appartient au législateur, compétent, en application de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant la procédure pénale, d'assurer la mise en œuvre de l'objectif constitutionnel de bonne administration de la justice sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées ;

5. Considérant que l'article 146 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction qui décide d'abandonner en cours d'instruction la qualification criminelle pour une qualification correctionnelle, peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, s'il ne prescrit pas la mise en liberté de la personne mise en examen et placée en détention provisoire en application de l'article 145-2 du code de procédure pénale, saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins de maintien en détention provisoire selon le régime plus protecteur des droits de l'intéressé prévu par l'article 145-1 du même code ;

6. Considérant que si, en ce cas, le juge des libertés et de la détention statue sans recueillir les observations de la personne détenue sur les réquisitions du procureur de la République et l'ordonnance du juge d'instruction, cette personne peut, à tout moment, demander sa mise en liberté en application de l'article 148 du code de procédure pénale ; que selon ce texte, s'il ne donne pas une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de la détention lequel statue, dans un délai de trois jours ouvrables, par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l'article 144 du même code ; que, dans sa décision du 17 décembre 2010 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 148 du même code, le juge des libertés et de la détention ne peut rejeter la demande de mise en liberté sans que le demandeur ou son avocat ait pu avoir communication de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du ministère public ; que, dans ces conditions, la procédure prévue par l'article 146 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;

7. Considérant que l'article 146 du code de procédure pénale ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;

- SUR L'ARTICLE 186 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE :

8. Considérant que le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 186 du code de procédure pénale conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision du 13 juillet 2011 susvisée ; que, par suite, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de procéder à un nouvel examen de cet article,

D É C I D E :

Article 1er.- L'article 146 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.

Article 2.- Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 186 du code de procédure pénale.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 30 septembre 2011.

Journal officiel du 1er octobre 2011, page 16526, texte n° 108
Recueil, p. 474
ECLI : FR : CC : 2011 : 2011.168.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.1. Fondement constitutionnel

L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 garantit le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire. Il appartient au législateur, compétent, en application de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant la procédure pénale, d'assurer la mise en œuvre de l'objectif constitutionnel de bonne administration de la justice sans méconnaître ces exigences constitutionnelles.

(2011-168 QPC, 30 septembre 2011, cons. 4, Journal officiel du 1er octobre 2011, page 16526, texte n° 108)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.6. Dispositions relevant de la procédure d'enquête et d'instruction
  • 4.23.9.6.3. Instruction

L'article 146 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction qui décide d'abandonner en cours d'instruction la qualification criminelle pour une qualification correctionnelle, peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, s'il ne prescrit pas la mise en liberté de la personne mise en examen et placée en détention provisoire en application de l'article 145-2 du code de procédure pénale, saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins de maintien en détention provisoire selon le régime plus protecteur des droits de l'intéressé prévu par l'article 145-1 du même code.
Si, en ce cas, le juge des libertés et de la détention statue sans recueillir les observations de la personne détenue sur les réquisitions du procureur de la République et l'ordonnance du juge d'instruction, cette personne peut, à tout moment, demander sa mise en liberté en application de l'article 148 du code de procédure pénale. Selon ce texte, s'il ne donne pas une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de la détention lequel statue, dans un délai de trois jours ouvrables, par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l'article 144 du même code. Dans sa décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé que, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 148 du même code, le juge des libertés et de la détention ne peut rejeter la demande de mise en liberté sans que le demandeur ou son avocat ait pu avoir communication de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du ministère public. Dans ces conditions, la procédure prévue par l'article 146 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2011-168 QPC, 30 septembre 2011, cons. 5, 6, Journal officiel du 1er octobre 2011, page 16526, texte n° 108)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.7. Autorité des décisions du Conseil constitutionnel
  • 11.8.7.1. Hypothèses où la chose jugée est opposée
  • 11.8.7.1.1. Contentieux des normes
  • 11.8.7.1.1.4. Contentieux de l'article 61-1 (contrôle a posteriori)

Le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 186 du code de procédure pénale conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011. Par suite, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de procéder à un nouvel examen de cet article.

(2011-168 QPC, 30 septembre 2011, cons. 8, Journal officiel du 1er octobre 2011, page 16526, texte n° 108)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.7. Autorité des décisions du Conseil constitutionnel
  • 11.8.7.3. Portée des précédentes décisions
  • 11.8.7.3.3. Motivation par renvoi à une autre décision

Examen de la conformité à la Constitution de l'article 146 du code de procédure pénale. Motivation par référence à la décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, dans laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 148 du même code, le juge des libertés et de la détention ne peut rejeter la demande de mise en liberté sans que le demandeur ou son avocat ait pu avoir communication de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du ministère public.

(2011-168 QPC, 30 septembre 2011, cons. 6, Journal officiel du 1er octobre 2011, page 16526, texte n° 108)
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